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10/10/2016 | FRANCE | N°16BX01570

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 16BX01570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant notification du jugement à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un ju

gement n° 1505842 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant notification du jugement à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1505842 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2016, Mme F...D...épouse C...représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1505842 du 8 avril 2016 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

3°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2015 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision portant refus de renouveler son titre de séjour est insuffisamment motivée en droit et en fait dès lors qu'elle ne mentionne pas que son mari l'a délaissée après son entrée en France et a engagé une procédure de divorce, qu'elle est intégrée dans la société française. Le préfet aurait dû viser les dispositions du L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette motivation relève un défaut d'examen sérieux de sa situation. Le préfet n'a pas instruit sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est en France depuis un an et demi où elle dispose d'attaches privées, qu'elle bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, qu'elle est intégrée professionnellement, qu'elle a été délaissée par son époux après son entrée sur le territoire national, que ce-dernier a initié une procédure de divorce et qu'elle maîtrise la langue française ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du titre de séjour ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Elle dispose d'attaches personnelles en France. Elle est intégrée socialement et professionnellement.

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en raison de l'absence d'indication de sa situation personnelle. La motivation est stéréotypée.

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 4 août 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Mme D...épouse C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Larroumec,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...épouseC..., ressortissante malgache, est entrée en France le 11 juillet 2014 sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour du 10 juillet 2014 au 10 juillet 2015 délivré par les autorités consulaires français à Tananarive (Madagascar) en raison de son mariage le 2 juillet 2011 avec un ressortissant français, M. B...C.... La communauté de vie entre les époux a cessé et une ordonnance de non-conciliation a été prononcée le 6 novembre 2014. Par arrêté du 16 octobre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Mme D...épouse C...relève appel du jugement n° 1505842 du 8 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Mme D...épouseC... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 mars 2016. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Dès lors, il n'a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que si les premiers juges se sont prononcés sur le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ils ont omis de répondre à ce même moyen invoqué également l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ainsi qu'à celui tiré de défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi, lesquels n'étaient pas inopérants. Mme D... épouse C...est ainsi fondée à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer. Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il a rejeté les conclusions en annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi prononcées à l'encontre de Mme D...épouse C...et doivent être annulées dans cette mesure. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi présentées devant le tribunal administratif de Toulouse, la cour étant saisie des autres conclusions de Mme D... épouse C...par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

4. La décision portant refus de renouveler son titre de séjour vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Elle mentionne que l'intéressée est entrée en France le 11 juillet 2014 munie d'un passeport revêtu d'un visa long séjour valable jusqu'au 10 juillet 2015 à la suite du mariage qu'elle a contracté le 2 juillet 2015 avec M. LalainaC..., de nationalité française. Le préfet de la Haute-Garonne indique que la communauté de vie entre les époux a cessé et qu'une ordonnance de non-conciliation a été prononcée le 6 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Toulouse. Le préfet ajoute que le 3 août 2015 la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a émis un avis défavorable compte tenu de l'insuffisance de rémunération du travail de l'intéressée et qu'aucun élément n'est apparu de nature à justifier l'intervention d'une mesure de régularisation en qualité de salarié. La circonstance que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas visé, est sans incidence sur la légalité de cette décision. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.

5. Cette motivation révèle par ailleurs que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet ne s'est pas abstenu de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.-Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Mme D...épouse C...soutient qu'elle est en France depuis un an et demi où elle dispose d'attaches privées, qu'elle bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, qu'elle est intégrée professionnellement, qu'elle a été délaissée par son époux après son entrée sur le territoire national, que ce-dernier a initié une procédure de divorce et qu'elle maîtrise la langue française. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre les époux a cessé et que M. LalainaC...a initié une procédure de divorce. Mme D...épouseC..., qui est entrée en France récemment, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident a minima sa mère et sa soeur. L'intéressée ne démontre pas davantage avoir noué des liens dans la société française. Dans ces conditions, en dépit de son intégration professionnelle en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

9. La motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées. Ainsi que cela a été énoncé au point 5 du présent arrêt, l'arrêté en litige, qui vise notamment les dispositions de le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fondent l'obligation de quitter le territoire français, est suffisamment motivé. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire est suffisamment motivée.

10. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen réel et sérieux de la situation de Mme D...épouseC....

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance par la mesure d'éloignement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme D...épouse C...doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. L'arrêté contesté vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que Mme D...épouseC..., n'établit pas être exposés à des peines ou traitement personnels, réels et actuels contraires à cette convention internationale. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, de même que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : Il n'a pas lieu de sttauer sur les conclusions de Mme D...épouse C...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 1505842 du 8 avril 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 16 octobre 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Article 3 : Les conclusions de Mme D...épouse C...à fin d'annulation des décisions du 16 octobre 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont rejetées, de même que le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

Le président-assesseur,

Antoine BecLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 16BX01570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01570
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-10;16bx01570 ?
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