Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1505562 du 30 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non lieu à statuer sur la demande d'annulation de la décision plaçant M. D...en rétention administrative et a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 21 janvier 2016, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2015 en tant qu'il a annulé son arrêté du 24 novembre 2015 en tant qu'il oblige M. D... à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Robert Lalauze,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant M. A...D....
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant érythréen, né le 1er janvier 1985, a été interpellé le 24 novembre 2015 par la police aux frontières de Calais alors qu'il essayait de se rendre clandestinement en Angleterre [dissimulé dans un chargement de camion]. Par un arrêté du 24 novembre 2015, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à destination de tout pays où il établirait être légalement admissible, à l'exclusion de l'Erythrée et a décidé son maintien en rétention dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières du Pas-de-Calais et de tout autre centre de rétention administrative durant cinq jours à compter de la notification de l'arrêté. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement en tant qu'il annule son arrêté du 24 novembre 2015 en tant qu'il oblige M. D...à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination.
2. Il ressort du jugement attaqué, et il n'est pas contesté, qu'il a été mis fin à la rétention administrative de M. D... avant la tenue de l'audience. En conséquence, à la date du 30 novembre 2015, à laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est prononcé, les conclusions de M. D...dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination, relevaient d'une formation collégiale. Ainsi, le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande de M. D...tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination.
4. Par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C... B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, notamment les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.
5 Il ressort de l'examen de l'arrêté du 24 novembre 2015 qu'il fait état d'éléments spécifiques à la situation de M. D...en France et notamment de ce qu'il est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité et a été interpellé par les services de la police aux frontières du Pas-de-Calais. Cet arrêté expose ainsi les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision, laquelle est ainsi suffisamment motivée en fait au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée. De plus, alors même que M. D... a été interpellé en même temps que d'autres personnes, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de l'arrêté du 24 novembre 2015, que le préfet du Pas-de-Calais ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il ressort des pièces du dossier que M.D..., interpellé le 24 novembre 2015, a, au cours de son audition le même jour par les services de la police judiciaire, été interrogé et a répondu tant au sujet de son identité, de son pays d'origine, de sa situation familiale et des conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Au cours de cette audition il a répondu négativement à la question " Y a-t-il d'autres éléments de votre situation que vous souhaitez porter à la connaissance du préfet ". Dans ces conditions, M. D...n'a pas été privé de la possibilité d'être entendu et de présenter ses observations avant l'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Ainsi le moyen invoqué tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu manque en fait.
7. Il ressort des pièces du dossier, que M. D...a été interpellé alors qu'il était caché dans une cargaison de camion en zone de transit sur le port de Calais pour se rendre clandestinement en Grande- Bretagne selon ses propres déclarations. Dépourvu de document d'identité, il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ni déclaré de lieu de résidence effective. Entré irrégulièrement en France et de manière récente, sans établir l'existence de quelconque lien en France, M. D...n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
8. Il ressort de l'examen du procès verbal d'audition du 24 novembre 2015 de M. D... qu'à la question " Avez-vous effectué une demande d'asile ' Si oui dans quel pays ' Si non comptez-vous le faire prochainement ' " il a répondu : " Non je compte le faire en Grande-Bretagne ". Dans ces conditions l'intéressé ne peut regardé comme ayant ni expressément ni, comme il le soutient, implicitement, demandé à bénéficier de l'asile au sens de l'article L.742-1 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Il s'ensuit qu'il ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 1 de l'article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés adoptée à Genève le 28 juillet 1951 selon lesquelles aucun Etat partie n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié ou un candidat à l'asile politique sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que la décision obligeant M. D...à quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités invoquées. Par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
10. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M.D..., qui vise les dispositions de l'article L. 511-1 II 3° a) et f) du CESEDA et indique que l'intéressé, ne justifie pas être entré régulièrement en France, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et, dépourvu de document d'identité, n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, présente un risque de se soustraire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
11. Contrairement à ce que soutient M. D..., les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du CESEDA, qui énoncent une liste limitative de situations objectives dans lesquelles l'autorité administrative est fondée à estimer qu'il existe un risque que le ressortissant étranger en cause se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français et à refuser, en conséquence, de lui octroyer un délai de départ volontaire, ne sont pas incompatibles, comme l'a, au demeurant, estimé le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 9 juin 2011, avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, que la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 susvisée, dont elles sont issues, a eu pour objet de transposer.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. D...qui reconnaît être entré irrégulièrement en France n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. De plus, il n'a pas déclaré de lieu de résidence effective, affirmant seulement vivre dans " la jungle de Calais ", alors qu'il est par ailleurs dépourvu de tout document d'identité. M. D...entrait ainsi dans le cas visé aux a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1du CESEDA dans lequel l'autorité administrative peut s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités invoquées. Par suite, M. D...n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de celle fixant son pays de renvoi.
14. La décision fixant le pays de renvoi, prise au visa notamment des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du CESEDA, indique que M. D...sera reconduit à destination de tout pays dans lequel il serait légalement admissible et qu'il n'établit pas être personnellement et directement exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, cette décision, qui comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde est suffisamment motivée.
15. Si la décision fixant le pays à destination duquel M. D...exclut un renvoi dans son pays d'origine, l'Erythrée, elle indique comme pays de destination " tout pays où il établirait être légalement admissible. ". La circonstance que le requérant allègue, sans aucune précision, n'être admissible dans aucun autre pays que son pays d'origine est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée cette décision en raison d'une part de l'exclusion de son pays d'origine et d'autre part de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-3 du CESEDA ne peut qu'être écarté.
16. Si le requérant soutient qu'en excluant son pays d'origine, le préfet du Pas-de-Calais reconnaît qu'il était trop dangereux pour lui d'y retourner, il n'appartient pas à l'autorité administrative, en dehors d'une demande de l'étranger en ce sens, de se prononcer d'office sur sa situation au regard de l'asile. Par suite, M.D..., qui n'a pas sollicité l'asile en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne n'est pas fondé à soutenir, que le préfet a commis une erreur de droit en excluant son pays d'origine de la décision fixant le pays de renvoi sans se prononcer sur son droit à l'asile.
17. L'arrêté du 24 novembre 2015 fait obligation à M. D...de quitter le territoire français à destination de tout pays où il établirait être légalement admissible, à l'exclusion de L'Erythrée. Par suite, le moyen tiré des risques qu'il courrait s'il devait retourner dans son pays d'origine est inopérant.
18. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination.
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens
DECIDE
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse n° 1505562 du 30 novembre 2015 est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 24 novembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il oblige M. D...à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination.
Article 2 : La demande de M. D...devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai et fixe son pays de destination est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M.D..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
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N° 16BX00299