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10/10/2016 | FRANCE | N°16BX01223

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 16BX01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 2 juillet 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505030 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2016, M. B...A..

., représenté par la Selarl Aty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 2 juillet 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505030 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2016, M. B...A..., représenté par la Selarl Aty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 février 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Haute-Garonne du 2 juillet 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, pendant le temps de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- le tribunal a commis une erreur matérielle quant à la date de l'arrêté attaqué ; même si elle n'a pas d'incidence sur la régularité du jugement, il convient de la rectifier ;

- le tribunal a statué au-delà des moyens soulevés par le préfet, qui n'avait pas invoqué l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 janvier 2014, ce qui entache d'irrégularité le jugement ;

- en toute hypothèse, il ne saurait y avoir d'autorité de la chose jugée de cet arrêt, dès lors qu'il porte sur la décision du préfet de la Haute-Garonne du 30 juillet 2012 pour la période 2002-2012 sur la base de documents différents de ceux produits au titre de la présente instance pour la période 2004-2014 ; il n'y a ainsi pas d'identité d'objet entre l'arrêté du 30 juillet 2012 et l'arrêté en litige ;

- l'article 6-1 de l'accord franco-algérien a été méconnu ; il réside en effet en France depuis plus de dix ans et le démontre à l'aide de très nombreux documents et attestations ; c'est à tort que le préfet a critiqué, devant les premiers juges, la cohérence de ces documents ; la véracité et le caractère probant de ces pièces ne sauraient être remis en cause par le préfet ; si le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en se bornant à se référer à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 16 janvier 2014 dès lors qu'il est patent qu'il s'est livré à l'analyse des nouveaux documents produits, il a en revanche commis une erreur de fait et de droit en estimant que ces nouveaux documents étaient trop ponctuels pour établir une résidence continue de dix ans ;

- ont également été violé l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il justifie de sa présence en France depuis plus de treize ans et fait ainsi état d'une vie privée ancienne et intense sur le territoire français ;

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

- elle est illégale par exception d'illégalité du refus de séjour ;

- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée, notamment au regard des critères cumulatifs définis par la directive " retour " ;

- ce refus est dépourvu de base légale au regard de ces critères ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation du risque de fuite qu'il pourrait présenter ; en effet, il réside en France depuis treize ans et s'est de lui-même rendu à la préfecture afin de solliciter un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant algérien, né en 1970, est entré en France le 29 décembre 2001, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours. A la suite d'une première demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, il a fait l'objet, le 29 novembre 2004, d'un refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français. En novembre 2008, il sollicite à nouveau son admission au séjour au titre du travail mais se voit opposer par le préfet de la Haute-Garonne, le 17 décembre 2010, un nouveau refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Son recours contre cet arrêté est rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 juin 2011, confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 septembre 2011. Le 9 janvier 2012, il sollicite une troisième fois son admission au séjour en se prévalant de l'ancienneté de sa présence en France. Par un arrêté du 30 juillet 2012, le même préfet lui refuse le droit au séjour en lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai de départ. Par un arrêt du 16 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit à l'appel du préfet à l'encontre d'un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 avril 2013 qui avait annulé son arrêté précité du 30 juillet 2012. Le 26 octobre 2014, M. A... sollicite une quatrième fois un titre de séjour en se prévalant à nouveau de l'ancienneté de sa présence sur le territoire national. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 février 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 2 juillet 2015, qui lui a une nouvelle fois refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le tribunal administratif s'est essentiellement fondé sur une autorité de la chose jugée issue de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 janvier 2014, en ce que, par cet arrêt, la cour avait considéré qu'à la date du 30 juillet 2012, M. A...n'établissait pas remplir, sur la période comprise entre fin janvier 2002 et fin juillet 2012, la condition de résidence d'une durée de dix ans. Cependant, d'une part, comme le fait valoir le requérant, le préfet de la Haute-Garonne, s'il a, dans ses écritures de première instance, comparé les documents produits par M. A...dans le cadre du présent contentieux et dans celui qui avait conduit à l'arrêt du 16 janvier 2014, n'a opposé en défense aucun moyen tiré d'une autorité de la chose jugée liée à cet arrêt. D'autre part, et en tout état de cause, comme le fait également valoir le requérant, les deux instances, qui ne concernent pas le même arrêté préfectoral ni la même période chronologique, n'ont pas d'identité d'objet. Dans ces conditions, M. A...est fondé à soutenir qu'en s'étant fondé, pour rejeter, au titre du présent contentieux, son moyen tiré d'une durée de présence en France de plus de dix ans, sur l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 16 janvier 2014, quand bien même celui-ci serait-il devenu définitif, les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur jugement, qui doit être annulé pour ce motif.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif :

4. Aux termes des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".

5. M. A...produit de très nombreuses pièces au soutien de son affirmation selon laquelle il réside habituellement en France depuis au moins l'année 2004. Au titre de celles-ci figurent notamment plusieurs " notes sociales " de responsables du centre d'Antipoul (Maison des Allées), centre d'hébergement social dépendant du CCAS de la ville de Toulouse, affirmant qu'il fréquente cet établissement régulièrement plusieurs mois par an depuis 2002 et que, depuis 2010, il y est accueilli de façon continue, ainsi que des attestations du directeur pour les périodes concernées. M. A...produit également de très nombreux relevés de " veille sociale " montrant que, lors des périodes où il n'était pas à la Maison des Allées, il était la plupart du temps accueilli dans d'autres hébergements d'urgence, en particulier ceux dépendant de la Croix-Rouge. Il produit également une attestation de l'assistante sociale de l'espace social du Grand Ramier, affirmant qu'il fréquente cet endroit " régulièrement " depuis janvier 2003, ainsi que de nombreuses attestations de responsables d'associations culturelles ou d'intervenants culturels mentionnant son implication active, certes ponctuelle dès lors qu'elle correspond à des évènements organisés, mais constante depuis plus de dix ans, dans des spectacles musicaux et chorégraphiques. Le requérant produit encore, pour l'ensemble des années concernées, ses relevés de compte à La Banque Postale, lesquels font apparaître des mouvements constants et, en particulier, une fréquence rapprochée de petits retraits en distributeurs automatiques situés à Toulouse et ses environs. Enfin, parmi les pièces produites figurent nombre de documents médicaux de toute nature, établissant l'existence d'un suivi médical de l'intéressé depuis au moins 2004 à Toulouse. Dans ces conditions, et alors que rien ne permet de douter de l'authenticité ou de la véracité des justificatifs produits dans le cadre du présent contentieux, M. A...doit être regardé comme établissant la réalité et la continuité de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 a commis une erreur d'appréciation.

6. L'annulation du refus de séjour opposé à M. A...entraîne nécessairement celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté attaqué.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 2 juillet 2015 par le préfet de la Haute-Garonne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que demande M. A...sur le fondement de ces dispositions, somme qui sera versée à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1503030 du tribunal administratif de Toulouse du 4 février 2016 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 juillet 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A...un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit du conseil de M. A..., sous réserve que ledit conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 16BX01223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01223
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-10;16bx01223 ?
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