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25/04/2016 | FRANCE | N°14BX02828

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 25 avril 2016, 14BX02828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SICTOM) du secteur de Condom à lui payer la somme de 10 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la réception de son recours préalable en réparation des préjudices subis pour manquement à l'obligation de protection d'un agent public et harcèlement moral.

Par un jugement n° 1201175 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande

présentée par M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SICTOM) du secteur de Condom à lui payer la somme de 10 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la réception de son recours préalable en réparation des préjudices subis pour manquement à l'obligation de protection d'un agent public et harcèlement moral.

Par un jugement n° 1201175 du 8 juillet 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande présentée par M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er octobre 2014, le 30 juin 2015 et le 21 mars 2016, M.C..., représenté par la Selarl Cabinet FCA, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juillet 2014 ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères SICTOM du secteur de Condom à lui payer la somme de 10 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la réception de son recours préalable en réparation des préjudices subis pour manquement à l'obligation de protection d'un agent public et harcèlement moral ;

3°) de mettre à la charge du SICTOM du secteur de Condom, au profit de son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 88-547 du 6 mai 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., qui exerçait des fonctions d'agent de maîtrise titulaire au sein du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SICTOM) du secteur de Condom et qui a fait l'objet, par un arrêté du 10 janvier 2013, d'une mesure de radiation des cadres, fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juillet 2014, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du SICTOM à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il dit avoir subis pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de protection d'un agent public.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les faits de harcèlement moral :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. Pour soutenir qu'il a été victime de harcèlement moral, M. C...fait valoir qu'à compter de l'arrivée d'un nouveau directeur, au cours de l'été 2008, il a subi une dégradation de ses conditions de travail, caractérisée par des brimades et une privation des moyens matériels nécessaires à l'exercice de ses fonctions, puis une diminution de ses responsabilités qui peut être assimilée à une rétrogradation, que cela a provoqué une grave détérioration de son état de santé et que ce harcèlement s'est poursuivi jusqu'à sa radiation, le SICTOM lui ayant fait des reproches infondés et ayant mis en oeuvre à son encontre une procédure d'abandon de poste. Il ressort cependant des pièces du dossier que le nouveau directeur auquel M. C...impute des faits de harcèlement moral a pris ses fonctions le 2 août 2008. Si M. C...soutient qu'il l'a côtoyé avant sa prise de fonctions, il est constant qu'il était placé en congé maladie du 8 juillet au 24 août 2008, l'a à nouveau été à plusieurs reprises en septembre et en octobre, avant d'être placé en congé de longue maladie à compter du 31 octobre 2008, si bien que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il n'a en réalité côtoyé ce nouveau directeur que vingt-et-un jours et demi. En tout état de cause, M. C... ne produit aucun élément probant ni aucun témoignage permettant d'établir des faits de harcèlement moral de la part de ce supérieur hiérarchique. En particulier, ni les brimades ni la privation des moyens matériels, ni les reproches allégués ne sont établis par les pièces du dossier, alors en outre, comme le souligne le requérant lui-même, que ses notations et appréciations sont restées favorables. Par ailleurs, si la reprise de fonctions à temps partiel de l'intéressé, en décembre 2012, devait s'effectuer en qualité de gardien de déchetterie, il ne s'agit pas d'une rétrogradation dès lors que ces fonctions sont conformes aux attributions des agents relevant de son cadre d'emploi telles que définies par l'article 2 du décret n° 88-547 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux et que ce poste était en outre adapté au mi-temps thérapeutique dans lequel il était placé après avoir été reconnu " apte à reprendre ses fonctions " après avis du comité médical départemental lors de sa séance du 20 novembre 2012. Au demeurant, M. C...n'ayant pas donné suite à la lettre recommandée du 12 décembre 2012 par laquelle il avait été invité à reprendre ses fonctions le 19 décembre, c'est à bon droit que le président du SICTOM l'a mis en demeure de reprendre ses fonctions à compter du 2 janvier 2013 au plus tard et, c'est ensuite à bon droit qu'il a, en raison de l'attitude de l'intéressé, prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste à compter du 10 janvier 2013, comme en a déjà jugé la cour par un arrêt du 30 mars 2015, devenu définitif. Dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'affectation sur un poste de gardien de déchetterie et la procédure d'abandon de poste ainsi mise en oeuvre seraient des manifestations de harcèlement moral à son encontre. Enfin, si M. C...invoque la dégradation de son état de santé psychique, les différents documents médicaux qu'il a produits en première instance, s'ils établissent sans conteste qu'il a souffert d'un état anxio-dépressif assez sévère en partie lié à son milieu professionnel, état qui a au demeurant débuté avant l'arrivée du nouveau directeur, ne font par ailleurs que traduire le ressenti de l'intéressé et ne suffisent pas à établir que l'origine de ses troubles serait liée à des faits de harcèlement.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C...ne peut être regardé, en raison des faits qu'il invoque, comme ayant été victime, de la part de son autorité hiérarchique, d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.

En ce qui concerne l'octroi de la protection fonctionnelle :

6. Aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ;

7. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

8. D'autre part, des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions.

9. Il incombe à l'agent qui demande le bénéfice de la protection fonctionnelle de fournir à l'autorité administrative les éléments lui permettant de statuer sur sa demande. En l'espèce, les éléments apportés par le requérant, tant devant l'administration que devant le juge, n'établissent pas la réalité d'agissements constitutifs de harcèlement moral et les faits dont il allègue ne constituent d'ailleurs pas non plus des outrages au sens de l'article 11 précité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le président du SITCOM du secteur de Condom avait pu ne pas donner suite à la demande de protection formulée par l'intéressé sans méconnaître l'obligation de protection édictée par les dispositions précitées.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de comportement fautif du SICTOM, les conclusions indemnitaires présentées par M. C...ne peuvent être accueillies.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ces fondements.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et les conclusions présentées par le SICTOM du secteur de Condom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX02828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02828
Date de la décision : 25/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SELARL J. FAGGIANELLI - D. CELIER - V. DANEZAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-25;14bx02828 ?
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