Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...et Mme G... B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux :
- de condamner la commune de Lanton à verser à M. A... une somme de 1 525 087,37 euros et à Mme B... une somme de 498 587,37 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait des décisions illégales prises le 20 août 1992 et le 29 août 2001 par le maire de Lanton les invitant à surseoir à toute modification ou aménagement sur le chemin de la Bascule " à libérer l'emprise du chemin rural de la Bascule " ;
- de mettre à la charge de la commune de Lanton une somme de 10 000 euros à verser à chacun d'entre eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens et frais d'expertise ;
Par un jugement n° 1200163 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Lanton à verser une somme de 20 000 euros à M. A...et de 5 000 euros à MmeB....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2014 et un mémoire, enregistré le 28 octobre 2014, M. A...et MmeB..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1200163 du 6 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de porter les condamnations prononcées en première instance à l'encontre de la commune de Lanton à 1 647 587,37 euros pour M. A...et à 498 587,37 euros pour Mme B... ;
3°) de condamner la commune de Lanton à leur verser la somme de 8 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Henri de Philip de Laborie,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M. A...et MmeB..., et de Me E..., représentant la commune de Lanton.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...et Mme B...interjettent appel du jugement n° 1200163 du 6 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux. Ils demandent que les condamnations prononcés par ce jugement à l'encontre de la commune de Lanton soient de portées de 20 000 euros à 1 647 587,37 euros pour M. A...et de 5 000 euros à 498 587,37 euros pour MmeB....
2. Il résulte de l'instruction que Mme B... a acquis en viager, le 3 février 1983, un terrain situé au lieu-dit " Le Lénan " à Lanton, commune située sur la rive Nord du Bassin d'Arcachon comportant une habitation, et constitué de quatre parcelles cadastrées AO n° 00456, 57, 58 et 195. Ce terrain longe, en sa partie sud, une piste cyclable appartenant au département de la Gironde, réalisée sur le tracé d'une ancienne voie de chemin de fer, dont il était alors séparé par une parcelle dénommée " chemin de la Bascule " sur le plan cadastral rénové de 1957, ce chemin faisant par ailleurs la liaison entre la rue des Bouviers et la route de Blagon. En 1986, la direction générale des impôts a informé Mme B...que le remaniement du plan cadastral de la commune allait avoir pour effet d'inclure cette parcelle désormais cadastrée BO n° 0049 dans son compte. Estimant se trouver ainsi propriétaire de la parcelle, M. A..., le fils de Mme B..., a déposé le 7 novembre 1988 une demande de permis de construire pour une nouvelle habitation d'une surface hors oeuvre nette de 104 mètres carrés, son projet comportant divers aménagements spéciaux rendus nécessaires en raison de sa paraplégie et de multiples pathologies invalidantes et définitives dont il souffre depuis qu'il a été, en tant que militaire français, victime d'un accident de guerre intervenu au Tchad le 13 décembre 1987. Ce permis lui a été délivré le 22 décembre 1988, les travaux ayant été achevés le 23 avril 1991 et déclarés conformes par le maire de Lanton le 23 août 1991. A la suite d'une déclaration de travaux déposée le 4 octobre 1989, à laquelle le maire, tacitement, n'a pas fait opposition, M. A... a été autorisé à réaliser une clôture d'une hauteur de 1,80 mètres doublée d'une haie de tuyas autour de ce terrain, incluant la parcelle BO n° 0049. Toutefois, par note de service adressée au maire de Lanton le 6 juin 1990 et par courrier adressé à Mme B...le 5 juillet 1990, l'inspecteur du cadastre a constaté une erreur commise en 1986 lors de l'inclusion de la " rue de la Bascule " dans le compte de Mme B...et les a informés que le plan cadastral rénové en 1957 était rétabli dans son état antérieur. M. A... a obtenu le 9 juillet 1990 un permis de construire pour l'agrandissement da sa maison, le chantier y afférent ayant été déclaré ouvert le 23 avril 1991. Par acte du 12 novembre 1991, Mme B... a fait donation à M. A... de la part de sa propriété sur laquelle il avait édifiée sa maison. Le 20 août 1992, le maire de Lanton a adressé à M. A... et Mme B... une lettre précisant que l'accès de la rue de la Bascule appartient à la commune. A la suite de l'intervention du médiateur de la République en juillet 1995 auprès du département de la Gironde, une convention tripartite a été établie, par laquelle la commune s'engageait à céder à M. A...à titre gratuit la parcelle litigieuse, le conseil général acceptant, quant à lui, de déplacer une partie de la piste cyclable et de céder à titre gratuit les terrains ainsi libérés à la commune pour permettre à celle-ci d'y rétablir le chemin dénommé " chemin de la Bascule ", le coût des travaux devant être pris en charge à hauteur d'un tiers par chacun des trois cocontractants. En conséquence, par délibération du 10 avril 1998, le conseil municipal de Lanton a autorisé la signature de cette convention. Cependant, cette délibération ayant été annulée par jugement du tribunal nos 9801384 et 9801407 en date du 8 février 2001 à la demande de Mme D...et de l'association Lanton, le maire de Lanton a invité par courrier du 29 août 2001 les requérants à libérer l'emprise du chemin. Le 22 mai 2002, M. A... et Mme B... ont saisi le tribunal d'instance d'Arcachon à fin de déterminer la propriété de la " rue de la Bascule ". Le tribunal d'instance ayant décliné sa compétence et transmis le dossier au tribunal de grande instance de Bordeaux, celui-ci a jugé le 12 février 2008, au vu d'un rapport d'expertise établi le 12 novembre 2005, que la " rue de la Bascule " était la propriété de M. A... et Mme B.... Ce jugement a été confirmé en tous points par un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 2 mars 2010.
Sur la responsabilité de la commune :
En ce qui concerne le courrier du maire de Lanton en date du 20 août 1992 :
3. Ainsi qu'il est dit au point 2, le juge judiciaire, par une décision passée en force de chose jugée, a reconnu le droit de propriété de Mme B...et de M. A...sur la parcelle en litige dénommée " chemin de la Bascule ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lanton n'a pas contesté jusqu'en 1992 le rattachement de la parcelle à la propriété des requérants, notamment en ayant délivré à M. A... plusieurs autorisations d'urbanisme au vu de plans de masse qui incorporaient la parcelle en litige. La décision précitée adressée le 20 août 1992 par le maire à M. A... et Mme B... les informe que le chemin de la Bascule appartient à la commune, qu'ils y ont réalisé sans autorisation des travaux et les invite à " à surseoir à toute modification ou aménagement sur le chemin de la Bascule ". Cette dernière mention rédigée de façon impérative est, contrairement à ce que soutient la commune de Lanton, de nature à faire regarder cette décision du 20 août 1992 comme une décision administrative faisant grief et donc susceptible de recours pour excès de pouvoir. Quand bien même le maire aurait agi de bonne foi, cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors qu'elle indique que le chemin de la Bascule " appartient à la commune et ce par conclusions du service du cadastre, habilité à juger ce type de contestations " alors qu'en raison de leur portée relative, les énonciations du cadastre ne pouvaient préjuger la propriété de la parcelle. Cette décision comporte une autre erreur de fait en tant qu'elle indique que M. A... et Mme B...ont réalisé " sans autorisation " des travaux sur l'emprise du chemin litigieux alors que, comme indiqué au point 2 du présent arrêt, M. A...a bénéficié, pour son projet de construction dont le terrain d'assiette incluait ledit chemin, d'un permis de construire délivré le 22 décembre 1988, d'un second permis de construire délivré le 9 juillet 1990 et d'une autorisation tacite de réaliser les travaux de clôture, en l'absence d'opposition à sa déclaration préalable de travaux déposée le 4 octobre 1989. Ainsi, le maire de Lanton, alors en fonction, a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune en ayant, par décision du 20 août 1992, imposé aux requérants de cesser tout travaux de modification ou d'aménagement sur l'emprise du chemin de la Bascule.
En ce qui concerne le courrier du maire de Lanton en date du 29 août 2001 :
5. La lettre adressée le 29 août 2001 par le maire de Lanton à M. A... et Mme B... les " invite à libérer l'emprise du chemin rural de la Bascule afin de remettre les lieux dans leur état d'origine " leur précise que cette démarche est nécessaire et urgente pour rétablir la circulation des véhicules et leur propose, en cas de " difficultés pour réaliser ces travaux (enlèvement d'une clôture et d'une haie) " l'aide des services techniques de la mairie. Compte tenu de ces mentions impératives, le maire doit être regardé comme ayant pris une décision qui faisait grief aux requérants. Cette décision, désignant le chemin de la Bascule comme un chemin rural appartenant à la commune, est entachée d'erreur de fait Il suit de là que le maire de la commune de Lanton a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
Sur les préjudices de M. A..., Mme B... :
6. La responsabilité de la puissance publique ne peut être engagée que si le préjudice allégué est la conséquence directe de l'illégalité de la décision qu'elle a prise. Il résulte de l'instruction que la décision du 20 août 1992 et celle du 29 août 2001 du maire de Lanton ont eu pour effet direct d'interdire à M. A... la poursuite et l'achèvement des travaux de clôture du terrain d'assiette de sa maison, pour ce qui concerne la partie de la clôture située sur la parcelle dite " chemin de la Bascule ".
7. Il résulte de l'instruction que si la réalisation d'une clôture sécurisée et d'une hauteur suffisante était une condition indispensable pour que M. A... puisse utiliser en toute sécurité et en toute intimité sa piscine extérieure ainsi que les équipements spécifiques de balnéothérapie nécessaires à son état de santé qu'il avait fait réaliser à l'extérieur de sa maison, il ne résulte pas de l'instruction que ces équipements, voire la maison elle-même, étaient implantés sur la parcelle litigieuse dite du " chemin de la Bascule " ou qu'il aurait été impossible de les enclore sans y inclure cette parcelle, dans l'attente du règlement du litige portant sur la propriété du chemin de la Bascule. La disposition des lieux, telle qu'elle ressort des pièces produites à l'instance, ne permet pas davantage d'accréditer l'affirmation de M. A... et Mme B...selon laquelle ils auraient alors été privés d'un accès au terrain et à la construction. En effet, si M. A...soutient qu'en raison de son handicap il ne pouvait accéder seul à sa maison compte tenu de la configuration à la fois du terrain, de sa maison et de la piscine déjà construite en raison d'une part de la voirie non goudronnée non praticable en fauteuil roulant et, d'autre part, de l'absence d'espace suffisant pout pouvoir faire les manoeuvres de retournement de son véhicule, compte tenu de son état de santé, sa mère, MmeB..., pouvait habiter cette maison avec lui avant le jugement définitif rendu par l'arrêt du 2 mars 2010 de la cour d'appel de Bordeaux reconnaissant son droit de propriété sur la parcelle de la " rue de la Bascule " . En outre, si les requérants soutiennent qu'une clôture réalisée en excluant de son périmètre le chemin de la Bascule aurait été trop proche de la maison et qu'elle aurait donc empêché M. A... d'accéder par l'extérieur à la terrasse située à l'arrière de la maison, aucun élément du dossier n'établit que cette terrasse n'aurait pas été accessible en passant par l'intérieur du bâtiment. M. A...ne justifie d'ailleurs pas de la construction d'une clôture provisoire à ses frais lui permettant d'utiliser son habitation avec sa mère en tenant compte des contraintes liées à ses handicaps avant l'arrêt précité de la cour d'appel de Bordeaux, aménagements provisoires qui auraient pu seuls être indemnisés comme directement liés à la faute de la commune. Ainsi, il résulte de l'instruction que la décision prise par M. A... et sa mère de ne pas résider dans la maison du premier et d'aller s'installer chez la seconde, ne peut pas être regardée comme étant la conséquence directe de l'interdiction qui leur avait été faite de poursuivre les travaux de clôture sur la parcelle dite du " chemin de la Bascule " mais le fait de convenances personnelles .
8. Par voie de conséquence, tous les préjudices invoqués par les requérants et qui sont liés à l'impossibilité alléguée par M. A... de pouvoir occuper sa maison, notamment les frais liés à l'inoccupation, à la dégradation et aux cambriolages de la maison, à l'obligation d'avoir à rechercher un autre hébergement, aux charges exposées par M. A... et Mme B...pour le réaménagement de la maison de cette dernière en vue d'y accueillir son fils, aux incidences sur l'état de santé de M. A...et à sa perte de chance de ne pas le voir s'aggraver ainsi qu'au préjudice moral de Mme B...résultant de cette situation doivent être écartés.
9. Les requérants ne sauraient davantage demander devant le tribunal administratif réparation à la commune d'un préjudice moral au titre des propos désobligeants voire calomnieux à leur encontre tenus par des tiers pendant la campagne des élections municipales de 1995 et de 2002 et relatifs au litige du chemin de la Bascule.
10. En revanche, les fautes commises par le maire de la commune ont causé à M. A... et Mme B...un préjudice moral et des troubles à leurs conditions d'existence du fait de l'incertitude dans laquelle ils se sont trouvés quant à la consistance de leur immeuble, à l'impossibilité de l'aménager à leur convenance et en raison de l'obligation dans laquelle ils ont été placés de devoir recourir à de longues procédures avant de pouvoir obtenir finalement gain de cause. Ce préjudice a été aggravé par l'important handicap de M. A... ainsi que par la situation de fragilité physique et psychologique de ce dernier, attestée par de nombreux certificats médicaux produits au dossier et connue des responsables municipaux. Toutefois, il y a lieu de tenir compte de ce que la commune a tenté de rechercher une solution amiable au litige. Dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont donc fait une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant globalement à la somme de 20 000 euros pour M. A... et à la somme de 5 000 euros pour Mme B... ;
11. Il résulte de tout ce qui précède que ni la requête de M. A... et Mme B...ni l'appel incident de la commune de Lanton ne peuvent être accueillis.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mises à la charge de la commune de Lanton les sommes que M. A... et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Lanton sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et de Mme B... et l'appel incident de la commune de Lanton sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lanton tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14BX01373