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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX00070

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 16BX00070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle D...C...et M. B...C...ont demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de condamner la commune de Cilaos à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'accident dont Mlle C...et sa mère ont été victimes le 3 avril 2002 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012, le tribunal administratif de la Réunion a déclaré la commune de Cilaos responsable des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident et prescrit avant-d

ire droit une expertise médicale à l'effet d'évaluer les préjudices subis par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle D...C...et M. B...C...ont demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de condamner la commune de Cilaos à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'accident dont Mlle C...et sa mère ont été victimes le 3 avril 2002 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012, le tribunal administratif de la Réunion a déclaré la commune de Cilaos responsable des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident et prescrit avant-dire droit une expertise médicale à l'effet d'évaluer les préjudices subis par MlleC....

Par un arrêt n° 12BX03269 du 13 mai 2014, la cour a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par les consorts C...devant le tribunal administratif de Saint-Denis ainsi que leur appel incident tendant à la condamnation de la commune de Cilaos à les indemniser de l'intégralité de leurs préjudices.

Par une décision n° 382634 du 7 janvier 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

La décision n° 382634 du 7 janvier 2016 du Conseil d'Etat a été enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX00070 le 11 janvier 2016.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2012 et 18 mars 2016, la commune de Cilaos, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis ;

2°) de rejeter les demandes indemnitaires des consorts C...ainsi que celles de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise ;

3°) de mettre à la charge des consorts C...la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Cilaos.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 avril 2002, alors qu'elles empruntaient le sentier GR-R2, Mlle C...et sa mère se sont éloignées de ce sentier pour rejoindre un site naturel formé de vasques d'eau chaude, situé sur le territoire de la commune de Cilaos, en empruntant un itinéraire non aménagé longeant le lit de la rivière Bras-Rouge. Un éboulement des rives de ce cours d'eau a gravement blessé Mlle C...et provoqué le décès de sa mère. La commune de Cilaos a relevé appel du jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis l'a déclarée responsable des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident pour Mlle C... et son frère et prescrit avant-dire droit une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par MlleC.... Par la voie de l'appel incident, les consorts C...ont demandé à la cour de réformer le jugement en déclarant la commune intégralement responsable des préjudices résultant de cet accident. Par un arrêt du 13 mai 2014, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis et rejeté les conclusions des consorts C...devant ce tribunal. Saisi d'un pourvoi formé par ces derniers, le Conseil d'Etat, par une décision du 7 janvier 2016, a annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant la cour de Bordeaux. En outre, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise demande à la cour de condamner la commune de Cilaos à l'indemniser des débours exposés pour son assurée.

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, (...) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d'assurer la sécurité des promeneurs et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

3. Le site des vasques d'eau chaude de la rivière Bras-Rouge est répertorié comme un site pittoresque et digne d'intérêt par les principaux guides touristiques de La Réunion. Il est, de ce fait, fréquenté par de nombreux randonneurs qui, pour l'atteindre, quittent le GR R2 et empruntent un itinéraire dont le caractère dangereux est avéré, y compris en l'absence de conditions météorologiques particulières. Il résulte de l'instruction que la commune de Cilaos ne pouvait ignorer l'existence du balisage de cet itinéraire qui, en dépit de son caractère non officiel, était de nature à induire les randonneurs en erreur sur son aménagement. En outre, à la date de l'accident, la dangerosité de cet itinéraire était temporairement aggravée par le récent passage du cyclone Harry, qui avait justifié la fermeture des sentiers de randonnée de l'île par un arrêté préfectoral du 13 mars 2002, toujours en vigueur au moment de l'accident. Alors même que les sentiers de randonnée de l'île de La Réunion présenteraient un danger supérieur au danger moyen des sentiers de randonnée et justifieraient de ce fait une prudence particulière de la part des promeneurs, et sans préjudice des obligations qui pouvaient également incomber à d'autres personnes morales telles que l'ONF ni des fautes éventuelles des victimes, il incombait au maire de Cilaos, en vertu des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, de prendre toute mesure pour informer les randonneurs du danger à s'engager sur l'itinéraire, situé sur le seul territoire de la commune, menant à ces vasques depuis le GR-R2.

4. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Cilaos n'a pris aucune mesure pour assurer la correcte information des randonneurs empruntant le sentier GR R2 sur la dangerosité de l'itinéraire permettant d'accéder, depuis ce sentier, aux vasques d'eau chaude de la rivière Bras-Rouge au travers du territoire de la commune par un sentier au balisage non officiel. A la suite du passage du cyclone Harry, il s'est borné à afficher seulement en mairie l'arrêté du préfet interdisant la randonnée sur la partie du sentier GR R2 traversant la commune sans afficher sur place une information spécifique sur les dangers du sentier menant aux vasques. Cette carence dans l'exercice par le maire de Cilaos des pouvoirs de police qu'il détient en vue d'assurer la sécurité des promeneurs est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Cilaos sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucun accident n'avait été jusqu'alors à déplorer sur cet itinéraire.

5. Après que l'île de la Réunion ait été balayée par le cyclone Harry entre le 7 mars et le 12 mars 2002, le préfet de la Réunion a, par arrêté du 13 mars 2002, prononcé la fermeture des itinéraires de randonnée dont notamment la partie du sentier GR R2 située sur le territoire de la commune de Cilaos. Cet arrêté, qui était toujours en vigueur à la date de l'accident survenu le 2 avril 2002, était affiché en mairie de Cilaos. Il résulte de l'instruction qu'à cette date, l'ONF avait mis fin à l'affichage de cet arrêté au point de départ du sentier GR R2 après avoir estimé que le parcours ne présentait plus de risques. Il est constant que Mlle C...et sa mère, qui ne connaissaient pas les lieux, avaient pris la précaution de prendre des renseignements auprès de la Maison de la montagne dont l'agent d'accueil leur a indiqué que les sentiers étaient rouverts et leur a remis l'itinéraire à suivre pour rejoindre le site des vasques. Cet agent a cependant déclaré lors de son audition dans le cadre de la procédure pénale ouverte quant aux circonstances de l'accident, que de manière générale il déconseillait cet itinéraire aux touristes. En s'engageant néanmoins, peu de temps après le passage du cyclone Harry, sur cet itinéraire menant aux vasques d'eau chaude dont la dangerosité et l'absence de balisage était en outre signalée dans le guide que Mlle C...et sa mère avaient à leur disposition, ces dernières ont commis une imprudence fautive de nature à exonérer partiellement la responsabilité de la commune de Cilaos à hauteur d'un quart.

6. Il résulte de ce qui précède que ni la commune de Cilaos ni les consorts C...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 4 octobre 2012, le tribunal administratif de Saint-Denis a déclaré la commune de Cilaos responsable des conséquences dommageables de l'accident à hauteur des trois quarts.

7. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Saint-Denis a en outre avant-dire droit prescrit une expertise afin de déterminer les préjudices de Mlle C...et réservé notamment les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise. Par suite, les conclusions de cette dernière tendant à la condamnation de la commune de Cilaos à l'indemniser des débours exposés pour son assurée et celles tendant à l'application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale sont prématurées et par suite irrecevables.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cilaos, qui n'est pas partie perdante dans la présente affaire, verse la somme demandée, d'une part, par les consortsC..., d'autre part, par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, au titre des frais qu'ils ont exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des consorts C...la somme demandée en application des mêmes dispositions par la commune de Cilaos.

DECIDE

Article 1er : La requête de la commune de Cilaos est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par les consorts C...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise sont rejetées.

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N° 16BX00070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00070
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Police des lieux dangereux.

Police - Police générale - Sécurité publique - Police des lieux dangereux.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : COUDRAY*

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx00070 ?
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