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18/10/2016 | FRANCE | N°16BX01366

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 16BX01366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 10 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfants français et de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement des alinéas 2 et 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant sa reconduite à la frontière.

Par un j

ugement n° 1503590 et 1503603 du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, la décision du 10 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien en qualité de parent d'enfants français et de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement des alinéas 2 et 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 1503590 et 1503603 du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2016, M. E...représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la décision et l'arrêté attaqués ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article 6 alinéa 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de la l'Etat la somme de 2 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 30 mars 1968 à Mostaganem (Algérie), est entré irrégulièrement en France en 1998 selon ses propres dires. Le 13 janvier 2015, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un premier certificat de résidence en qualité de parent d'enfants français et de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement des alinéas 2 et 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. A la suite de l'avis défavorable rendu par la commission du titre de séjour, le 29 avril 2015, le préfet de la Haute-Garonne, par une décision du 10 juillet 2015, a refusé de faire droit à sa demande au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, puis, par un arrêté du même jour, il a, pour le même motif, ordonné sa reconduite à la frontière sur le fondement de l'article L. 533-1 alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. E...relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de la décision du 10 juillet 2015 portant refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". En vertu de l'article R. 312-8 du même code : " Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir rappelé les démarches entreprises par M. E...depuis son entrée sur le territoire français pour obtenir la régularisation de sa situation administrative, les multiples condamnations pénales prononcées à son encontre du 22 mai 2003 au 10 janvier 2013, les motifs justifiant la saisine de la commission du titre de séjour, le procès-verbal susmentionné décrit les différents éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, et notamment la nature de ses attaches en France et dans son pays d'origine, ses projets professionnels, ainsi que les problèmes de santé de son épouse et le handicap de l'une de ses deux filles dont il a fait état lors de son audition. Dès lors, et contrairement à ce que soutient le requérant, la commission du titre de séjour a suffisamment motivé son avis en rendant, après l'examen de ces faits dûment rappelés dans le procès-verbal dont il n'est pas contesté qu'il était joint à l'avis communiqué à M.E..., un avis défavorable en considérant que sa présence sur le territoire français constitue une menace à l'ordre public.

4. En deuxième lieu, aux termes l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ". Les dispositions précitées de l'accord franco-algérien, qui ont pour seul objet de définir les conditions particulières que les intéressés doivent remplir lorsqu'ils demandent à séjourner en France en qualité de conjoint de français ou de parent d'enfants français mineurs, ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.

5. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, pour refuser la délivrance du certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sollicité par M. E...sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Haute Garonne s'est fondé sur le motif tiré de ce que sa présence sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E...est entré en France au cours de l'année 1998, de manière irrégulière puisque dépourvu des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur. Connu sous plusieurs identités et ayant fait l'objet de nombreuses condamnations judiciaires, il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du ministre de l'intérieur en date du 10 mai 2000, mis à exécution le 6 juin suivant sous l'identité de " M. B...A...". Revenu en France clandestinement à une date indéterminée, il a contracté mariage le 5 juin 2001 à Toulouse avec une ressortissante française avec qui il a eu une première fille, Khadidja, née le 27 mars 2002 à Toulouse. Interpellé par les services de police en flagrant délit de séjour irrégulier sous sa véritable identité, il a été de nouveau reconduit à la frontière le 8 octobre 2002, sur la base de l'arrêté d'expulsion susvisé qui a été abrogé le 22 novembre 2005. De nouveau entré en France à une date et dans des conditions indéterminées, il a sollicité à plusieurs reprises et, notamment, les 17 juin 2003, 22 novembre 2005 et 23 juin 2010, son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française et père de deux enfants français, à la suite de la naissance de sa deuxième fille, Fatima, le 1er mai 2003 à Toulouse. Ces demandes sont toutefois restées sans suite compte tenu de ses multiples incarcérations. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. E...a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse, le 23 mai 2003, à huit mois d'emprisonnement (dont quatre avec sursis) pour vol en réunion et escroquerie, le 8 février 2006 à un an et trois mois d'emprisonnement pour vol (récidive) et escroquerie (récidive) et, le 3 janvier 2007, à trois ans d'emprisonnement pour recel de biens provenant d'un vol (récidive) et escroquerie (récidive) puis, par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel d'Agen, le 8 mars 2007, à deux ans d'emprisonnement pour vol avec destruction ou dégradation (récidive), escroquerie (tentative), vol avec destruction ou dégradation (récidive et tentative), vol avec destruction ou dégradation (récidive) et escroquerie (récidive). Le 12 mars 2012, M. E... a réitéré sa demande d'admission au séjour en France au titre de la vie privée et familiale en qualité de conjoint d'une ressortissante française et de père de deux enfants de nationalité française. Toutefois, il a fait l'objet d'une nouvelle condamnation, le 10 janvier 2013, à trois ans d'emprisonnement, dont six mois de sursis assortis d'une mise à l'épreuve de deux ans, pour des faits remontant à la fin de l'année 2011 d'escroquerie en récidive et vol en récidive. Si l'appelant se prévaut en appel de son bon comportement tant durant son incarcération que depuis sa libération, en novembre 2013, date à laquelle il a été placé sous surveillance électronique jusqu'à la fin de sa peine, fixée au 7 mai 2014, et de ce qu'il a entrepris des démarches d'emploi et qu'il dispose à cet égard d'une promesse d'embauche, l'autorité préfectorale n'a pas, compte-tenu de la nature, du caractère répété et de la gravité des faits pour lesquels il a été emprisonné, sur une période totale de neuf ans et onze mois couvrant une part importante de celle au cours de laquelle il a séjourné en France, commis d'erreur d'appréciation en estimant que la poursuite de son séjour en France constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, l'autorité préfectorale a pu légalement, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des alinéas 2 et 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. E...se prévaut de ce qu'il prend en charge au quotidien son épouse, qui, du fait de ses difficultés à gérer ses intérêts, avait fait l'objet d'une mesure de protection judiciaire qui a pu être levée après sa sortie de prison, et que ses deux filles ont besoin de sa présence à leurs côtés dès lors que l'une souffre d'un diabète de type I pour lequel elle est hospitalisée régulièrement et que l'autre est suivie depuis l'année 2007 pour retard de parole et de langage avec difficultés d'apprentissage de la lecture. Toutefois, l'intéressé qui, ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, a passé la majeure partie de son séjour en France en prison du fait des multiples délits dont il s'est rendu coupable, ne justifie pas de l'intensité et de l'effectivité de ses liens avec son épouse et ses deux filles. Il ressort également des pièces du dossier que plusieurs membres de sa famille et, notamment, sa mère et ses huit frères et soeurs, résident en Algérie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour litigieuse n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts de défense de l'ordre public en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2015 ordonnant la reconduite à la frontière de M. E...:

9. En quatrième lieu, aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de délivrance titre de séjour n'étant fondé, M. E...ne saurait, en tout état de cause, exciper de l'illégalité de cette décision pour contester l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui dispose que : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger, sauf s'il est au nombre de ceux visés à l'article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière : 1° Si son comportement constitue une menace pour l'ordre public (...). ". Pour l'ensemble des motifs déjà exposés au point 6, M. E...rentre dans le champ d'application de ces dispositions.

11. En sixième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont déjà été exposés au point 8, l'arrêté attaqué ordonnant la reconduite à la frontière de M. E...n'est pas entaché d'erreur d'appréciation et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation des décisions litigieuses. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 de code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

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N° 16BX01366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01366
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-18;16bx01366 ?
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