Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1500204 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2015, Mme A...C..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2014 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., ressortissante kényane, est entrée en France en 2008 selon ses déclarations. Elle a bénéficié, à compter du 17 avril 2012, d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelée jusqu'au 16 avril 2014 et a sollicité, le 5 mars 2014, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 7 novembre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...C...relève appel du jugement du 30 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient Mme A...C..., une éventuelle dénaturation des pièces du dossier relatives à son état de santé n'affecterait que le bien-fondé du jugement attaqué, dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, et reste, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, le refus de titre de séjour vise les textes dont il fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de l'intéressée, et mentionne les circonstances de fait propres à la situation de Mme A...C..., notamment sa date alléguée d'entrée en France, les conditions de son séjour, les éléments relatifs à son état de santé et ceux concernant sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, la circonstance que la décision attaquée indique que la requérante ne s'est pas prévalue de l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine et n'établit pas n'y détenir aucune attache familiale n'est pas de nature à caractériser l'existence d'erreurs de fait dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, d'une part aurait indiqué, dans sa demande de titre de séjour ou lors de l'instruction de celle-ci, qu'elle n'était pas en mesure d'accéder aux soins nécessités par son état de santé au Kenya et, d'autre part, aurait établi qu'elle n'y avait plus aucune famille. Il ressort par ailleurs des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à l'examen circonstancié de sa situation particulière.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (....) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) ". En vertu de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d' un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dispositions, en vigueur à la date à laquelle le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé, prévoit que celui-ci émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans le pays dont il est originaire, la durée prévisible du traitement, et indiquant en outre si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis émis le 2 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A... C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour laquelle un traitement approprié existait dans le pays d'origine, un tel traitement devant, en l'état actuel, être poursuivi pendant une durée indéterminée. Si Mme A...C...fait valoir que dans un précédent avis du 21 novembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé avait émis un avis favorable à la délivrance d'un premier titre de séjour, celui-ci avait alors indiqué que les soins nécessités par l'état de santé de l'intéressée devaient être poursuivis pendant une durée de douze mois. Mme A... C...fait également valoir que, depuis le premier avis du médecin de l'agence régionale de santé, son état de santé ne s'est pas amélioré et que les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Kenya.
7. Le DrB..., praticien hospitalier au sein du service d'exploration fonctionnelle du système nerveux du Groupe Hospitalier Pellegrin à Bordeaux, qui a examiné la requérante le 24 février 2012, indique qu'elle présente un albinisme oculo-cutané et que son état de santé " nécessite une exploration electrophysiologique de sa vision ainsi qu'une prise en charge ophtalmologique et dermatologique ". Mme A...C...ne produit toutefois aucun document permettant d'établir qu'elle aurait, au cours des années qui ont suivi, procédé aux examens recommandés par le Dr. B...ou consulté des médecins spécialisés dans la pathologie dont elle souffre, que ce soit en dermatologie ou en ophtalmologie. De fait, et si le DrE..., médecin généraliste à la " Case de Santé ", à Toulouse, indique, dans un certificat médical daté du 1er mars 2015, que l'état de santé de Mme A... C...nécessite une surveillance très régulière sur les plans dermatologique et ophtalmologique, elle ne précise ni que l'intéressée serait d'ores et déjà suivie par des médecins spécialistes dans les domaines précités, ni qu'elle suivrait un traitement ou aurait subi des examens spécifiques à sa maladie, ni même qu'elle consulterait régulièrement à la " Case de Santé ", laquelle ne propose d'ailleurs qu'une offre de soins infirmiers et de médecine générale. Dans ces conditions, Mme A...C..., qui ne s'est pas prévalue de son état de santé dans sa demande de titre de séjour formée le 5 mars 2014, dans laquelle elle a simplement indiqué vouloir rester en France afin d'y travailler et d'y fonder une famille, n'établit pas que les soins dont elle a besoin ne pourraient lui être administrés au Kenya et que l'absence de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme A...C..., n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme A...C...soutient qu'elle n'a pas connu son père, que sa mère est décédée en 2008, qu'elle n'a aucun frère et soeur, qu'elle réside depuis cinq ans en France et qu'elle justifie d'une insertion professionnelle sur le territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante, entrée irrégulièrement en France, est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et n'établit pas l'intégration professionnelle dont elle se prévaut. Dans ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français: (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...).".
11. Pour les motifs exposés au point 6 ci-dessus, le préfet, en ayant fait obligation à Mme A...C...de quitter le territoire français, n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles L. 513-1 à 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme A...C..." n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Une telle motivation doit être regardée comme suffisante.
13. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose par ailleurs que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. Comme cela a déjà été dit au point 6 ci-dessus, Mme A...C...n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine. En outre, si elle soutient qu'elle sera soumise à des persécutions en cas de retour au Kenya, du fait notamment de son albinisme, les documents qu'elle produit à cet égard ne permettent pas d'établir qu'elle se trouverait effectivement soumise à un risque réel et personnel de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour au Kenya. Dans ces conditions, Mme A... C...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.
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N°15BX02812