Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de déclarer illégale la décision du 28 mai 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 12ème section de la Gironde a autorisé son licenciement pour motif économique, et de mettre à la charge de la société IBR et de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1302463 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré illégale la décision susvisée.
Procédure devant la cour :
Par la " déclaration d'appel ", la requête et le mémoire récapitulatif, enregistrés respectivement les 5 septembre 2014, 22 septembre 2014 et 17 avril 2015, la SCP Silvestri Baujet, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société IBR, représentée par la SELARL Le Dimeet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juillet 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de Mme D...la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas été saisi sur renvoi du juge judiciaire, lequel ne pouvait se borner à sursoir à statuer sans définir la question préjudicielle relative à la légalité de l'autorisation de licenciement litigieuse ; c'est à tort que les premiers juges ont statué sur ce recours, alors que la salariée sollicitait l'annulation de l'autorisation administrative de la licencier ;
- la société IBR a respecté strictement ses obligations en matière de reclassement, dès lors qu'elle a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe Riello, qu'elle a procédé au recensement des postes disponibles dans l'ensemble des sociétés du groupe et à un examen attentif de la situation individuelle de Mme D...en lui remettant, à deux reprises et en mains propres, une liste de postes disponibles dans les sociétés du groupe ; elle a respecté les obligations prescrites par les dispositions conventionnelles applicables en matière de recherche de reclassement à l'extérieur du groupe ; elle a recherché les possibilités d'emploi susceptibles de convenir aux salariés dans la localité ou les localités voisines ; elle a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi alors qu'elle n'en avait pas l'obligation, crée un cellule de reclassement et adopté des mesure d'accompagnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2014, MmeD..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête de la SCP Silvestri Baujet et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SCP Silvestri Baujet ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- les observations de MeA..., représentant la SCP Silvestri Baujet, et de Me C..., représentant MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. La société Industries Brûleurs Riello (IBR), filiale du groupe italien Riello International, gérait un site à Pessac ayant pour objet la fabrication de brûleurs d'appareils de chauffage. Invoquant des difficultés financières, la société IBR a procédé à la fermeture du site de Pessac et au licenciement économique de ses trente salariés, dont onze salariés protégés. Par un courrier du 29 mars 2010, le directeur général de la société IBR a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique ces salariés protégés, dont MmeD..., déléguée du personnel titulaire et membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et employée en qualité de comptable depuis 1976. Par une décision du 28 mai 2010, l'inspecteur du travail de la 12ème section de la Gironde a autorisé son licenciement. Par un jugement du 2 mai 2012, le conseil des prud'hommes de Bordeaux, estimant que la question soulevée par la légalité de la décision du 28 mai 2010 prise par l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme D...était une question sérieuse dont la solution ressortissait à la compétence du juge administratif, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la légalité de ladite décision. La SCP Silvestri Baujet, liquidateur judiciaire de la société IBR, relève appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré illégale, à la demande de MmeD..., la décision autorisant son licenciement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. La demande présentée par Mme D...tend à ce que le tribunal administratif de Bordeaux déclare illégale la décision du 28 mai 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 12ème section de la Gironde a autorisé son licenciement pour motif économique. Par un jugement du 2 mai 2012, le conseil des prud'hommes de Bordeaux a sursis à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative sur la légalité invoquée par Mme D...à l'encontre de cette décision dans le litige qui l'oppose à la société IBR. Alors même que le conseil des prud'hommes ne définit pas explicitement pas cette question préjudicielle dans sa décision, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du renvoi à la juridiction administrative. Par suite, la SCP Silvestri Baujet, liquidateur judiciaire de la société IBR, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait été irrégulièrement saisi d'un recours en appréciation de légalité, faute d'avoir été précédé d'une décision de renvoi de l'autorité judiciaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort des termes mêmes de ses écritures de première instance que la requête de Mme D...comporte des conclusions tendant à " dire et juger que la décision de l'inspecteur du travail du 28 mai 2010 est illégale ". En estimant que, si la requête de Mme D...pour faire trancher, en exécution du jugement du conseil des prud'hommes précité, cette question préjudicielle, l'intéressée a, par erreur, conclu également à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 28 mai 2010, ladite requête tend en réalité à l'appréciation de la légalité de ladite décision, le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions dont il était saisi. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés investis d'un mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou de délégué du personnel, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils ont vocation à représenter, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou briguées, ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou dans le groupe auquel appartient l'entreprise.
5. Méconnaît l'obligation de reclassement qui lui incombe la société qui ne procède pas à un examen spécifique des possibilités de reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe des salariés protégés qu'elle entend licencier pour cause économique.
6. Alors même que la société IBR a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe Riello, recensé tous les postes disponibles dans l'ensemble des sociétés du groupe, recherché les possibilités d'emploi susceptibles de convenir aux salariés dans la localité et les localités voisines, a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, créé une cellule de reclassement et institué des mesures d'accompagnement, il ressort des pièces du dossier que la situation de Mme D...salariée protégée de la société IBR, n'a pas donné lieu à un examen spécifique et à une recherche individualisée de reclassement correspondant à sa qualité de salarié protégé. Il suit de là que la société IBR, nonobstant la circonstance que la salariée se soit vue remettre en mains propres, à deux reprises, une liste identique de postes vacants ne correspondant pas à son profil, ne peut être regardée comme s'étant acquittée de l'obligation de reclassement qui lui incombait. Dès lors, les premiers juges ont, à bon droit, déclaré illégale la décision de l'inspecteur du travail du 28 mai 2010 autorisant le licenciement de MmeD....
7. Il résulte de ce qui précède que la SCP Silvestri Baujet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré illégale la décision du 28 mai 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la 12ème section de la Gironde a autorisé le licenciement pour motif économique de MmeD....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCP Silvestri Baujet au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société IBR à verser la somme de 1 500 euros à Mme D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SCP Silvestri Baujet est rejetée.
Article 2 : La SCP Silvestri Baujet versa à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Silvestri Baujet, à Mme B...D...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2016.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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No 14BX02626