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07/07/2016 | FRANCE | N°16BX01092

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2016, 16BX01092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 février 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire national et a fixé le Cambodge comme pays de renvoi et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600643 du 12 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de

Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 février 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire national et a fixé le Cambodge comme pays de renvoi et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600643 du 12 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 février 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 9 février 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, sous la même condition d'astreinte, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros, en application des dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de 1'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Robert Lalauze a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant Cambodgien relève appel du jugement n°1600643 du 12 février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 9 février 2016 pris à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant son pays d'éloignement, d'autre part, de la décision du même jour pris par la même autorité le plaçant en rétention administrative.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. L'arrêté attaqué pris à l'encontre de M. B...vise les textes dont il est fait application, notamment l'article L. 511-1-I 1er alinéa du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et indique les éléments de la situation personnelle de l'intéressé qui ont été pris en considération. Il note, en particulier, que M. B...s'est abstenu de démarche administrative auprès des autorités territorialement compétentes pour régulariser sa situation, qu'il s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de son visa en France, qu'il est célibataire et sans enfant et enfin qu'il n'apporte pas la preuve d'être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine, le Cambodge, où résident selon ses déclarations, sa mère et ses deux frères. Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à l'obliger à quitter le territoire français et révèle qu'il a été procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle. Par suite les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français et d'absence d'examen de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

3. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

4. Il ressort des pièces du dossier, que M. B...a été entendu par les services de police le 9 février 2016, en présence d'une interprète en langue cambodgienne, auxquels il a décliné son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France, son absence de démarche entreprise pour régulariser sa situation ainsi que ses conditions d'hébergement et de travail. Il a ainsi eu la possibilité, au cours de cette audition, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Il n'ignorait pas qu'il séjournait irrégulièrement en France et qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

5. M.B..., né le 20 mai 1988, est entré en France pour la dernière fois en avril 2014, de manière régulière sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises, pour une durée de quinze jours. Il a été interpellé le 9 février 2016 en situation de travail irrégulier. Célibataire et sans enfant il ne fait pas état de l'existence d'attaches familiales en France, sa mère et ses deux frères résidant toujours dans son pays d'origine. S'il soutient qu'il a été déclaré par son employeur et avoir été induit en erreur sur les démarches qu'il devait accomplir, ces circonstances, au demeurant non établies à la date de l'arrêté attaqué, ne sont en tout état de cause pas de nature à faire obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. De plus M. B...à déclaré lors de son audition du 9 février 2016 : " je n'ai pas encore fait de démarches administratives pour rester en France (...) j'allais faire les démarches ". Dans ces conditions, et alors même qu'il exercerait un emploi en qualité de cuisinier, ne peuvent qu'être écartés les moyens que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA: " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2./ (...) ".

7. La décision de refus de délai de départ volontaire vise les dispositions de l'article L. 511-1-II du CESEDA précitées, notamment celles du f) et indique qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à son éloignement dès lors qu'il n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes car il ne présente aucun document d'identité. Ainsi qu'exposé au point 2 le préfet a également rappelé les principales caractéristiques de sa situation personnelle et familiale tant en France que dans son pays d'origine. Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Elle révèle qu'il a été procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M.B.... Par suite le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation de l'intéressé et de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée doit être écarté.

8. Il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du CESEDA, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution de la décision par laquelle l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, ne peut être utilement invoqué par M. B...à l'encontre du refus de délai de départ volontaire.

9. Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, (...) les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ". L'article 3 de la même directive définit le risque de fuite comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ". Enfin, aux termes du II de l'article L. 511-1 du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui a notamment transposé en droit interne les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008 : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ". Ces dispositions qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, tout en réservant l'hypothèse de circonstances particulières, ne sont pas incompatibles avec les dispositions précitées de la directive 2008/115/CE. Ainsi le moyen tiré du défaut de transposition correcte de cette directive doit être écarté.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B...n'établit pas être entré régulièrement sur le territoire alors qu'il est constant qu'il s'y est maintenu irrégulièrement avant d'être interpellé le 9 février 2016 en situation de travail irrégulier. Dans ces conditions, M. B... pouvait être regardé comme présentant un risque établi de se soustraire à son obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1-II du CESEDA doit être écarté.

Sur la légalité du placement en rétention :

11. La décision du 9 février 2016 décidant de placer M. B...en rétention vise les dispositions du CESEDA dont il a été fait application, notamment les articles L. 551-1 à L. 562-3, et indique les raisons pour lesquelles l'exécution volontaire de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme une perspective raisonnable, ainsi que les éléments pris en considération pour estimer qu'il n'offre pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette obligation. Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à le placer en rétention et révèle qu'il a été procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B....

12. Aux termes de l'article L. 551-1 du CESEDA : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). ". En vertu de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au Il de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. ".

13. Ainsi qu'exposé au point 10, il existait un risque que M. B...se soustraie à son obligation de quitter le territoire français. Le requérant n'établit pas par les pièces qu'il produit qu'il était, à la date de la décision attaquée, en possession de documents d'identité ou de voyage valides. Dans ces conditions, il ne présentait pas de garanties suffisantes pour être assigné à résidence. Par suite le préfet de la Haute-Garonne a pu décider son placement en rétention sans commettre d'erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, par le jugement attaqué n° 1600643 du 12 février 2016, a rejeté sa demande d'annulation d'une part, de l'arrêté du 9 février 2016 du préfet de la Haute-Garonne, d'autre part, de la décision du même préfet le plaçant en rétention administrative. Par suite, ses demandes d'injonction et tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37-1 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 16BX01092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01092
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Robert LALAUZE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-07;16bx01092 ?
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