Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'office public de l'habitat (OPH) de Périgueux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la réduction des impositions qu'il a acquittées au titre de la taxe sur les salaires à hauteur respectivement de 11 422 euros pour l'année 2010, 32 745 euros pour l'année 2011 et 1 612 euros pour l'année 2012.
Par un jugement n° 1303725 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l'OPH de Périgueux des cotisations acquittées au titre de la taxe sur les salaires pour les années 2010, 2011 et 2012 à hauteur, respectivement 11 422 euros, 32 745 euros et 1 612 euros.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 31 mars 2015 et un mémoire présenté le 15 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 décembre 2014 ;
2°) de remettre à la charge de l'OPH de Périgueux les impositions au titre de la taxe sur les salaires à hauteur de 11 422 euros pour l'année 2010, 32 745 euros pour l'année 2011 et 1 612 euros pour l'année 2012.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'office public de l'habitat de Périgueux.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat de Périgueux, qui exerce une activité de gestion d'une offre de logements pour les familles aux revenus modestes et une activité de promoteur pour la construction de logement sociaux, s'est acquitté de la taxe sur les salaires au titre des années 2010 à 2012, laquelle a été calculée à partir d'un rapport d'assujettissement de 100%. Il a sollicité une remise partielle de cette taxe en faisant valoir que les livraisons à soi-même d'immeubles taxables à la taxe sur la valeur ajoutée devaient être intégrées au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, rapport corrigé respectivement de 75%, 76% et 99% au titre de ces années. Le pôle de contrôle et d'expertise de Périgueux a prononcé, le 18 septembre 2013, une décision de rejet et a maintenu un rapport d'assujettissement de 100%. Par un jugement n° 1303725 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux lui a accordé la restitution des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2010, 2011 et 2012 à hauteur, respectivement, de 11 422 euros, 32 745 euros et 1 612 euros, en estimant que les livraisons à soi-même devaient être prises en compte pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, et qu'une livraison à soi-même devait être considérée comme un " produit " au sens des dispositions de l'article 231-1 du code général des impôts. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...). L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée./ (...) ". En vertu de l'article 257 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) / 1. Sont notamment visés :/ (...) c) Les livraisons à soi-même d'immeubles. (...) ".
3. L'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons à soi-même d'immeubles a été prévu par la loi fiscale à seule fin d'en assurer la neutralité au regard de l'exercice du droit à déduction. Ces livraisons, qui ne résultent pas d'opérations réalisées avec des tiers, ne sont génératrices d'aucun flux financier et ne sauraient, dès lors, être regardées comme des produits devant être inclus au dénominateur du rapport défini par les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts en vue de déterminer l'assiette de la taxe sur les salaires.
4. Pour accorder à l'OPH de Périgueux la restitution partielle des cotisations de taxe sur les salaires qu'il avait acquittées au titre des années 2010 à 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le montant des livraisons d'immeubles qu'il s'était faites à lui-même au cours de ces années, bien que ces immeubles ne soient pas générateurs de flux financier, devait être pris en considération dans le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, dès lors d'une part, que les opérations concourant à la livraison d'immeubles à soi-même sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 7° de l'article 257 du code général des impôts, et d'autre part, que ces livraisons sont comptabilisées au compte de produits 72 " production immobilisée " du plan comptable général et devaient ainsi être incluses, au titre des " autres produits ", dans le chiffre d'affaires total constituant le dénominateur du rapport prévu par l'article 231 précité du code général des impôts. Toutefois, et en application du principe énoncé au point 3 du présent arrêt, l'OPH de Périgueux ne pouvait légalement inscrire le montant des livraisons à soi-même d'immeubles au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires prévu à l'article 231 du code général des impôts.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens par lesquels l'OPH de Périgueux a contesté le bien fondé des impositions en litige.
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".
7. En premier lieu, l'OPH de Périgueux ne saurait se prévaloir utilement de la documentation administrative 3 D-171 1 selon laquelle les prestations de services à soi-même et les livraisons à soi-même de biens autres que les immobilisations taxables doivent être retenues au dénominateur et au numérateur du rapport qui détermine le coefficient de taxation forfaitaire dès lors, et en tout état de cause, que l'OPH souhaite inscrire les livraisons à soi-même au seul dénominateur du rapport, ce que ne permet pas cette doctrine.
8. En second lieu, l'OPH ne saurait non plus se prévaloir utilement de la doctrine administrative publiée le 10 juin 2013 au bulletin officiel des finances publiques (BOI-TVA-DED-20-10-20-20130610 n°170) applicable uniquement aux entreprises de crédit-bail immobilier.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l'OPH de Périgueux des cotisations acquittées au titre de la taxe sur les salaires pour les années 2010, 2011 et 2012 à hauteur, respectivement de 11 422 euros, 32 745 euros et 1 612 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'OPH de Périgueux sur leur fondement.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1303725 du 11 décembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de l'OPH de Périgueux est rejetée.
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N° 15BX01181