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08/11/2016 | FRANCE | N°14BX03496

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2016, 14BX03496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Lusignan à lui verser la somme globale de 33 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait l'accident dont elle a été victime le 17 août 2011.

Par un jugement n° 1202060 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 15 décembre 20

14 et 28 août 2015, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Lusignan à lui verser la somme globale de 33 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait l'accident dont elle a été victime le 17 août 2011.

Par un jugement n° 1202060 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 15 décembre 2014 et 28 août 2015, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 octobre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lusignan la somme globale de 33 200 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident survenu le 17 août 2011 ;

3°) de condamner la commune de Lusignan aux dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée en référé ;

4°) de condamner la commune de Lusignan à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761- du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. E... de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant la commune de Lusignan.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Lusignan a été enregistrée le 13 octobre 2016.

Un mémoire en intervention a été présenté le 13 octobre 2016 par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 août 2011, aux alentours de 11h15, alors qu'elle se trouvait au niveau du numéro 7 de la rue Raymondin à Lusignan, M. D... a été victime d'un accident lui ayant occasionné une fracture ouverte de la deuxième phalange du premier orteil de son pied gauche, avec désinsertion unguéale. Mme D...relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

2. En premier lieu, Mme D...a précisé dans la requête introduite devant les premiers juges le fondement de sa demande et la nature des préjudices invoqués. La commune de Lusignan n'est par suite pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative auraient été méconnues.

3. En deuxième lieu, si la commune fait valoir que la requête devant le tribunal administratif n'était pas accompagnée du nombre de copies requis par les textes, cette fin de non-recevoir doit être écartée A...manquant en fait.

4. En troisième lieu, lorsque l'auteur d'un recours, invité à justifier de l'accomplissement des formalités de recevabilité requises, adresse au tribunal, en réponse, une lettre annonçant les justificatifs annoncés, il appartient au greffe du tribunal, si de tels justificatifs ne figurent pas dans l'enveloppe reçue du requérant, d'en aviser ce dernier. Il résulte de l'instruction que Mme D... a adressé au tribunal sa requête introductive d'instance en l'accompagnant d'un courrier qui annonçait notamment la production du timbre fiscal de 35 euros. Pour répondre à la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lusignan, elle a réitéré la production de ce courrier le 27 novembre 2012. En l'absence de toute demande de régularisation adressée par le greffe du tribunal administratif, Mme D... doit être regardée A...s'étant acquittée du timbre fiscal. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable, doit être écartée.

Sur la responsabilité :

5. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, d'établir l'existence de l'obstacle et d'un lien de causalité direct et certain entre celui-ci et le préjudice. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

6. Mme D...soutient que les blessures qu'elle a subies ont été causées par une plaque d'égout qui, descellée du trottoir, a basculé sur son pied alors qu'elle marchait sur le trottoir. Bien que l'intéressée ne donne aucune autre indication permettant de déterminer précisément les circonstances dans lesquelles une plaque de fonte pesant plus de 50 kg se serait soulevée à son passage pour retomber sur son pied, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier circonstancié de l'assureur de la commune de Lusignan daté du 17 novembre 2011, qui s'appuie sur les indications fournies par les services techniques de la commune, qu'à l'époque des faits, à l'angle des rues Raymondin et Saint-Martin, une plaque d'avaloir en fonte s'était descellée, probablement à la suite du passage d'un camion. Les photographies versées au dossier révèlent que le poids d'un passant exercé sur l'extrémité de la plaque, côté chaussée, suffisait à faire basculer celle-ci autour de son axe longitudinal et à provoquer le soulèvement de son extrémité opposée. Enfin, si Mme D...ne cite aucun témoin direct de l'accident dont elle a été victime, elle produit toutefois le témoignage d'un passant croisé peu avant, aux termes duquel : " en entendant crier cette personne (MmeD...) (...) j'ai pris conscience qu'un accident venait de se produire. Une plaque de fonte sur le bord du trottoir écrasait le pied de cette jeune femme ". Par suite, et alors même que les circonstances exactes de l'accident ne sont pas établies, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le lien de causalité entre l'état de la voie et le dommage subi par Mme D...doit être regardé A...établi. A cet égard, si la commune de Lusignan soutient que ce lien de causalité ne serait pas direct dès lors que l'accident aurait en réalité été causé par un tiers qui aurait soulevé la plaque d'égout, la cause directe du dommage subi par la requérante se trouve dans le descellement de la plaque provoquant son basculement. Si la commune fait valoir qu'elle n'a pas été avertie du descellement en cause, il ne résulte pas de l'instruction que le délai séparant le descellement de la plaque de l'accident survenu à Mme D...aurait été si court que la commune n'aurait pas disposé d'un temps suffisant pour prendre les mesures adaptées, à tout le moins en mettant en place une signalisation adéquate. Dans ces conditions, la commune de Lusignan n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un entretien normal de la voie.

7. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des photographies produites au dossier, que le trottoir, dans sa partie située près de la chaussée, au niveau du coin extérieur de la plaque d'égout, présentait une excavation située le long de l'arête de la plaque qui était visible et qui aurait dû inciter Mme D...à la prudence. Pour que cette plaque ait pu retomber sur le pied de la victime, il a nécessairement fallu qu'elle ait été soulevée au moment du passage de Mme D...et que celle-ci ait introduit son pied sous la plaque, commettant ainsi une faute d'inattention qui est de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à hauteur de 50%.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur la réparation :

En ce qui concerne la régularité des opérations de l'expertise ordonnée en référé :

9. La commune de Lusignan soutient que les opérations menées par l'expert désigné par le juge des référés sont irrégulières dès lors qu'elle n'a pas été convoquée aux opérations d'expertise. Les mentions insuffisamment précises du rapport déposé par cet expert ne permettent pas, en effet, de tenir pour établi que l'expert a régulièrement convoqué la commune. Toutefois, cette irrégularité ne fait pas obstacle à ce que le rapport d'expertise, qui a été versé au dossier et sur lequel la commune a pu présenter ses observations, soit retenu à titre d'élément d'information.

En ce qui concerne les préjudices de MmeD... :

10. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

11. Le mémoire produit en première instance par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise fait état de dépenses prises en charge par cette caisse au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques qui s'élèvent à un total de 1 498, 26 euros. MmeD..., qui se borne à faire état d'éventuels frais futurs de santé dont le caractère certain ne ressort aucunement du dossier, ne soutient pas avoir elle-même exposé des dépenses de santé.

Quant aux pertes de revenus :

12. Il résulte des attestations en date du 26 août 2011 et 13 juin 2012 établies par la société Pharmatis, employeur de la requérante, que Mme D...a subi, en raison de son arrêt de travail consécutif à l'accident, d'une part, une perte nette de salaires s'élevant à 927, 45 euros, d'autre part, une perte au titre de la participation et de l'intéressement s'élevant à 853,28 euros, soit un total de perte de revenus de 1 780, 73 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que des prestations aient été versées à Mme D...à raison de cet arrêt de travail.

13. Mme D...ne justifie pas, en revanche, que l'accident aurait eu d'autres répercussions sur ses revenus, telles que celles résultant d'une perte de chance de progression professionnelle.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

Quant aux préjudices temporaires :

14. Il résulte du certificat médical établi le 19 août 2011 par le DrC..., chirurgien orthopédiste au CHU de Poitiers, dans lequel a été hospitalisée et opérée la requérante à la suite de son accident, que l'incapacité temporaire de celle-ci a été totale jusqu'au 19 août 2011. Par ailleurs, une radiographie réalisée le 27 décembre 2012 a permis de constater que la fracture de la deuxième phalange de l'orteil du pied gauche de la requérante présentait à cette date un aspect consolidé. Entre ces deux dates, la requérante, dans un premier temps a dû se déplacer avec des cannes et, dans un deuxième temps, a rencontré des difficultés dans la marche et dans le port de chaussures adaptées. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par la requérante entre le 17 août 2011 et le 27 décembre 2011 en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. Eu égard à la nature de sa blessure, les douleurs éprouvées par Mme D...jusqu'à la date de sa consolidation peuvent être évaluées à la somme de 2 000 euros, et le préjudice esthétique temporaire à la somme de 100 euros.

Quant aux préjudices permanents :

15. Mme D...fait valoir, sans être sérieusement contredite, qu'elle souffre, après consolidation de son état, d'une gêne cutanée au niveau du gros orteil du pied gauche ainsi que d'une difficulté à le mobiliser complètement. Il sera fait une juste appréciation de la réparation du déficit fonctionnel permanent qui en résulte en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. Le préjudice esthétique permanent, en tout état de cause léger, peut être évalué à 300 euros. Enfin, le préjudice d'agrément de l'intéressée doit être évalué à la somme de 1 000 euros.

En ce qui concerne les droits de Mme D...et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise :

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 15 ci-dessus, après prise en compte du partage de responsabilité retenu au point 7, qu'il y a lieu de condamner la commune de Lusignan à verser, d'une part, à Mme D...la somme de 4 590, 36 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise la somme de 749, 13 euros.

Sur les frais d'expertise :

17. Dans les circonstances de l'espèce, les frais de l'expertise ordonnée en référé doivent être mis à la charge de la commune.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Lusignan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lusignan une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par Mme D....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Lusignan versera à Mme D... la somme de 4 590, 36 euros en réparation de son préjudice et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La commune de Lusignan versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise la somme de 749, 13 euros.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge de la commune de Lusignan.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Lusignan présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX03496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX03496
Date de la décision : 08/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Usagers des ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : COMME

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-08;14bx03496 ?
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