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12/07/2016 | FRANCE | N°15BX00861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 15BX00861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux ou, subsidiairement, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité de 222 586,64 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'aggravation des conséquences de l'intervention subie au CHU de Bordeaux le 8 juillet 2003.

Par un jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015

, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à lui verser la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux ou, subsidiairement, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité de 222 586,64 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'aggravation des conséquences de l'intervention subie au CHU de Bordeaux le 8 juillet 2003.

Par un jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 26 524 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2015 et par un mémoire enregistré le 16 octobre 2015, présentés par Me Boerner, avocat, Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il lui accorde une indemnité d'un montant insuffisant ;

2°) de condamner le CHU de Bordeaux ou l'ONIAM ou le Centre hospitalier de Dax à lui verser une indemnité de 222 586,64 euros et d'ordonner une expertise ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, de l'ONIAM ou du Centre hospitalier de Dax la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeB..., de Me D...représentant l'ONIAM, et de MeA..., représentant le CHU de Dax.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a subi, le 10 juin 2002 au centre hospitalier de Dax, une intervention pour la pose d'une prothèse du genou gauche. Cette prothèse a dû être enlevée et une nouvelle intervention a eu lieu au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux le 8 juillet 2003, pour la pose d'une nouvelle prothèse qui a dû, elle aussi, être enlevée et une arthrodèse a été réalisée, en septembre 2004, à la suite d'une infection. Mme B...a saisi, le 9 octobre 2005, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI), devenue depuis commission de conciliation et d'indemnisation (CCI), qui a fait procéder à plusieurs expertises. Après que la dernière de celles-ci eut conclu à une consolidation de l'état de Mme B...au 27 mars 2008 et que l'assureur du CHU de Bordeaux eut refusé de faire une offre d'indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), se substituant à cet assureur a versé, en exécution de deux protocoles d'indemnisation transactionnelle du 11 février et du 2 décembre 2009, une indemnisation de 78 875,80 euros à MmeB.... Celle-ci, invoquant une aggravation de son état, a saisi à nouveau la CRCI, à la demande de laquelle il a été procédé à une nouvelle expertise. Malgré l'avis de la CRCI fondé sur les conclusions de cette expertise, l'ONIAM a refusé, par décision du 28 juin 2012, d'accorder une indemnisation. Mme B...a alors demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux, ou l'ONIAM, qui avait été appelé en cause, ou le centre hospitalier de Dax, à lui verser une indemnité de 222 586,64 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 26 524 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Il a également rejeté les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Landes. Mme B...relève appel de ce jugement dont la CPAM des Landes demande également l'annulation. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande également cette annulation ainsi que la condamnation du CHU de Bordeaux. Celui-ci conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées à son encontre. Le centre hospitalier de Dax demande le rejet des conclusions dirigées contre lui.

2. Parallèlement, l'ONIAM avait formé devant le tribunal administratif de Bordeaux une action subrogatoire tendant à la condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme de 78 875,80 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la pénalité au taux de 15 % prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, ainsi que les frais d'expertise. Sa demande a été rejetée par un jugement n° 1203442 du 13 janvier 2015 de ce tribunal.

3. Mme B...fait appel du jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a statué sur sa demande d'indemnisation des préjudices résultant d'une aggravation de son état en raison de l'infection nosocomiale imputable à l'intervention subie le 8 juillet 2003 au CHU de Bordeaux. Alors même que le tribunal administratif de Bordeaux aurait pu, comme le fait remarquer l'ONIAM, joindre sa demande subrogatoire à celle de MmeB..., il ne l'a pas fait et a statué sur cette demande subrogatoire par son jugement n° 1203442 du 13 janvier 2015. Pour rejeter cette demande, il a estimé que le taux d'incapacité permanente partielle en lien direct avec l'infection de Mme B...était de 30 % et que l'indemnisation relevait de la solidarité nationale et non de la responsabilité du CHU. Le CHU de Bordeaux est donc fondé à soutenir que l'ONIAM ne saurait demander, par la voie de l'appel incident dans la présente instance, sa condamnation à lui rembourser les sommes qu'il a versées à Mme B...en exécution des protocoles transactionnels conclus avec elle.

4. En revanche et contrairement à ce que soutient le CHU de Bordeaux, l'autorité de la chose jugée par le jugement n° 1203442 du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ne fait pas obstacle à ce que l'ONIAM soutienne, à l'appui de ses conclusions d'appel incident, même compte tenu d'une éventuelle aggravation de l'état de santé de Mme B...et malgré les motifs et le dispositif de ce jugement, que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique de la victime n'est pas supérieur à celui de 25 % au-delà duquel l'indemnisation lui incombe au titre de la solidarité nationale, en vertu de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.

5. En appliquant au taux de validité restante de MmeB..., qu'il soit déterminé déduction faite d'un taux d'invalidité préexistante de 10 % ou de 15%, sur lesquels les experts sont partagés, celui de 25 %, retenu par les experts comme étant celui de l'atteinte permanente à l'intégrité physique de la victime du fait d'un blocage complet de l'articulation du genou, le taux de l'atteinte à cette intégrité résultant directement de l'infection nosocomiale devrait être regardé comme inférieur à celui fixé au 1° de l'article L.1142-1-1 du code de la santé publique. L'ONIAM soutient ainsi, à raison, que la charge de l'indemnisation en litige ne lui incombait pas.

6. Toutefois, la mise à la charge du CHU de Bordeaux et non de l'ONIAM de l'indemnisation ne devrait être prononcée que si c'est à bon droit que les premiers juges ont, par le jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015, faisant l'objet de l'appel de MmeB..., estimé que l'état de cette dernière avait connu une aggravation, imputable à l'infection nosocomiale dont elle a été victime, après sa consolidation, dont la date a été fixée au 27 mars 2008.

7. Ainsi que cela a été rappelé au point 1, Mme B...a accepté l'offre d'indemnisation de l'ONIAM. Cette offre était fondée sur les conclusions de plusieurs rapports d'expertises, dont le dernier fixait au 27 mars 2008 la consolidation de son état. Ainsi que le rappelle l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'acceptation de cette offre vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil et a donc, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il en résulte que Mme B...ne peut demander une indemnisation complémentaire qu'en cas de véritable aggravation de son état et non dans le cas où, pour aussi regrettable que cela puisse apparaître, les conséquences pour son genou de l'infection nosocomiale n'auraient pas été suffisamment mesurées par les experts qui ont fixé au 27 mars 2008 la date de la consolidation et où toute l'ampleur des préjudices susceptibles d'en résulter n'aurait pas été suffisamment évaluée par l'offre d'indemnisation qu'elle a acceptée.

8. Ainsi que cela a été indiqué précédemment, l'ONIAM a refusé d'accorder à Mme B... une nouvelle indemnisation malgré les conclusions du rapport d'une expertise effectuée, en dernier lieu, à la demande de la CRCI. C'est sur ce même rapport que s'est fondé le tribunal administratif de Bordeaux, pour estimer que l'ONIAM devait prendre en charge l'indemnisation des préjudices résultant d'une aggravation de l'état de MmeB.... Il résulte de ce rapport, qu'après la date de consolidation, ont été réalisées, pendant une période de surveillance, des radiographies puis, en avril 2009, une scintigraphie osseuse avec temps vasculaire montrant la persistance de remaniements osseux très intenses aux trois temps du genou gauche et un aspect restant très suspect d'un processus septique osseux. Ces observations se bornent à un constat de la stabilisation de l'état, qui reste, certes, peu satisfaisant, du genou de MmeB.... Ce rapport relève qu'une opération de reprise chirurgicale du genou gauche a été effectuée en juillet 2009 au centre hospitalier universitaire de Toulouse, ce qui ne corrobore d'ailleurs pas la suspicion de poursuite d'un processus septique osseux, afin de corriger l'angulation entre la jambe et le fémur qui avait déjà été relevée par les premiers experts et qu'il en est résulté une disparition du genu valgum. Il ne fait ainsi pas davantage état d'une aggravation depuis mars 2008. Ce rapport mentionne, en revanche, un oedème un peu plus important de la cuisse gauche dû aux nombreuses interventions chirurgicales subies, un certain enraidissement de la hanche à gauche, ainsi que des douleurs importantes au genou droit et termine en indiquant que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique s'est accru de 5 %. Toutefois, ces dernières appréciations ne permettent pas de caractériser une aggravation directement liée à l'infection nosocomiale ou qui ne relèverait pas de l'évolution normalement prévisible de l'état de MmeB..., tel que consolidé au 27 mars 2008. Ainsi, c'est à juste titre que l'ONIAM a estimé que dès lors que le rapport de cette expertise ne faisait pas ressortir, hormis en ce qui concerne les effets de l'intervention subie à Toulouse, un examen clinique différent de celui décrit par le rapport de l'expertise à la suite duquel il l'a indemnisée, l'état de Mme B...ne s'était pas aggravé.

9. Dans ces conditions, l'ONIAM est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin, ni d'examiner les autres moyens de son appel incident, ni de procéder à une nouvelle expertise, la cour étant suffisamment informée en raison du nombre et du contenu de celles déjà effectuées, que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l'état de Mme B...avait connu une aggravation liée à l'infection nosocomiale dont elle a été victime au CHU de Bordeaux justifiant une indemnisation complémentaire.

10. Mme B...demande également la condamnation de l'ONIAM ou de l'un ou l'autre des établissements qu'elle met en cause à l'indemniser de préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé depuis 2011. De telles conclusions ne peuvent pas être présentées pour la première fois en appel et doivent donc être rejetées sans qu'il y ait lieu de procéder à l'expertise sollicitée.

11. Par le jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de la CPAM des Landes tendant à la condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser les dépenses exposées pour son assurée et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, en faisant application des dispositions de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique relatives aux conditions auxquelles sont subordonnées les actions des tiers payeurs subrogés dans les droits des victimes d'infections nosocomiales indemnisées au titre de la solidarité nationale contre les établissements de santé. La CPAM des Landes ne critique pas ces motifs du jugement. Au demeurant, en l'absence d'aggravation de l'état de santé de son assurée imputable à l'infection nosocomiale, elle ne saurait demander aucun remboursement de dépenses exposées, à supposer qu'elle ait supporté la charge de dépenses autres que celles liées aux interventions de 2002, 2003 et 2009, ce qui ne ressortait nullement de l'état joint à son mémoire.

12. Mme B...et l'ONIAM demandent également la condamnation, à défaut de celle d'autres personnes, du centre hospitalier de Dax à verser des indemnités. En raison de l'absence d'aggravation imputable à une infection nosocomiale de l'état de santé de Mme B...et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens tirés de ce que l'infection nosocomiale serait, en réalité, la conséquence de la première intervention pratiquée au centre hospitalier de Dax, ni de procéder à une nouvelle mesure d'instruction, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 de son jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme B...les sommes de 26 524 euros et de 1 200 euros. En revanche, ses conclusions tendant à ce que le CHU de Bordeaux supporte la charge d'autres condamnations prononcées à son encontre ne peuvent qu'être rejetées. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ce jugement a rejeté le surplus de ses demandes et la CPAM des Landes n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que ledit jugement a rejeté ses conclusions. Doivent, enfin, être rejetées, toutes les conclusions tendant à la mise d'une indemnisation à la charge du centre hospitalier de Dax.

14. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'ONIAM, le CHU de Bordeaux et le centre hospitalier de Dax, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à verser à Mme B...une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'ONIAM, du centre hospitalier de Dax et de la CPAM des Landes tendant à l'application de cet article.

DECIDE

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1301661 du 13 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : La requête de MmeB..., le surplus des conclusions de l'ONIAM et les conclusions de la CPAM des Landes sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de l'ONIAM, du centre hospitalier de Dax et de la CPAM des Landes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 15BX00861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00861
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BOERNER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;15bx00861 ?
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