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18/07/2016 | FRANCE | N°16BX01070

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 18 juillet 2016, 16BX01070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de limoges d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la

charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 920 euros en applicat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de limoges d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 920 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet1991.

Par un jugement n°1501582 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2016 et des pièces complémentaires enregistrée le 2 juin 2016, Mme A...représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 920 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constituions et notamment le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- - la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union européenne et de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'enterre et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Larroumec,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante guinéenne, est entrée en France le 29 avril 2009 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 9 octobre 2009 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides confirmée la Cour nationale du droit d'asile. Le 22 janvier 2014, Mme A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 29 juillet 2015 le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement n° 1501582 du 10 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2015 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". Aux termes de l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. (...) ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE susvisée : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s' étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". Ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie. Dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles.

3. Si Mme A...séjourne en France avec ses trois enfants, Sabriya, de nationalité belge née 2010, Mokhtar né 2012 et Amina née 2014 tous les deux de nationalité guinéenne, l'intéressée ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes pour que ces enfants ne devienne pas une charge pour les finances publiques de la France. Il ressort des pièces du dossier que si les versements mensuels de 100 euros émanant du père de Sabriya et Mokthar se sont arrêtés en mai 2014 et que si elle a bénéficié de deux transferts de fonds internationaux en date des 2 septembre et 16 décembre 2013 de 200 euros chacun en provenance de Belgique, MmeA..., qui dispose effectivement d'une couverture sociale en France au titre de l'aide médicale d'Etat pour elle et ses trois enfants, ne verse au dossier aucune pièce justifiant de ressources de toute provenance suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance de l'Etat. Par suite, la présence sur le territoire français de sa fille mineure belge n'était, en tout état de cause, pas susceptible d'ouvrir un droit au séjour en France au requérant sur le fondement des articles 20 ou 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En outre, Mme A...ne saurait utilement se prévaloir de l'interprétation donnée de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 8 mars 2011, rendu dans l'affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM, qui concerne le séjour d'un ressortissant d'un Etat tiers, parent d'un enfant citoyen de l'Union, dans l'Etat membre de résidence de ce dernier et dont il a la nationalité et non dans un Etat membre dont l'enfant n'aurait pas la nationalité. Dans ces conditions, Mme A...ne peut se prévaloir des articles 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l' appui de ses conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé.

4. Mme A...soutient que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait dès lors que ses enfants mineurs ainsi qu'elle-même disposent d'une couverture sociale. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, si le préfet a commis une erreur de droit, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du refus de titre dès lors qu'il prit la même décision s'il avait précisé que l'intéressée disposait d'une telle couverture sociale.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public , la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Mme A...soutient qu'elle est arrivée en France depuis 2009 où résident son père, titulaire d'une carte de résident, ainsi que ses cinq frères et soeurs, tous de nationalité française, qu'elle n'a plus d'attaches dans son pays d'origine, qu'elle a trois enfants nés et scolarisés en France et qu'elle est intégrée dans la société française. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, célibataire avec trois enfants à charge, ne fait état d'aucun élément probant de nature à justifier par ailleurs de l'intensité de ses liens personnels ou familiaux sur le territoire français ou de son insertion dans la société française et n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt deux ans. Si l'intéressée fait valoir que le père belge de ses deux premiers enfants réside en Belgique, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribue à l'entretient et à l'éducation de ses enfants. Dans ces conditions, le refus de titre contesté n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 doivent être écartés.

7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Comme il a été vu aux points 3 et 6 aucune circonstance, compte tenu notamment de l'âge des enfants, n'empêche la cellule familiale de se reconstituer hors de France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de séjour qui n'a pas, par lui-même, pour effet, de séparer Mme A...de ses enfants, priveraient ces derniers de la possibilité de poursuivre leurs scolarités ou les exposeraient à des risques d'excision. La décision litigieuse n'a, enfin, pas pour objet de fixer le pays de renvoi. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de titre de séjour, du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant doit être écarté.

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ". Il résulte de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que Mme A...n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de séjour n'étant fondé, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

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N° 16BX01070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01070
Date de la décision : 18/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-18;16bx01070 ?
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