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07/11/2016 | FRANCE | N°15BX03855

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2016, 15BX03855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance de renvoi en date du 16 octobre 2015, le président du tribunal administratif de Lille a transmis au tribunal administratif de Toulouse, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 14 octobre 2015 par laquelle M.C..., demande l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son enc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance de renvoi en date du 16 octobre 2015, le président du tribunal administratif de Lille a transmis au tribunal administratif de Toulouse, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 14 octobre 2015 par laquelle M.C..., demande l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a ordonné son placement en rétention administrative, et d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1504754 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention administrative, a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 13 octobre 2015.

Procédure devant la cour ;

Par une requête du 3 décembre 2015, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse

2°) de rejeter la demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité compétente pour ce faire ;

- elle est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- aucune demande d'asile n'a été déposée ;

- sa nationalité n'est pas établie, et les risques en cas de retour sont seulement allégués.

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- elle a été prise par une autorité compétente ;

- elle suffisamment motivée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui la fonde étant légale, son illégalité ne peut donc être invoquée par la voie de l'exception.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle a été prise par une autorité compétente ;

- elle est suffisamment motivée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français étant légale, son illégalité ne peut donc être invoquée par la voie de l'exception ;

- les risques allégués ne sont pas établis.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle a été prise par une autorité compétente ;

- elle est suffisamment motivée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français étant légale, son illégalité ne peut donc être invoquée par la voie de l'exception ;

- elle a été prise en méconnaissance de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

- elle a été prise par une autorité compétente ;

- elle est suffisamment motivée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français que de celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire étant légales, leur illégalité ne saurait être invoquée par la voie de l'exception ;

- elle est nécessaire et ne méconnaît pas la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2015, M.C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 janvier 2016 a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Antoine Bec a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., se disant ressortissant érythréen, a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, l'a signalé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, et a ordonné son placement en rétention administrative.

Le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la requête de M.C....

Sur la compétence de l'auteur de l'acte attaqué :

2. En appel, le préfet du Pas-de-Calais produit la délégation de signature accordée à M. D... B..., signataire de l'arrêté litigieux du 13 octobre 2015, par un arrêté du 16 février 2015 publié au recueil spécial de la préfecture du Pas-de-Calais du même jour.

3. Le préfet est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'incompétence de l'auteur de l'acte pour annuler l'arrêté du 13 octobre 2015.

4. Il appartient dès lors à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M.C....

Sur le défaut de motivation :

5. L'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 13 octobre 2015 qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003, la directive européenne n°2008/1 15/CE du 16 décembre 2008, et les articles L. 211-1, L. 511-1, L. 513-2 et L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui énonce que M. C...n'apporte aucun élément permettant de justifier sa nationalité, ne justifie pas être entré régulièrement en France, ne présente pas de garanties suffisantes de représentation permettant d'envisager son assignation à résidence, que sa rétention administrative se justifie dès lors qu'il ne peut quitter immédiatement le territoire en l'absence de document de voyage, et qu'il n'établit pas être personnellement et directement menacé en cas de retour dans son pays d'origine, comprend ainsi toutes les considérations de droit et de fait propres à établir son fondement.

Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit par suite être écarté.

Sur la méconnaissance du droit à être entendu avant de prendre la mesure d'éloignement :

6. Le paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne doit être interprété en ce sens qu'il ne s 'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d 'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que celle décision de retour soit consécutive ou non à un refus de séjour.

7. Au cours de son audition par les services de police du 13 octobre 2015, M. C...a bien été informé, préalablement à son intervention qu'une mesure d'éloignement pouvait être prise à son encontre, et de la possibilité de faire connaître ses observations. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision.

Le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu avant de prendre la mesure d'éloignement doit par suite être écarté.

Sur la violation de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

8. Ni au cours de son audition, ni lors de son placement en rétention, à l'occasion duquel la possibilité de formuler une demande d'asile dans les cinq jours lui a été notifiée, M. C...n'a exprimé l'intention de présenter une demande d'asile en France, alors même que, selon ses déclarations, il se trouvait en France depuis un mois mais cherchait uniquement à se rendre clandestinement en Grande-Bretagne.

Si M. C...se déclare de nationalité érythréenne, il ne l'établi pas, et ne fait état qu'en termes très généraux des risques qu'il encourrait en cas de retour en Erythrée du fait de sa religion, et de ceux que lui ferait courir le désordre dans ce pays, en se bornant à évoquer de possibles persécutions, sans en préciser la gravité, les auteurs et la fréquence. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir qu'en cas de retour dans ce pays, il y serait exposé à une menace grave et personnelle de traitement inhumain ou dégradant.

Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ct des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la violation de la directive " retour " :

9. Les dispositions de la directive 2008/ 115/CE du 16 décembre 2008 ayant été transposées en droit interne par la loi du 16 juin 2011, M. C...ne peut utilement invoquer sa violation à l' encontre de l'arrêté litigieux.

10. Aucune disposition de la directive n'étend à l'espace Schengen l'appréciation des circonstances particulières faisant obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour en France. Les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont donc pas incompatibles avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qu'elles ont eu pour objet de transposer.

Par suite, le moyen tiré de l'inconventionnalité de ces dispositions doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Si M. C...soutient que le préfet a commis une erreur de droit en ne retenant pas l'absence de mesure d'éloignement antérieure prise à son encontre, il résulte des pièces du dossier que l'autorité administrative a tenu compte de la durée de sa présence sur le territoire français, de la nature et de 1'ancienneté de ses liens avec la France, et de la menace pour l 'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Si elle ne retient pas l'absence de mesure d'éloignement au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

Eu égard à la situation de M.C..., le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour, alors même que l'intéressé n'aurait pas fait l'objet de poursuites pénales.

Le moyen tiré de l'illégalité de la décision de retour doit par suite être écarté.

Sur l'absence de nécessité de son placement en rétention :

12. Selon l'article L. 55 1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'étranger qui ne peut immédiatement quitter le territoire français peut être placé en rétention " à moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 ".

13. Dans la mesure où c'est seulement dans l'hypothèse où le ressortissant étranger ne réunirait pas les conditions prévues à l'article L.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence qu'il pourra être placé en rétention, l'article L. 55 1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concilie les objectifs de proportionnalité des mesures de surveillance prises à l'encontre des ressortissants étrangers et celui d'une politique efficace d'éloignement, et est ainsi conforme à la directive 2008/115.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. C...ne disposait pas de documents de voyage, et ne présentait pas de garantie de représentation. La circonstance qu'il ait été ultérieurement mis fin à sa rétention est sans influence sur la légalité de la mesure.

Par suite son placement en rétention n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté :

15. L'arrêté litigieux étant légal, l'invocation par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire et de la décision portant interdiction de retour, ainsi que de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de renvoi à l'encontre de la décision le plaçant en rétention, est inopérante.

16. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 octobre 2015.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie qui succombe, les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504754 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La requête de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C.... Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.

Le rapporteur,

Antoine BecLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin.

2

N° 15BX03855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03855
Date de la décision : 07/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : GRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-07;15bx03855 ?
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