Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association syndicale autorisée Boutonne a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, l'arrêté du 4 avril 2011 du préfet de la Charente-Maritime délimitant des zones d'alerte et définissant les mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau du 4 avril au 3 octobre 2011 dans ce département et, d'autre part, l'arrêté du 10 juin 2011 de cette même autorité administrative limitant provisoirement les usages de l'eau dans le département.
Par un jugement n° 1101357 - 1101367 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2014, l'association syndicale autorisée Boutonne, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 4 avril 2011 en ses articles 3, 4 en tant qu'ils concernent le bassin de la Boutonne et 6, ou, à titre subsidiaire, l'intégralité dudit arrêté si ses dispositions devaient être regardées comme indivisibles ;
3°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2011 susmentionné ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'association syndicale autorisée Boutonne.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté cadre du 4 avril 2011 applicable à l'ensemble du territoire du département pour 2011, le préfet de la Charente-Maritime a, d'une part, défini quatorze bassins hydrographiques à l'intérieur desquels sont susceptibles d'être prises, du 4 avril au 3 octobre 2011, des mesures de suspension ou de limitation provisoire des usages de l'eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d'une sécheresse ou à un risque de pénurie, et, d'autre part, établi les plans d'alerte par bassin hydrographique, basés sur des indicateurs de débit des rivières, de niveaux de nappes ou d'état des milieux, ainsi que les mesures correspondantes de restriction ou d'interdiction des prélèvements d'eau. En application de l'article 4 de cet arrêté cadre, le préfet de la Charente-Maritime a, par un arrêté du 10 juin 2011 limitant provisoirement les usages de l'eau dans ce département, prononcé une suspension totale des prélèvements d'eau destinés à l'irrigation agricole sur onze des quatorze bassins hydrographiques ainsi délimités, à l'exception de certaines cultures dérogatoires, et prévu que, s'agissant des cultures qui ne font pas l'objet de cette mesure de suspension, une restriction volumétrique de 16 % pour douze bassins, dont celui de la Boutonne. L'association syndicale autorisée Boutonne, qui regroupe des propriétaires de terrains situés à l'intérieur du plan périmétral, relève appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 4 avril 2011, à titre principal, en ses articles 3, 4 en tant qu'ils concernent le bassin de la Boutonne et son article 6, ou, à titre subsidiaire, en toutes ses dispositions si celles-ci devaient être regardées comme indivisibles et, d'autre part, l'arrêté préfectoral du 10 juin 2011.
Sur l'arrêté-cadre du 4 avril 2011 :
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, codifiant la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau modifiée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 : " I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (...) II. - La gestion équilibrée [qui] doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. ". Selon l'article L. 211-2 de ce code : " I. - Les règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. / II. - Elles fixent : 2° Les règles de répartition des eaux, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d'utilisateurs (...) ". Aux termes de l'article L. 211-3 du même code : " I. - En complément des règles générales mentionnées à l'article L. 211-2, des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1. / II. Ces décrets déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : / 1° Prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents, de sécheresse, d'inondations ou à un risque de pénurie (...). ". L'article L. 212-1 dudit code dispose enfin : " (...) / XI. Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. / (...) ".
3. En premier lieu, l'association syndicale autorisée Boutonne soutient que l'arrêté cadre du 4 avril 2011 ne pouvait fixer un débit de seuil d'alerte (DSA) supérieur au débit objectif d'étiage (DOE) et qu'en admettant qu'un tel dépassement puisse être accepté compte tenu d'une cinétique particulière de la rivière, l'administration ne justifie pas, en l'espèce, la nécessité de fixer un DSA à 800 litres par seconde alors que le DOE figurant dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) est de 680 litres seconde.
4. Le SDAGE Adour-Garonne, approuvé par arrêté du 1er décembre 2009, dispose que " les plans de crise limitant les usages de l'eau sont arrêtés et révisés par l'Etat. Leur mise en oeuvre vise à maintenir des débits les plus proches possibles des débits objectif d'étiage (DOE) et à éviter le franchissement des débits de crise (DCR) ". Le SDAGE a défini le DOE, qui traduit les exigences de la gestion équilibrée de l'eau visée par les dispositions précités de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, comme " le débit de référence permettant l'atteinte du bon état des eaux et au dessus duquel est satisfait l'ensemble des usages en moyenne 8 années sur 10 " et indique que, " pour tenir compte des situations d'étiage difficile et des aléas de gestion, le DOE est considéré a posteriori comme : " satisfait une année donnée " lorsque le plus faible débit moyen de 10 jours consécutifs a été maintenu au-dessus de 80 % de la valeur du DOE ". Ce même schéma directeur définit le débit de crise comme " le débit de référence en dessous duquel seules les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable et les besoins des milieux naturels peuvent être satisfaits. ".
5. L'arrêté contesté du 4 avril 2011 a, pour le bassin de La Boutonne, fixé le DOE à 680 litres par seconde. L'article 4 de cet arrêté, qui est relatif aux seuils d'alerte et mesures de restriction en période de vigilance, précise que " sur les bassins hydrologiques définis à l'article 3, sont établies des règles de limitation provisoire des prélèvements d'eau. Celles-ci ont un caractère temporaire, limité à la période du 4 avril au 3 octobre 2011 ". L'article 4.1, qui définit les seuils de restriction, comporte, pour chaque bassin, plusieurs valeurs indicatives dont une valeur de " débit seuil d'alerte " (DSA). Pour le bassin de La Boutonne, ce DSA a été fixé à 800 litres par seconde. En vertu de l'article 4.2.3.1.1, le franchissement du DSA entraîne une réduction de 16 % de l'usage de l'eau sur le volume de référence autorisé, tandis que le franchissement du DOE entraîne une interdiction totale de prélèvement.
6. Contrairement à ce qu'allègue l'association syndicale autorisée Boutonne, les dispositions du SDAGE Adour-Garonne permettent de définir le débit de seuil d'alerte (DSA) comme la valeur seuil de débit déclenchant, à l'initiative du préfet, les premières mesures de restriction pour certaines activités. Ainsi, le DSA, qui est exprimé en débit moyen journalier, permet, en prémices de la gestion d'un état de crise, de définir des mesures graduées de restriction de l'usage de l'eau afin d'assurer le maintien de l'objectif fixé par le débit objectif d'étiage (DOE). A ce titre, le préfet de la Charente-Maritime pouvait légalement fixer un débit d'alerte à un niveau supérieur à celui du débit objectif d'étiage sans entacher sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, l'article 1.5 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Boutonne, approuvé par arrêté préfectoral du 29 décembre 2008, dispose qu'" il est demandé aux services de l'Etat que les valeurs actuelles des seuils d'alerte fixés au moulin de Châtre soient conservées dans un premier temps pour le bassin amont, et pour le reste du bassin en attendant que la mesure de la station de Saint-Jean-d'Angély soit ajustée. Ensuite, avec la mise en place des retenues de substitution, la CLE [commission locale de l'eau] demande aux services de l'Etat de remonter progressivement les seuils d'alerte et de coupure dans les arrêtés cadre jusqu'à 2015. ". Contrairement à ce que soutient l'association appelante, le dispositif mis en place par le préfet de la Charente Maritime, consistant à définir un débit de crise (DCR) de 445 litres par seconde supérieur à celui prévu par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux, fixé à 400 litres par seconde pour le bassin de la Boutonne, n'est pas incompatible en lui-même avec les dispositions de ce schéma. En outre, le préfet fait valoir que des retenues de substitution ont été mises en oeuvre dans le département des Deux-Sèvres sur le bassin de la Boutonne à la fin du mois de mars 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que le débit de crise ne pouvait, en application du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) de la Boutonne, légalement être établi par l'arrêté contesté à 445 litres par seconde doit être écarté.
8. En troisième lieu, si l'association syndicale autorisée Boutonne conteste le jaugeage, de 1,99 mètre cube par seconde, retenu par l'administration au point de mesurage du bassin de la Boutonne, situé au moulin de Châtre, les trois mesures ponctuelles réalisées les 28 mars 2010, le 25 août 2011 et en février 2012 dont elle se prévaut, dont deux sont d'ailleurs postérieures à l'arrêté contesté, ne suffisent pas à établir le caractère erroné du jaugeage en cause, fixé, aux dires non contestés du préfet de la Charente, sur la base de neuf jaugeages de contrôle réalisés par le service de prévision des crues (SPC) sur la période du 15 avril au 22 juillet 2010.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des dispositions de l'arrêté contesté, ainsi que l'a d'ailleurs indiqué le préfet de la Charente-Maritime dans ses écritures en défense de première instance, qu'un quelconque " effet retard " des prélèvements aurait été pris en compte pour établir les indicateurs et les mesures de gestion de crise en cause. Il suit de là que l'association syndicale autorisée Boutonne ne peut utilement faire valoir que la prise en compte d'un tel effet retard, qui aurait prétendument été estimée à un mois par l'administration et qui aurait des conséquences sur les volumes prélevables, ne serait pas justifiée.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions tendant à l'annulation des dispositions des articles 3,4 et 6 de l'arrêté cadre du 4 avril 2011 et, en tout état de cause, à celle des autres dispositions de cet arrêté, à l'encontre desquelles l'association appelante n'articule aucun moyen propre.
Sur l'arrêté du 10 juin 2011 :
11. Au soutien de ses conclusions à fin d'annulation du second arrêté du 10 juin 2011 limitant provisoirement les usages de l'eau dans le département de la Charente-Maritime, l'association syndicale autorisée Boutonne excipe de l'illégalité de l'arrêté-cadre du 4 avril précédent en soutenant que celui-ci ne pouvait fixer le DSA à 800 litres / seconde pour le bassin de la Boutonne, soit à un niveau supérieur à celui de 680 litres par seconde prévu par le SDAGE Adour-Garonne. Il ressort toutefois de ce qui a déjà été exposé au point 6 que le préfet de la Charente-Maritime pouvait légalement fixer un débit d'alerte à un niveau supérieur à celui du débit objectif d'étiage. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association syndicale autorisée Boutonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association syndicale autorisée Boutonne est rejetée.
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N° 14BX01658