La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2016 | FRANCE | N°15BX00691

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15BX00691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Gironde, en réparation des préjudices subis en raison de l'aménagement de la RD 670 près de leur propriété, à leur verser la somme de 477 921, 60 euros assortie des intérêts au taux légal, au titre de la construction d'un mur anti-bruit, et la somme de 30 000 euros en réparation de leurs troubles de jouissance, et de mettre les dépens à la charge de ce département.

Par un jugement n° 120244

8 du 6 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a :

- condamné le départe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Gironde, en réparation des préjudices subis en raison de l'aménagement de la RD 670 près de leur propriété, à leur verser la somme de 477 921, 60 euros assortie des intérêts au taux légal, au titre de la construction d'un mur anti-bruit, et la somme de 30 000 euros en réparation de leurs troubles de jouissance, et de mettre les dépens à la charge de ce département.

Par un jugement n° 1202448 du 6 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a :

- condamné le département de la Gironde à leur verser la somme de 10 000 euros en l'assortissant des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2013, les intérêts échus à la date du 28 octobre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts ;

- mis à la charge du département de la Gironde les frais d'expertise d'un montant de 5 359, 28 euros ;

- condamné le département de la Gironde à leur verser la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et MmeC....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 février 2015 et des mémoires présentés respectivement les 28 janvier et 29 avril 2016, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 janvier 2015 en tant qu'il a limité à 10 000 euros la somme qu'il a condamné le département de la Gironde à lui verser ;

2°) à titre principal, de condamner le département de la Gironde à lui verser la somme de 477 921, 60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2011 au titre de la réalisation du mur anti-bruit, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation des troubles de jouissance ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au département de la Gironde de réaliser un mur anti bruit dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. C...et de MeD..., représentant le département de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...est propriétaire, depuis 1953, d'une maison et d'un jardin arboré situés à Fronsac en Gironde. A proximité immédiate de cette propriété, le département de la Gironde a fait construire une déviation de la route départementale n° 670, mise en service en mars 2008, en vue d'améliorer les conditions de circulation dans le centre du bourg. M. C...relève appel du jugement du 6 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a limité à 10 000 euros la somme qu'il lui a allouée en vue d'indemniser ses préjudices consécutifs à la réalisation de cette déviation qui passe désormais à vingt mètres de sa propriété.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport déposé par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, que l'intensité du trafic routier sur la déviation routière créée par le département de la Gironde afin de contourner le bourg de Fronsac engendre, pour M. C..., une gêne sonore continue, de jour comme de nuit, supérieure aux seuils sonores fixés par le code de l'environnement et l'arrêté du 5 mai 1995. Les nuisances sonores occasionnées à M. C...dont la propriété se situe à proximité de la route départementale n° 670, présentent, du fait de leur nature et de leur répétition, un caractère anormal et spécial excédant les inconvénients normaux qui peuvent être imposés, dans l'intérêt général, aux riverains des voies publiques, lesquels ont la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages. L'aménagement public a ainsi entraîné des troubles de voisinage dont le requérant est en droit de demander réparation. Dès lors, les premiers juges ont estimé à bon droit que la responsabilité du département de la Gironde devait être engagée.

En ce qui concerne les préjudices :

4. En premier lieu, M. C...reproche au département de la Gironde de n'avoir pas pris les mesures nécessaires afin de limiter les émergences sonores générées par le trafic routier sur la route départementale bordant sa propriété conformément aux exigences énoncées par les articles R. 571-44 et R. 571-48 du code de l'environnement. Il demande, à ce titre, le versement de la somme de 477 921, 60 euros aux fins de financer l'écran acoustique d'une longueur de 148 mètres préconisé par l'expert et qui seul permettrait d'atténuer ce bruit et, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint au département de réaliser ce mur.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au droit de la propriété du requérant, l'assiette du mur préconisé par l'expert serait constituée par le talus de soutènement de la RD 670 qui forme une dépendance de cette voie publique dont il est un accessoire indispensable et qui fait ainsi partie du domaine public, et que, pour le reste, ce mur devrait s'étendre de part et d'autre du fonds appartenant à M.C..., empiétant ainsi soit sur les fonds voisins, soit sur le domaine public. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que M. C...aurait, à un quelconque titre, vocation à supporter les frais de construction de ce mur. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que le département de la Gironde soit condamné à lui verser la somme de 477 921,60 euros afin qu'il puisse financer la réalisation de ce mur anti-bruit ne peuvent qu'être rejetées. Ses conclusions subsidiaires tendant à ce qu'il soit enjoint au département de réaliser ce mur ne peuvent davantage être accueillies dès lors que le présent arrêt n'implique pas une telle mesure d'exécution.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que le trafic routier sur la route bordant la propriété de M. C...génère des émergences sonores comprises entre 63,2 dB et 65,6 dB le jour et entre 55 dB et 55,6 dB la nuit, soit des émergences supérieures de 5 dB aux seuils maxima énoncés par les articles R. 571-44 et R. 571-48 du code de l'environnement. Ce trafic provoque ainsi une gêne sonore récurrente, de jour comme de nuit, et a ainsi aggravé de manière significative la situation du requérant existant antérieurement à la réalisation de cette déviation routière. Dans ces conditions, il y a lieu de porter à 20 000 euros la somme à laquelle M. C... peut prétendre en réparation des troubles dans ses conditions d'existence.

Sur les dépens :

7. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir à la charge du département de la Gironde les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Bordeaux, qui se sont élevés à 5 359,28 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a limité à 10 000 euros l'indemnité qu'il a condamné le département de la Gironde à lui verser en réparation de ses troubles dans ses conditions d'existence.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C...la somme que demande le département de la Gironde, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde le versement à M. C...de la somme de 1 500 euros sollicitée sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La somme que le département de la Gironde a été condamné à payer à M. C...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 janvier 2015 est portée à 20 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1202448 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 6 janvier 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le département de la Gironde versera la somme de 1 500 euros à M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du département de la Gironde tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 15BX00691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00691
Date de la décision : 27/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère spécial et anormal du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-09-27;15bx00691 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award