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25/10/2016 | FRANCE | N°16BX01113

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 25 octobre 2016, 16BX01113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501885 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avri

l 2016, Mme A...C...épouseD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501885 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2016, Mme A...C...épouseD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 février 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante géorgienne, née le 21 juillet 1988, déclare être entrée en France le 4 août 2012, accompagnée de son époux et de leur fils. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 décembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 juillet 2014. Elle a sollicité, le 21 août 2014, auprès du préfet de la Haute-Vienne, son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 septembre 2015, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 2 novembre 2015, elle a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Par une décision du 6 janvier 2016, le préfet a réitéré son refus. Mme D...relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté du 29 septembre 2015.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".

3. Pour lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Haute-Vienne s'est notamment fondé sur les avis du médecin de l'agence régionale de santé du Limousin des 25 septembre 2014 et 4 juin 2015, selon lesquels l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont elle pourrait bénéficier dans son pays d'origine. Mme D...conteste cependant cette appréciation en soutenant que ce défaut de soins entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et produit, à l'appui de ses allégations, trois certificats médicaux. Cependant, le premier certificat médical, daté du 22 avril 2015, et émanant du docteur Souchaud, praticien hospitalier, se borne à indiquer que l'intéressée souffre d'une " décompensation anxio-dépressive névrotique " et que son traitement comprend de l'atarax et du venlafaxine. Le deuxième certificat de ce même médecin, daté du 1er décembre 2015, précise qu'elle souffre d'un " épisode dépressif majeur, non stabilisé actuellement avec persistance de troubles du sommeil invalidants, d'angoisses continues et une tristesse de l'humeur ". Ainsi, ces certificats n'indiquent pas les conséquences que pourrait avoir une interruption du traitement et ne se prononcent pas non plus sur la disponibilité de celui-ci en Géorgie. Enfin, le dernier certificat, daté du 8 décembre 2015, émane d'un autre médecin et indique désormais que le défaut de soins pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité et que l'intéressée présente en particulier des " idéations suicidaires ". Toutefois, ce dernier certificat médical, qui laisse entendre une aggravation de l'état de santé de la requérante, est postérieur de deux mois à la date de l'arrêté attaqué et il ne ressort pas de ses mentions qu'il relate l'état de santé de la requérante à la date à laquelle a été pris l'arrêté contesté. Dans ces conditions, les certificats produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée, à la date de l'arrêté contesté, par le préfet, lequel a estimé que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin, si Mme D...soutient que son état clinique serait consécutif aux évènements traumatiques qu'elle aurait vécus en Géorgie, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Mme D...fait valoir qu'elle vit en France depuis maintenant trois ans, avec son époux et leurs deux fils, dont l'un est scolarisé depuis quatre ans sur le territoire et l'autre y est né, et que l'ensemble de la famille justifie d'une intégration particulière dans la société française, ainsi qu'en attestent les divers attestations produites et notamment celle de l'établissement Culture Alpha faisant état des efforts qu'elle a entrepris pour apprendre le français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son époux fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 février 2016 et par un arrêt de la cour rendu ce jour sous le numéro 16BX01114. Par ailleurs, la requérante est entrée en France récemment, à l'âge de vingt-quatre ans, et elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Géorgie où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Si son fils, Alik, est scolarisé depuis quatre ans sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en Géorgie. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été dit au point 3, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne [...], lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / [...] La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I [...] ".

7. D'une part, il ressort des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour, dont elle découle nécessairement et n'implique par conséquent pas de motivation spécifique pour respecter les exigences de motivation. Le préfet a motivé, en fait et en droit, la décision de refus de séjour, et a visé le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. La requérante ne saurait ainsi reprocher au préfet de n'avoir pas justifié la décision susvisée dans les motifs de l'arrêté, alors que la motivation de cette décision se confond, ainsi qu'il vient d'être dit, avec celle du refus de titre de séjour. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'édiction de la mesure d'éloignement n'aurait pas été précédée d'un examen circonstancié de la situation de l'intéressée.

8. D'autre part, il ne ressort pas des termes de l'arrêté, qui indique que Mme D...n'entre dans aucune des catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet se serait cru tenu d'enjoindre à l'intéressée de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 5, le moyen tiré de ce que cette décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que le fils aîné de la requérante ne pourrait poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine, et d'autre part, que la cellule familiale ne pourrait se reconstruire en Géorgie. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

14. En deuxième lieu, dès lors que Mme D...invoque, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, les mêmes arguments et moyens que ceux invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter ces moyens pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 10 et 12.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2015. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

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N°16BX01113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01113
Date de la décision : 25/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-25;16bx01113 ?
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