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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX00303

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 16BX00303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1505566 du 1er décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

21 janvier 2016, M. A...représenté par Me F...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1505...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2015 par lequel la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1505566 du 1er décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, M. A...représenté par Me F...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1505566 du 1er décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais ;

3°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer sous astreinte et dans un délai fixé par la Cour, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mette à la charge de la l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant irakien a été interpelé le 26 novembre 2015 et a fait l'objet, le même jour d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant comme pays de destination tout pays où il établirait être légalement admissible, à l'exclusion de l'Irak et ordonnant son placement en rétention administrative. M. A...a été transféré au centre de rétention de Cornebarrieu à la même date. Il relève appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 11 février 2016, M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. L'article 1er du jugement n° 1505566 du 1er décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse admet provisoirement M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Son article 2 rejette le surplus de ses conclusions. Il se prononce donc expressément ou implicitement mais nécessairement sur le rejet des demandes d'annulation, y compris sur celle relative à la fixation du pays de renvoi, s'il faut considérer que " le constat du pays de destination " dont fait état M. A...correspond à de telles conclusions, ainsi que sur le rejet des demandes d'injonction et d'astreinte. Ce jugement n'avait pas à énumérer les moyens d'ordre public qu'il avait estimé ne pas devoir soulever. Par suite, de toute évidence et contrairement à ce que soutient M.A..., le magistrat désigné par le président du tribunal a bien épuisé son pouvoir juridictionnel en statuant sur toutes les conclusions présentées devant lui et n'a pas entaché son jugement de " défaut de mention des motifs ".

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

4. Par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E... D..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées doit être écarté.

5. M. A...affirme que l'ensemble des mesures que contient l'arrêté porte atteinte au droit garanti par l'article 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel : " La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée ". Il n'apporte, à l'appui de cette affirmation, aucune précision.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. A...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait et que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier. Toutefois, l'arrêté du 26 novembre 2015 fait état d'éléments spécifiques à sa situation en France et notamment de ce qu'il est démuni de tout document d'identité et de voyage en cours de validité et a été interpellé par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais. L'arrêté, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments tenant à la situation de M.A..., expose ainsi les éléments de fait sur lesquels la préfète s'est fondée pour prendre sa décision. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée en fait au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée. De plus, alors même que M. A...a été interpellé en même temps que d'autres personnes, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de l'arrêté du 26 novembre 2015, que la préfète du Pas-de-Calais ne se serait pas livrée à un examen particulier de sa situation avant de prendre l'ensemble des décisions que cet arrêté contient, y compris les décisions portant fixation du pays de renvoi et refus de délai de départ volontaire.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M.A..., interpellé le 26 novembre 2015, a, au cours de son audition le même jour par les services de la police judiciaire, été interrogé et a répondu tant au sujet de son identité, de son pays d'origine, de sa situation familiale et des conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Au cours de cette audition il a répondu négativement à la question " Y a-t-il d'autres éléments de votre situation que vous souhaitez porter à la connaissance du préfet ' ". Dans ces conditions, M. A..., qui peut être regardé comme invoquant le droit d'être entendu, qui constitue un principe fondamental du droit de l'Union européenne, n'a pas été privé de la possibilité d'être entendu et de présenter ses observations avant l'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français quand bien même il n'aurait pas présenté d'observations écrites. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu manque en fait.

8. En troisième lieu, M. A...soutient qu'avant de prendre cette décision, la préfète devait nécessairement se prononcer sur son admission au séjour au titre de l'asile, dès lors qu'étant originaire d'un pays exclu de la liste des pays d'origine sûrs, il était éligible au statut de réfugié et que même sans l'avoir fait expressément, il devait être regardé comme ayant implicitement sollicité l'asile. La décision a ainsi méconnu les articles L. 741-2, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier qu'avant l'intervention de l'arrêté du 26 novembre 2015, M. A...n'a pas déposé de demande d'asile dans les pays européens qu'il a traversés avant de rejoindre la France et qu'il n'a pas manifesté d'intention de solliciter l'asile en France. Dans ces conditions l'intéressé ne peut être regardé comme ayant ni expressément ni, comme il le soutient, implicitement, demandé à bénéficier de l'asile au sens de l'article L. 742-1 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit qu'il ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 1 de l'article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés adoptée à Genève le 28 juillet 1951 selon lesquelles aucun Etat partie n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié ou un candidat à l'asile politique sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée, ni des articles 18 et 19.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. En quatrième lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans plusieurs cas, notamment lorsqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire ou qu'il s'y est irrégulièrement maintenu. Une telle mesure peut également être décidée, selon l'article L. 511-2 du même code, à l'égard de l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui n'a pas respecté les conditions d'entrée prévues dans le règlement n° 562-2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ou qui, en provenance directe d'un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, ne justifie pas être entré sur le territoire français ou s'y être maintenu conformément aux stipulations de cette convention. En l'espèce, M.A..., de nationalité irakienne, ne détenait, lors de son interpellation, aucun document ou titre en cours de validité l'autorisant à séjourner ou à circuler sur le territoire français et n'a pas justifié y être entré régulièrement. Il se trouvait donc dans le cas prévu par les dispositions sus-rappelées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où peut être prise une décision faisant obligation de quitter le territoire. Ce faisant, la préfète du Pas-de-Calais n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit dans l'application des textes ni d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A...alors même qu'il est originaire d'un pays exclu de la liste des pays d'origine sûrs.

10. En cinquième lieu, la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français a été prise après son audition individuelle par les services de la police aux frontières ainsi qu'après examen particulier par la préfète du Pas-de-Calais de sa situation personnelle et se fonde sur des circonstances de fait propres à cette situation. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à se prévaloir de ce que des mesures d'éloignement auraient été prononcées à l'encontre d'autres personnes, le même jour que celui où a été prise à son encontre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, pour soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une expulsion collective interdite par les stipulations de l'article 4 du protocole additionnel n°4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 19.1 de cette convention qui a le même sens et la même portée que l'article 4 de son protocole additionnel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

11. En sixième lieu, M. A...soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe de non-refoulement prévu par le droit de l'Union et les conventions internationales. Toutefois il n'apporte pas de précisions à l'appui de cette affirmation et n'invoque aucune incompatibilité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'il résulte de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité avec ce droit ou ces conventions. Il ne peut pas utilement invoquer les risques de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de retour en Irak, dès lors que cette décision n'a ni pour objet ni pour effet de fixer un pays de destination. Par suite, ce moyen est inopérant.

12. En septième lieu, en faisant état d'interpellations d'autres migrants dans la région de Calais et de leur déplacement vers différents centres de rétention administratives, M. A...expose que la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet n'a pas été prise en vue de son départ du territoire mais dans le but de l'éloigner de la région de Calais et de décourager les migrants à s'y installer et en conclut qu'elle est pour ce motif entachée de détournement de pouvoir. Toutefois M.A..., de nationalité irakienne, qui ne détenait aucun document ou titre en cours de validité l'autorisant à séjourner ou à circuler sur le territoire français et n'a pas justifié y être entré régulièrement, se trouvait dans le cas prévu par les dispositions législatives du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où peut être prise une décision faisant obligation de quitter le territoire. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision contestée, la préfète du Pas-de-Calais aurait poursuivi un but autre que ceux en vu desquels le pouvoir de prendre cette décision lui a été conféré par les dispositions législatives relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, alors même que d'autres étrangers en situation irrégulière séjournant aux alentours de Calais auraient fait l'objet de décisions analogues le même jour.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités invoquées. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. La décision fixant le pays de renvoi, vise notamment des articles 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. A...sera reconduit à destination de tout pays dans lequel il serait légalement admissible et qu'il n'établit pas être personnellement et directement exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3. Dès lors, la décision, qui comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde est suffisamment motivée.

15. M. A...soutient que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle exclut son pays d'origine et qu'en ne fixant pas de pays, elle n'est pas distincte de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que le prévoient pourtant les dispositions de l'article L. 513-3 du CESEDA. Cependant, si la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être renvoyé exclut un renvoi dans son pays d'origine, l'Irak, elle indique comme pays de destination " tout pays où il établirait être légalement admissible. ". La circonstance que le requérant allègue, sans aucune précision, n'être admissible dans aucun autre pays que son pays d'origine est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée cette décision en raison d'une part de l'exclusion de son pays d'origine et d'autre part de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-3 du CESEDA, alors que la préfète a bien pris une décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans les circonstances de l'espèce, en excluant l'Irak, pays d'origine de M.A..., comme pays de destination et en désignant tout pays dans lequel il établit être légalement admissible, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

17. M. A...soutient également que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles 2 et 3 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article 19.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de la généralisation des violences dans l'ensemble de ce pays en raison de la présence de Daech et de son opposition à ce groupe islamique qui l'ont contraint à le quitter. Toutefois, l'arrêté du 26 novembre 2015 fait obligation à M. A...de quitter le territoire français à destination de tout pays où il établirait être légalement admissible, à l'exclusion de l'Irak. Par suite, les moyens tirés des risques qu'il courrait s'il devait retourner dans son pays d'origine sont inopérants.

En ce qui concerne la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité dont serait entachée l'obligation de quitter sans délai le territoire français doit être écarté.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". L'article L. 554-1 du même code dispose que : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ". Au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'obligation de quitter le territoire français, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi. Il appartient au juge administratif, lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences. Il n'en résulte cependant pas que, dans le cas d'étrangers dépourvus de tout document de voyage et d'identité probants, l'autorité administrative ne pourrait décider du placement en rétention dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire que lorsqu'elle aurait pu réunir des éléments suffisants pour accomplir sans délai les diligences nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement.

20. M. A...soutient que la mesure coercitive de placement en rétention administrative ne se justifiait pas. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A...n'a pas établi, ni même allégué, être en possession de documents d'identité et n'a pas fait état de circonstance particulière de nature à établir qu'il aurait eu l'intention d'exécuter volontairement la mesure d'éloignement prise à son encontre, dès lors qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français sans effectuer de démarches en préfecture, n'avait présenté aucune demande d'asile en France non plus que dans les pays qu'il a traversés avant son entrée en France, n'a pas exprimé le souhait de demander l'asile sur le territoire lors de son interpellation et a indiqué ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine. Ainsi, la préfète du Pas-de-Calais a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation effectives de nature à écarter le risque de fuite et ordonner en conséquence son placement dans un centre de rétention administrative en application des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code susmentionné.

21. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais aurait ordonné le placement en rétention de M. A...dans un autre but que l'exécution de l'obligation de quitter sans délai le territoire français prononcée à son encontre et l'organisation de son départ. Si le requérant fait valoir que l'administration n'a pas justifié avoir effectué des démarches en vue de procéder à son éloignement, aucune disposition n'exige de l'autorité préfectorale qu'elle engage de telles démarches avant même de décider de placer en rétention administrative un étranger soumis à une obligation de quitter le territoire sans délai faute pour lui d'être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. A supposer même que durant les jours de rétention de M.A..., l'administration n'ait pas entrepris de démarche auprès des autorités de l'Etat dont il prétendait être ressortissant, il ne saurait être inféré de cette circonstance que dès l'origine, au moment où elle a pris l'arrêté litigieux à l'encontre de M.A..., la préfète aurait su qu'il n'existait aucune perspective raisonnable d'éloignement de l'intéressé, ni qu'elle n'ait pas envisagé de faire exécuter une telle mesure d'éloignement ou aurait seulement entendu user des pouvoirs qu'elle tient des dispositions sus-énoncées dans un but étranger à ceux en vue desquels ceux-ci lui ont été conférés. Par suite, le moyen tiré ce que cette mesure serait entachée d'un détournement de procédure doit être écarté.

22. En troisième et dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : / (...) f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ". Selon le quatrième paragraphe de l'article 5 de la même convention : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ".

23. M. A...soutient que la décision ordonnant son placement en rétention administrative aurait méconnu les stipulations précitées en l'absence de lien entre la rétention et le but poursuivi d'éloignement du territoire national, cette mesure n'ayant eu en réalité pour objet que de l'éloigner de Calais et de le sanctionner pour ne pas avoir sollicité l'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle de l'éloignement de l'intéressé et compte tenu de ce que ce dernier ne justifiait ni d'une adresse stable ni de garanties effectives de représentation, la préfète a pu, sans méconnaître les stipulations invoquées, décider de placer M. A...en rétention administrative.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 1505566 du 1er décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. En conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A...tendant au bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 16BX00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00303
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HIRTZLIN-PINÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx00303 ?
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