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15/03/2016 | FRANCE | N°15BX03612

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 15 mars 2016, 15BX03612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 25 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'a placé en centre de rétention dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1504412 du 29 septembre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, M.E..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 25 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'a placé en centre de rétention dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1504412 du 29 septembre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2015, M.E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 septembre 2015 ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués du 25 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Henri de Philip de Laborie,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...E..., né le 27 juin 1980, de nationalité arménienne, entré en France, selon ses déclarations, irrégulièrement en septembre 2008, interjette appel du jugement n° 1504412 du 29 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 septembre 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'a placé en centre de rétention dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 15 décembre 2015, M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions tendant à ce que soit prononcée l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Les arrêtés du 25 septembre 2015 ont été signés par Mme B...C..., attachée principale, chef du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, qui dispose d'une délégation du préfet de la Haute-Garonne prise par un arrêté 31-015-09-16-002 du 16 septembre 2015 régulièrement publiée au recueil spécial des actes administratifs du département n° 31-2015-012 du même jour, à l'effet de signer les décisions contenues dans les arrêtés attaqués. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit ainsi être écarté.

4.. L'arrêté du 25 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. E... à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de renvoi vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles du CESEDA dont il fait application. Il précise que : " M. E... déclare être entré irrégulièrement en France démuni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) qu'après une étude approfondie de son dossier, qu'en conséquence du rejet de sa demande d'asile le 16 février 2009, il a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français en date du 2 avril 2010, notifié le 3 mai 2016, et confirmé par le tribunal administratif de Toulouse le 4 novembre 2010 pris par la cour d'appel le 24 octobre 2011 ; (...) qu'en dépit de cette mesure d'éloignement, l'intéressé se serait maintenu en France selon ses déclarations dans la plus parfaite irrégularité et en toute connaissance de cause sans accomplir aucune démarche (...) il n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet (...)il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes car il ne présente aucun document d'identité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente à l'administration ; (...) par conséquent qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation de quitter 1e territoire français d'un délai de départ volontaire (...) s'il se prévaut de son ancienneté de séjour, il ne l'établit nullement et il en est de même de sa relation avec Mme D...(...) s'il se prévaut du fait d'être concubin de Mme D..., il ne l'établit aucunement d'autant qu'il ressort de l'examen du dossier de Mme D... de 2013 à 2015 qu'elle est célibataire ; (...) s'il se prévaut de la présence de ses enfants, il ne ressort pas du dossier qu'il contribue à leur éducation et entretien et même qu'il vive avec eux (...) qu'il n'apporte pas la preuve d'être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine ; (...) que l'intéressé·n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits da l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, vu notamment le rejet de sa demande d'asile (...) ". Il s'ensuit que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi sont suffisamment motivées.

5. Il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne a précisé " (...) compte tenu des circonstances propres au cas d'·espèce il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée (...) ". Ce faisant, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet ne s'est pas abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M.E..., en particulier au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il ressort des pièces du dossier que M.E..., ressortissant arménien, entré en France irrégulièrement, le 15 septembre 2008, selon ses déclarations, s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prise à son encontre par arrêté du 2 avril 2010 du préfet de la Haute-Garonne confirmé par un jugement n° 1002118 du 4 novembre 2010 du tribunal administratif de Toulouse puis par une ordonnance n° 10BX02944 du 24 janvier 2011 du magistrat habilité à statuer par voie d'ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Il ressort également des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par décision de 1'Office français des réfugiés et apatrides du 16 février 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 février 2010, précisant notamment que les déclarations de l'intéressé n'ont pu permettre d'établir les origines azéries de sa mère et sont dépourvues de précisions sur les persécutions dont il aurait été victime en Arménie. M. E... soutient qu'il entretient une relation stable, sérieuse et régulière avec Mme D..., ressortissante azerbaidjanaise azérie en situation régulière, avec laquelle il a eu deux enfants nés en 2009 et 2011, et qui subviendrait à ses besoins. Il se prévaut, à cet égard, d'une attestation de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne qui mentionne qu'ils ont perçus communément des prestations sociales pour le mois de septembre 2015. Cette attestation n'est toutefois pas de nature à caractériser la réalité et l'ancienneté d'une vie commune d'autant qu'il ressort du formulaire de demande de titre de séjour de Mme D...produit par le préfet en première instance et renseigné par les soins de cette dernière le 10 juin 2015, qu'elle a déclaré être célibataire. L'ancienneté et la réalité de la relation de M. E...avec Mme D...ne sont pas davantage établies par les productions d'attestations de proches ou le requérant ne justifie ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ni d'aucune intégration dans la société française. Alors qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales hors de France, n M. E...ne démontre pas davantage l'existence de circonstances faisant obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive dans son pays d'origine ou celui de sa compagne. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui la fondent. Dès lors, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas, par cette décision, commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé et de ses enfants.

7. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / d) si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...)

8. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que pour refuser d'octroyer à M. E... un délai de départ volontaire, le préfet se serait cru lié par les critères énoncés par les dispositions précitées. Il est constant que M. E...ne dispose d'aucun document d'identité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente à l'administration et qu'il n'a pas tenu compte de la précédente mesure d'éloignement prise en 2010 à son encontre. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du CESEDA doivent être écartés.

9. M. E...reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance et tiré de ce que, d'une part, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du CESEDA, d'autre part, la décision prononçant son placement en rétention administrative serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 551-1 du CESEDA. A l'appui de ces moyens, il ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

10. Aux termes de l'article L. 551-1 du CESEDA : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement (...) est écrite et motivée (...) ". En vertu de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) ".

11. L'arrêté du 25 septembre 2015 plaçant M. E...en rétention vise les articles L. 551-1 à L. 562-3 du CESEDA, et en particulier l'article L. 551-1 alinéa 6° sur lequel il se fonde. Il rappelle que M. E...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée le même jour, indique que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il a déféré et mentionne également que compte tenu de ces éléments, du fait qu'il ne dispose pas de document de voyage original en cours de validité, qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, que l'adresse dont il se prévaut n'est pas celle déclarée auprès de l'administration dans le cadre de la précédente demande et que son comportement démontre qu'il ne se conformera pas aux décisions prises, il n'offre pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite. Elle souligne enfin que l'intéressé n'a pas allégué être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, et que compte tenu des éléments précédemment indiqués, il n'existait aucune mesure moins coercitive que le placement en rétention administrative afin de s'assurer de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cet arrêté et de l'absence d'un examen circonstancié de sa situation doivent être écartés.

12. Il résulte de ce tout qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 septembre 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 septembre 2015 du préfet de la Haute-Garonne, d'une part, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de l'Arménie, et, d'autre part, le plaçant en centre de rétention administrative . Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies et sa demande tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. E....

Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.

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N° 15BX03612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03612
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Henri de LABORIE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : MOULIN-MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-15;15bx03612 ?
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