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05/07/2016 | FRANCE | N°14BX02357

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05 juillet 2016, 14BX02357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...E...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 8 janvier 2013 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Lannemezan, en date du 3 décembre 2012, lui infligeant une sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire.

Par un jugement n°1300533 du 30 juin 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

our :

Par une requête enregistrée le 1er août 2014, M. C... B...E..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...E...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 8 janvier 2013 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé la décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Lannemezan, en date du 3 décembre 2012, lui infligeant une sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire.

Par un jugement n°1300533 du 30 juin 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2014, M. C... B...E..., représenté par Me D...A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2014 ;

2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 8 janvier 2013;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administratif et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Riou,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...E...relève appel du jugement du 30 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du 8 janvier 2013 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a confirmé, sur recours préalable obligatoire, la sanction disciplinaire de vingt jours de mise en cellule disciplinaire qui lui avait été infligée le 3 décembre précédent au motif qu'il avait menacé le personnel pénitentiaire au moyen d'un couteau de cuisine.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'article R. 711-3 du code de justice administrative dispose que : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. Par ailleurs, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. M. B...E...soutient que les indications données, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 26 juin 2014, concernant les conclusions du rapporteur public, trop imprécises, ne lui permettaient pas d'envisager une défense orale ou une note en délibéré. Il ressort cependant des pièces du dossier de première instance que, conformément à l'article R. 711-3 du code de justice administrative, le rapporteur public a mis en ligne sur l'application " Sagace ", le 3 mars 2015 à 12 heures, le sens de ses conclusions et qu'il indiquait de manière suffisante qu'il conclurait dans le sens d'un " rejet au fond ". Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

6. En second lieu, M. B... E...reproche au tribunal administratif de ne pas avoir suffisamment motivé son jugement en tant qu'il a écarté le moyen tiré de ce que la procédure de placement provisoire au quartier disciplinaire ne respectait pas les principes généraux du droit de l'Union européenne. Toutefois, la sanction disciplinaire litigieuse n'a pas été prise pour l'application de la décision de placement provisoire de l'intéressé en cellule disciplinaire, laquelle ne constitue pas la base légale de cette sanction, de sorte que l'exception tirée de l'illégalité de ce placement provisoire était inopérante pour contester la légalité de la sanction. Dès lors, à supposer même que le tribunal administratif n'y ait pas suffisamment répondu, son jugement ne serait pas, pour autant, en tout état de cause, entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 8 janvier 2013 :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. En premier lieu, la décision contestée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondée l'administration pour prononcer la sanction, n'est pas entachée d'insuffisance de motivation.

8. En second lieu, d'une part, eu égard à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence sur la durée des peines initialement prononcées, ces sanctions ne sauraient être regardées comme procédant d'accusations en matière pénale au sens du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention. D'autre part, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que le paragraphe 1 de ce même article 6 puisse être invoqué pour critiquer la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit, dès lors, être écarté.

9. En troisième lieu, M. B...E...excipe de l'incompatibilité de la procédure disciplinaire française, notamment de l'exigence d'un recours administratif préalable obligatoire, avec l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale. Toutefois, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ne fait pas obstacle à ce que le juge du référé-liberté soit directement saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et en l'absence-même de tout recours en annulation, d'une demande tendant au prononcé d'une des mesures de sauvegarde que cette disposition l'habilite à prendre. En outre, l'objet même du référé organisé par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur. Par suite, une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un texte législatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peut être demandée au juge des référés sans attendre que l'administration ait statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Dans ces conditions, l'ensemble des voies de recours offertes à la personne détenue lui garantit en principe le droit d'exercer un recours effectif au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, susceptible de permettre l'intervention du juge en temps utile, alors même que le recours administratif devant le directeur interrégional des services pénitentiaire est par lui-même dépourvu de caractère suspensif. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 57-7-13, R. 57-7-14 et R. 57-7-15 du code de procédure pénale doivent être écartés par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal administratif.

11. En cinquième lieu, le principe de présomption d'innocence tel que garanti par le 2 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques protège les personnes accusées d'une " infraction pénale ". La sanction litigieuse ne relevant pas de la matière pénale, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant.

12. En sixième lieu, l'administration ayant transmis au bâtonnier du barreau de Tarbes la demande de M. B...E...tendant à être assisté d'un avocat lors de la séance de la commission de discipline, le moyen tiré de ce que les droits de la défense n'ont pas été respectés dès lors que l'intéressé n'a pas été effectivement assisté d'un avocat lors de cette séance ne peut être accueilli.

13. En septième lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose à l'administration de faire bénéficier le détenu de l'assistance gratuite d'un interprète lors de la séance de la commission de discipline.

14. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative aurait manqué à son devoir d'impartialité.

En ce qui concerne la légalité interne :

15. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : 1° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement (...)". Aux termes de l'article R. 57-7-33 : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) 7° La mise en cellule disciplinaire ". L'article R. 57-7-43 du même code précise : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1 ".

16. Pour contester la légalité de la sanction qui lui a été infligée, le requérant ne peut, ainsi qu'il a été dit au point 6, se prévaloir utilement de l'illégalité de la mesure de placement provisoire en cellule disciplinaire.

17. Il est reproché à M. B...E...d'avoir le 29 novembre 2012, vers 15h45, refusé de réintégrer sa cellule et, ensuite, d'avoir menacé le surveillant qui l'accompagnait avec un couteau de cuisine ce qui a nécessité l'usage de la force aux fins de le confiner dans sa cellule puis le recours à une équipe de surveillants, dotés de tenues pare-coups, afin de le maîtriser. Si M. B...E..., qui ne conteste pas avoir détenu et brandi l'arme devant les personnels, soutient qu'il n'est pas démontré qu'il avait l'intention de les agresser, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément permettant de remettre en cause les faits tels que rapportés par le compte rendu d'incident, alors qu'il est constant qu'il a dû être recouru à la force pour le maîtriser. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

18. En estimant que les faits ci-dessus décrits étaient constitutifs d'une faute du premier degré consistant en une tentative d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel au sens des dispositions précitées de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, l'administration n'a pas commis d'erreur de qualification juridique.

19. Enfin, en estimant que la faute commise par l'intéressé était de nature, compte tenu en outre des procédures disciplinaires dont il avait fait l'objet dans le passé notamment pour faits de violence, à justifier la sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire qui lui a été infligée, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...E...est rejetée.

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N° 14BX02357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02357
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-05;14bx02357 ?
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