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05/07/2016 | FRANCE | N°14BX01152

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 05 juillet 2016, 14BX01152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) GSM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Arsac à lui payer la somme de 9 956 171 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'engagement non respecté de la commune à lui autoriser l'exploitation de terrains situés dans un périmètre délimité dans le cadre de la révision de son plan d'occupation des sols.

Par un jugement n° 1200855 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Bordeau

x a condamné la commune d'Arsac à lui verser une indemnité de 38 103 euros et rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) GSM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune d'Arsac à lui payer la somme de 9 956 171 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'engagement non respecté de la commune à lui autoriser l'exploitation de terrains situés dans un périmètre délimité dans le cadre de la révision de son plan d'occupation des sols.

Par un jugement n° 1200855 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune d'Arsac à lui verser une indemnité de 38 103 euros et rejeté le surplus de sa demande, ainsi que les conclusions reconventionnelles présentées par la commune.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril 2014, 13 octobre 2015 et 9 mars 2016, la société GSM, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire à hauteur de 7 951 446 euros ;

2°) de condamner la commune d'Arsac à lui verser une indemnité de 7 951 546 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, une expertise judiciaire aux frais de la commune d'Arsac, en vue de déterminer le montant de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Arsac le versement d'une somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SAS GSM, et de MeC..., représentant la commune d'Arsac.

Une note en délibéré présentée pour la SAS GSM a été enregistrée le 17 juin 2016.

Une note en délibéré présentée pour la commune d'Arsac a été enregistrée le 20 juin 2016.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Arsac (Gironde) a conclu, le 18 septembre 1996, une convention avec la société par actions simplifiée (SAS) GSM, pour une durée de dix ans renouvelable par tacite reconduction, aux termes de laquelle la commune s'engageait dans le cadre de la révision du plan d'occupation des sols en cours à ce que soit autorisée l'exploitation en carrières, d'une part, de terrains situés au sud du lac sud et longeant le chemin départemental 208 Arsac/Avensan, de la voie d'exploitation actuelle au ruisseau de " la Louise ", d'autre part, une surface de trente hectares environ dans une zone contractuellement délimitée entre le chemin du Pin à l'est, le ruisseau de " la Louise " à l'ouest, la limite de Cantenac au nord et la Passe du Truquet au sud. En contrepartie, la société GSM s'engageait notamment à réaliser des chemins et promenades ainsi que des espaces paysagers, et à déplacer son usine de traitement et ses stocks de matériaux situés au nord du lac Sud. Si la société GSM a pu exploiter les terrains mentionnés en premier lieu, les trente hectares mentionnés en second lieu n'ont pas été ouverts à l'exploitation en carrière, le conseil municipal ayant, par une délibération du 10 juin 2010, émis un avis défavorable au projet de la société GSM d'exploitation de nouvelles carrières sur son territoire. La société GSM interjette appel du jugement du 6 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir conclu à la responsabilité, à hauteur du quart des conséquences dommageables, de la commune d'Arsac à raison de son engagement illégal à modifier les dispositions initiales du règlement du plan d'occupation des sols pour permettre l'exploitation de terrains par la requérante, a limité la condamnation de la commune à 38 103 euros et demande qu'elle soit portée à 7 951 546 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Arsac conclut à l'annulation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 38 103 euros à la société GSM, demande que la société requérante soit condamnée à lui verser une somme de 533 571,50 euros en application de la convention du 18 septembre 1996, subsidiairement à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu une faute exonératoire de la société GSM.

Sur les conclusions d'appel principal de la société GSM :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

3. Il résulte de l'instruction que par la convention conclue avec la société GSM le 18 septembre 1996, le maire d'Arsac s'est engagé, au nom de la commune, à définir, dans le cadre de la révision du plan d'occupation des sols de la commune, un périmètre où la société pourrait être autorisée à une exploitation de carrières. Un tel engagement, pris au nom de la commune, de modifier la réglementation d'urbanisme dans le sens de stipulations contractuelles conclues avec une entreprise privée, était illégal. Dès lors que cet engagement conditionnait l'accord de la société GSM, la gravité de ce vice entache la convention en cause de nullité. Par suite, il y a lieu d'écarter le contrat et de régler le litige sur le terrain extracontractuel.

En ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle :

4. La commune d'Arsac reprend en appel l'exception déjà soulevée en première instance, tirée de la prescription quadriennale de la créance dont la société GSM demande le paiement.

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que, quand bien même la commune d'Arsac aurait poursuivi l'exécution de la convention du 18 septembre 1996 pendant près de quinze ans, la société GSM ne pouvait ignorer, compte tenu de son expérience en matière d'exploitation de carrière, la grave illégalité affectant ladite convention. Ainsi, les dommages allégués par elle résultant des dépenses effectuées en exécution de cette convention et de son manque à gagner, ont comme fait générateur la signature du contrat le 18 septembre 1996, et non, comme elle le soutient, la délibération du 10 juin 2010 par laquelle le conseil municipal d'Arsac a émis un avis défavorable au projet d'exploitation de nouvelles carrières. Dans ces conditions, le délai de prescription prévu par l'article 1er précité de la loi du 31 décembre 1968 a commencé à courir à partir du 1er janvier 1997. Dès lors que la société GSM a demandé à la commune d'Arsac de l'indemniser de son préjudice par lettre du 22 décembre 2011 réceptionnée le lendemain, la commune défenderesse est fondée à soutenir que la créance en cause était prescrite.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise judiciaire sollicité par la société GSM, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à la société requérante une indemnisation de 38 103 euros.

Sur les conclusions d'appel incident de la commune d'Arsac :

8. Par la voie de l'appel incident, la commune d'Arsac demande la condamnation de la société GSM, déjà sollicitée en première instance, à lui verser une somme de 533 571,50 euros pour non-exécution de ses obligations contractuelles. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 3, que ces conclusions, présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ne peuvent pas être accueillies. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges les ont rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Arsac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société GSM demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE

Article 1er : Le jugement n° 1200855 du 6 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il condamne la commune d'Arsac au paiement à la société GSM d'une indemnité de 38 103 euros.

Article 2 : La demande indemnitaire présentée par la société GSM devant le tribunal administratif de Bordeaux et sa requête d'appel sont rejetées.

Article 3 : La société GSM versera à la commune d'Arsac une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par la commune d'Arsac est rejeté.

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N° 14BX01152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01152
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET KPDB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-05;14bx01152 ?
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