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13/10/2016 | FRANCE | N°16BX01579

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 16BX01579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 23 septembre 2015 portant refus de lui délivrer un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505630 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2016, MmeD..

., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 23 septembre 2015 portant refus de lui délivrer un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505630 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2016, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 avril 2016 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 23 septembre 2015 dans toutes ses dispositions ;

2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le secrétaire général de la préfecture ne justifie pas avoir reçu une délégation du préfet régulièrement publiée à effet de signer les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- les éléments de fait ayant motivé l'arrêté attaqué sont inadéquats et insuffisants s'agissant notamment de son mariage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident qui élève, avec elle, ses deux enfants de nationalité française, et révèlent que le préfet n'a pas pris en compte la réalité de sa situation personnelle ;

- le refus de séjour a porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a méconnu l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle vit en France depuis 2013 avec son époux et qu'une fille est née de leur union en 2014 à Bordeaux. Par ailleurs, l'un des fils de son mari, de nationalité française, réside avec eux et est scolarisé en classe de sixième, et son mari voit son autre fils une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires. Elle souhaite se maintenir en France eu égard aux sentiments qu'elle éprouve pour son époux, à sa volonté de ne pas séparer la fratrie et de rester en contact avec sa soeur qui vit sur le territoire. Le motif de refus de la procédure de regroupement familial initiée en 2012 par son mari était lié à l'absence de ressources suffisantes, celui-ci bénéficiant de l'allocation adulte handicapé. Ce motif était de nature à créer à son égard une discrimination manifeste et flagrante dans la mesure où il exclut du bénéfice du regroupement familial les personnes handicapées qui éprouvent plus de difficultés que les autres à trouver un emploi. Elle est en mesure aujourd'hui de subvenir aux besoins de sa famille, ainsi que l'atteste la promesse d'embauche qu'elle produit ;

- le préfet a également méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en indiquant qu'elle peut retourner en Algérie alors qu'elle élève avec son mari leur fille et plus encore les demi-frères de celle-ci, dont 1'un vit quotidiennement avec eux ;

- le préfet n'a par ailleurs pas statué sur sa demande de titre " salariée " fondée sur les stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien et il convient de lui enjoindre de verser au dossier l'entier dossier qu'elle lui a remis en original ;

- le délai de départ volontaire fixé par le préfet à trente jours n'est pas approprié, eu regard de la directive 2008/115 du Parlement et du Conseil européens en date du 16 décembre 2008, à sa situation, notamment au regard de sa vie de famille.

Par ordonnance du 24 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 août 2016 à 12 heures.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91- du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante algérienne née en 1981, est entrée en France le 5 janvier 2013 munie d'un visa de court séjour afin de rejoindre son compagnon de même nationalité M. D..., titulaire d'une carte de résident en qualité de père de deux enfants français. Elle a épousé M. D...à Bordeaux le 9 février 2013 et un enfant est né de cette union en 2014. Mme D... a sollicité le 10 avril 2015 sa régularisation et la délivrance d'un certificat de résidence au titre de sa vie privée et familiale et en qualité de salariée. Le préfet de la Gironde, par un arrêté du 23 septembre 2015, a refusé de lui délivrer ce titre, a fait obligation à Mme D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement du 12 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale." Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que MmeD..., entrée en France le 5 janvier 2013, a épousé le 5 février suivant un compatriote bénéficiant d'un certificat de résidence de dix ans et a donné naissance le 5 décembre 2014 à leur fille Laëtitia. Il est constant que l'un des deux enfants français de M.D..., né d'une précédente union avec une ressortissante française, vit au domicile du couple et que M. D...bénéficie du droit d'accueillir l'autre jumeau pendant les fins de semaine et vacances scolaires. Par suite, la vie familiale des époux D...ne peut être regardée comme pouvant se poursuivre hors de France. Le refus de séjour implique la séparation, même temporaire dans l'hypothèse de l'engagement d'une procédure de regroupement familial dont l'issue est au demeurant incertaine, de Laëtitia de l'un de ses parents. Cette décision porte ainsi une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de cette enfant, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ". L'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

6. Mme D...n'ayant pas présenté de conclusions aux fins d'injonction de délivrance d'un titre de séjour mais seulement de réexamen de sa situation administrative, il y a lieu de prescrire au préfet de la Gironde de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme D... dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et de se prononcer à nouveau sur sa demande, en tenant compte des motifs indiqués au point 3, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, dans le délai de deux mois suivant cette notification. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 19 mai 2016. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1505630 du 12 avril 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 23 septembre 2015 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme D...dans un délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation administrative, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, au regard des motifs énoncés au point 3.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouseD..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2016.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 16BX01579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01579
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SEBBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-13;16bx01579 ?
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