La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2016 | FRANCE | N°16BX00176

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05 juillet 2016, 16BX00176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500415 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 201

6, Mme E...A...épouseB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500415 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016, Mme E...A...épouseB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 120 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Riou a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...A...épouseB..., ressortissante algérienne, née le 22 juin 1972, est entrée régulièrement en France le 28 juillet 2013 accompagnée de sa fille mineure, C..., sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour valable pour une durée de trente jours et utilisable du 3 juillet au 29 décembre 2013. Par un courrier en date du 21 janvier 2014, complété le 20 juin, elle a sollicité auprès du préfet de la Haute-Vienne la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'un an mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant malade. Par un courrier en date du 9 décembre 2014, elle a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision implicite de rejet née du silence gardée par l'administration sur cette demande. Par un arrêté en date du 6 janvier 2015, le préfet de la Haute-Vienne a explicitement rejeté la demande de carte de séjour temporaire présentée par la requérante, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...épouse B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance et notamment du considérant 16 du jugement que le tribunal administratif de Limoges a expressément statué sur le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, en retenant notamment que " la requérante ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par les stipulations de l'accord franco-algérien similaires à celles des 7° et 11° de l'article L. 313-11 et L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et qu'elle n'était par suite " pas fondée à soutenir que le préfet était tenu de saisir la commission de titre de séjour pour avis avant de prendre la décision contestée ". Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une omission à statuer.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé portent sur les conditions de délivrance d'un certificat de résidence aux ressortissants algériens dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale et non sur les conditions de délivrance de ce titre à l'accompagnant ou aux parents d'un enfant malade. Par suite, leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée par Mme A...épouseB..., qui ne se prévaut pas de son état de santé mais de celui de son enfant.

4. En deuxième lieu, dès lors que, comme il vient d'être dit, la requérante ne se prévalait pas de son état de santé à l'appui de sa demande de titre de séjour, le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis le médecin de l'agence régionale de santé. Néanmoins, dès lors qu'il a décidé de recueillir l'avis de ce médecin, il lui appartenait de le faire régulièrement. A cet égard, si la requérante fait valoir que cet avis a été émis le 20 mars 2014 alors que l'arrêté contesté est du 6 janvier 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de la jeune C...ait connu entre ces deux dates une évolution nécessitant une nouvelle consultation du médecin de l'agence régionale de santé avant l'édiction dudit arrêté.

5. En troisième lieu, quand bien même la requérante aurait invoqué des circonstances humanitaires exceptionnelles, le préfet n'était pas tenu de saisir pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé dès lors que, comme il a été dit, Mme A...épouse B...ne se prévalait pas de son état de santé à l'appui de sa demande de titre de séjour.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". En outre, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme A...épouseB..., C..., souffre d'une tétraparésie spastique et d'une hypotonie axiale majeure, avec troubles épileptiques associés, qui sont les séquelles d'une méningo-encéphalite subie en Algérie à l'âge de deux ans et demi et qu'elle est prise en charge depuis 2013 à l'institut d'éducation motrice de Grossereix par une équipe pluridisciplinaire. Si la prise en charge de l'enfant au sein de cet institut a conduit à une amélioration de ses conditions de vie et de son état de santé, due aux activités dispensées, permettant son développement moteur, cognitif et social, et à l'appareillage mise à sa disposition, tel un fauteuil roulant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêt de cet accompagnement et de cette rééducation entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de la requérante ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, qu'il soit médicamenteux, comme le Tegretol, ou par la prise en charge dans un institut spécialisé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son enfant ne pourrait bénéficier du système de protection et de couverture sociale algérien. Par ailleurs, si Mme A...épouse B...fait valoir que sa fille, sa soeur, ainsi que ses neveux et nièces sont présents sur le territoire, il ressort également des pièces du dossier qu'elle conserve dans son pays d'origine des attaches personnelles et familiales fortes, puisque son époux et ses deux fils y résident et qu'elle y a elle-même vécu et travaillé en qualité de sage-femme jusqu'à l'âge de quarante et un an. Ainsi qu'il a été dit, il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'arrêt des soins de rééducation de sa fille aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de cette dernière ni que le traitement approprié à cet état ne serait pas disponible en Algérie. Aussi, le refus opposé par le préfet n'a pas eu pour effet de priver la requérante de sa fille, dès lors que cette dernière peut poursuivre ses traitements en Algérie, où la cellule familiale pourra se reconstituer. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme A...épouseB..., le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante et d'une erreur de fait.

8. En cinquième lieu et eu égard à ce qui a été dit au point 7 et, en ce qui concerne notamment l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'enfant en cas de défaut de traitement, la disponibilité du traitement dans le pays d'origine de l'intéressée et la possibilité de reconstituer la cellule familiale en Algérie, le préfet de la Haute-Vienne, en refusant de délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " à Mme A...épouseB..., n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...épouse B...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de délivrance d'un certificat de résidence. Dès lors, le préfet n'a pas entaché la décision de refus de séjour contestée d'un vice de procédure.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A...épouse B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, Mme A...épouse B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2015. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...épouse B...est rejetée.

''

''

''

''

3

N° 16BX00176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00176
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-05;16bx00176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award