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29/02/2016 | FRANCE | N°15BX03154

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 29 février 2016, 15BX03154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2015, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501456 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre

2015, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 février 2015, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501456 du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2015, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2015, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les observations de MeA..., représentant M.D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...D..., de nationalité camerounaise, né en 1985, est entré en France au mois de juillet 2011 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour de 9 jours délivré par les autorités belges, puis s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Le 12 mai 2014, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 10 février 2015, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande et a assorti son refus de lui délivrer un titre de séjour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit au besoin d'office. M. D... fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2015, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Pour considérer que les documents médicaux produits par M. D...ne suffisaient pas à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé d'Aquitaine, le tribunal administratif a relevé que : " pour contester la pertinence de cet avis, le requérant produit, d'une part, un certificat médical daté du 7 mai 2014 d'un médecin psychiatre qui indique que la pathologie du patient nécessite la poursuite de soins pendant au moins douze mois sur le territoire français et, d'autre part, huit ordonnances médicales pour la plupart antérieures à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé mentionnant des traitements médicamenteux à base de psychotropes ; que ces pièces, eu égard à leur date et aux termes dans lesquels elles sont rédigées, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en ce qui concerne les conséquences d'une absence de prise en charge médicale ". Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le certificat médical et les ordonnances produits par le requérant ne permettaient pas d'infirmer l'avis du médecin de l'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Le refus de séjour rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement, notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M.D..., notamment la date de son arrivée en France, l'abandon de sa demande d'asile, les conditions de son séjour sur le territoire national, son état de célibataire sans charge de famille. Par suite, la décision contestée, qui n'est ainsi pas stéréotypée mais dont la rédaction n'avait pas à reprendre de manière exhaustive tous les éléments dont le requérant se prévalait, est suffisamment motivée au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979.

5. Cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen particulier de la situation personnelle de M.D....

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en a fait la demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D...déclare souffrir de troubles psychiatriques et suivre pour cela un traitement à base de psychotropes. Pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé d'Aquitaine du 5 décembre 2014 qui indique que l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester la pertinence de cet avis, le requérant a produit, en première instance, d'une part, un certificat médical daté du 7 mai 2014 d'un médecin psychiatre qui indique que la pathologie du patient nécessite la poursuite de soins pendant au moins douze mois sur le territoire français et, d'autre part, huit ordonnances médicales, dont sept sont bien antérieures à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, mentionnant des traitements médicamenteux à base de psychotropes. Comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, ces pièces, eu égard à leur date et aux termes dans lesquels elles sont rédigées, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en ce qui concerne les conséquences d'une absence de prise en charge médicale. M. D...affirme également qu'il ne pourra accéder aux soins qui lui sont indispensables au Cameroun, notamment dès lors que les molécules correspondant aux trois spécialités, antipsychotiques et anxiolytique, qui lui sont prescrites n'y seraient pas disponibles. Cependant, si, à cet effet, il produit en appel une " liste nationale des médicaments essentiels au Cameroun ", disponible sur internet, d'une part, ladite liste, qui n'émane d'aucun organisme officiel, n'a pour but que d'inventorier les molécules considérées comme essentielles pour ce pays et non la liste des molécules qui y sont effectivement disponibles et, d'autre part, elle inclut, au titre des psychotropes, un certain nombre de dérivés des benzodiazépines, dont l'intéressé n'établit pas qu'ils ne seraient pas substituables à son traitement. En tout état de cause, comme l'ont également relevé à juste titre les premiers juges, ce n'est que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, ce que le requérant n'établit pas, que la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour demandée sur le fondement des dispositions mentionnées au point 6 ci-dessus est subordonnée à l'existence de possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. D...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Pour soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, M. D...fait valoir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe désormais en France où il réside depuis 4 ans, qu'il n'a plus aucune attache familiale au Cameroun où sa mère et son frère étaient décédés avant son départ, où il n'a plus de contacts avec son père et où il devra vivre isolé, sans ressources et sans accès aux soins imposés par son état de santé. Il ressort toutefois, des pièces du dossier et de ses propres déclarations, que le requérant est entré sur le territoire français à l'âge de vingt six ans, qu'il est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches au Cameroun où il a passé la majeure partie de sa vie. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement approprié à sa pathologie ne serait pas disponible au Cameroun. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée quant à la situation personnelle et médicale du requérant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus au point 8, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. La décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. D..." n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ". Une telle motivation, qui permet de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de l'étranger au regard des stipulations et des dispositions législatives applicables, doit être regardée comme suffisante.

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. M. D...soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son état de santé. Toutefois et en tout état de cause, un tel moyen doit être écarté compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur la disponibilité au Cameroun d'un traitement adapté à la pathologie de l'intéressé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt rejette la requête de M.D.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D...sur ces fondements.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

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N° 15BX03154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03154
Date de la décision : 29/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP AMBRY-BARAKE-ASTIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-29;15bx03154 ?
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