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25/04/2016 | FRANCE | N°13BX03405

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 25 avril 2016, 13BX03405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision de l'inspection du travail en date du 18 août 2011 autorisant la rupture de son contrat de travail avec l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) François Villon situé sur le territoire de la commune de Cenon (33150).

Par un jugement n°1104201 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis

trée le 17 décembre 2013, Mme A...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision de l'inspection du travail en date du 18 août 2011 autorisant la rupture de son contrat de travail avec l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) François Villon situé sur le territoire de la commune de Cenon (33150).

Par un jugement n°1104201 du 17 octobre 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2013, Mme A...D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision de l'inspection du travail en date du 18 août 2011 autorisant la rupture de son contrat de travail avec l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) François Villon situé sur le territoire de la commune de Cenon (33150) ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D...était employée en qualité d'aide médico-psychologique par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) François Villon, situé sur le territoire de la commune de Cenon. Elle y était également déléguée du personnel suppléante. Cet établissement, qui accueillait une quarantaine de résidents, a fait l'objet le 12 mai 2011 d'un contrôle de la commission communale de sécurité qui s'est prononcée défavorablement à la poursuite de son activité en l'absence de réalisation de travaux de mise en sécurité préconisés, le 13 janvier 2010, par la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité. Le 30 mai 2011, le maire de la commune de Cenon a pris un arrêté de fermeture de l'établissement. L'exploitant ayant estimé que le coût des travaux de mise aux normes anti-incendie était trop élevé, a fermé l'établissement et décidé de licencier pour motif économique les vingt huit salariés de l'établissement. Par décision du 18 août 2011, l'inspecteur du travail de la 14ème section de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a " accepté la rupture " du contrat de travail de Mme A...D...en sa qualité de salariée protégée. Cette dernière relève appel du jugement du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa. " Aux termes de l'article L. 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution. ".

4. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en acceptant la demande de " rupture du contrat de travail " de Mme A...D...formulée par la SA François Villon, l'inspecteur du travail doit être regardé comme ayant autorisé son licenciement pour le motif économique invoqué par l'employeur.

5. Aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) " Si Mme A...D...soutient que le principe du contradictoire a été méconnu dans la mesure où les représentants du personnel n'auraient pas été destinataires de tous les éléments communiqués par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, il ressort des pièces du dossier que les délégués du personnel ont été destinataires d'une note d'information très circonstanciée contenant l'ensemble des renseignements prévus à l'article L. 1233-10 du code du travail et que tous ces éléments ont été débattus lors de la réunion qui s'est tenue le 30 mai 2011. De plus, si l'inspecteur du travail a demandé à l'employeur par courrier du 18 juillet 2011, des précisions complémentaires, notamment sur les efforts engagés en matière de reclassement et de formation ainsi que sur l'appartenance éventuelle à un groupe, il n'est pas contesté que la réponse de 1'employeur, communiquée le 3 août 2011 à l'inspecteur du travail n'apportait aucune information supplémentaire et confirmait notamment l'absence d'appartenance de l'employeur à un groupe. La requérante soutient également que 1'inspecteur du travail ne lui a pas communiqué le rapport de l'unité territoriale de la Gironde. Cependant, un tel rapport, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, a été réalisé à la demande de l'inspecteur du travail pour vérifier l'absence de groupe et constitue un document interne à l'administration, élaboré dans le but d'éclairer la décision administrative et n'avait pas vocation à être transmis aux parties, pas plus à l'employeur qu'à la salariée. Le moyen manque donc en fait.

6. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail.

7. Si Mme A...D...soutient que la cessation d'activité de la société François Villon est imputable à une faute de son employeur qui s'est volontairement abstenu de réaliser les travaux de mise aux normes de l'EHPAD où elle travaillait, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

8. L'intéressée conteste la réalité du motif économique invoqué par l'employeur. Elle soutient qu'un tel motif aurait dû être apprécié au niveau du groupe auquel la société François Villon appartiendrait et que le motif économique ne serait pas établi. Cependant, d'une part, aucun élément ne permet d'établir qu'il existerait un groupe auquel appartiendrait cette société. Si cette dernière participe, avec d'autres sociétés appartenant à des membres de la famille de son dirigeant à un réseau de maisons " Sérénissime ", et si, au cours de la procédure de licenciement, des propositions de reclassement dans de telles maisons ont été faites à certains salariés tout en précisant abusivement qu'il s'agit de mesures de reclassement interne, de telles circonstances ne sont pas de nature à établir l'existence d'un groupe qui exige l'existence d'une synergie commune, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'établissement François Villon avait clôturé l'exercice 2010 en enregistrant un déficit de 70 000 euros alors que les travaux nécessaires à la remise aux normes de sécurité de l'immeuble s'élevaient à 208 000 euros. Ce seul constat est de nature à établir l'existence d'un motif économique suffisant. Dans ces circonstances, l'inspecteur du travail n'a commis ni erreur de droit en appréciant le motif économique au niveau de la seule société François Villon et n'a pas, non plus, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en reconnaissant la réalité du motif économique invoqué par l'employeur.

9. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement a recherché auprès de quatre maisons de retraite, " Les maisons Serenissim ", qui entretiennent des relations entre elles et qui effectuent des permutations de tout ou partie de leurs personnels, des solutions de reclassement et en a obtenu quatre. Il a également recensé neuf offres potentielles d'emploi pour des postes d'aide médico-psychologique (AMP) en contrat à durée indéterminée dans des structures externes exerçant une activité similaire. Il a ainsi pu proposer un poste d'AMP à Mme A...qui a décliné cette offre. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'établissement avait réalisé des recherches suffisantes de reclassement des salariés.

11. Aux termes de l'article L. 1233-65 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique une convention de reclassement personnalisé. / Cette convention lui permet de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement. " Mme A... D...soutient que l'inspecteur du travail n'a pas vérifié si la convention de reclassement personnalisé avait été acceptée par la salariée et si cette dernière avait été effectivement informée des motifs économiques du licenciement envisagé au moment de cette acceptation. Cependant, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, les dispositions précitées de l'article L. 1233-65 du code du travail, qui ont pour objet de faciliter le reclassement externe du salarié postérieurement à la mesure de licenciement dont il fait l'objet, ne font pas partie des éléments de la procédure sur lesquels l'inspecteur du travail doit faire porter son contrôle.

12. Le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

14. Les conclusions présentées par Mme A...D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...D...est rejetée.

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No 13BX03405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03405
Date de la décision : 25/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : BISIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-25;13bx03405 ?
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