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19/01/2016 | FRANCE | N°14BX00336

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 19 janvier 2016, 14BX00336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Bagnères-de-Luchon à lui verser la somme de 300 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices moral et financier qu'elle a subis du fait du décès de son compagnon lors de l'accident dont ils ont été victimes le 27 février 2010 dans le Parc des Thermes, ainsi qu'une somme de 100 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, pour chacune de ses deux filles.

Par un jugement n

1005383 du 4 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Bagnères-de-Luchon à lui verser la somme de 300 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices moral et financier qu'elle a subis du fait du décès de son compagnon lors de l'accident dont ils ont été victimes le 27 février 2010 dans le Parc des Thermes, ainsi qu'une somme de 100 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, pour chacune de ses deux filles.

Par un jugement n° 1005383 du 4 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 3 février 2014 et le 24 avril 2015, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 décembre 2013 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Bagnères-de-Luchon et la société d'assurances Mutuelles à Cotisations Fixes à lui verser :

- la somme de 761 427,09 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'elle a subis ;

- la somme de 154 432,52 euros au titre des préjudices moral et financier subi par sa fille Agathe ;

- la somme de 158 451,7 euros au titre des préjudices moral et financier subi par sa fille Madeleine ;

- chacune de ces trois sommes devant être assortie des intérêts au taux légal.

3°) à titre subsidiaire, de désigner un médecin expert afin qu'il évalue les préjudices qu'elle a subis et de condamner solidairement la commune de Bagnères-de-Luchon et la société d'assurances Mutuelles à Cotisations Fixes à lui verser une provision de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bagnères-de-Luchon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier ;

- les conclusions de M. E... de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 février 2010, aux alentours de 18h30, une bourrasque de vent mesurée à 147 km/h a arraché une branche d'un grand cèdre de l'Atlas situé sur l'esplanade des Thermes, à Bagnères-de-Luchon, et l'a projetée à une cinquantaine de mètres de là, sur un couple de promeneurs, M. D... et sa compagne, Mme A.... M. D...a été tué sur le coup et Mme A...a été blessée. Mme A...relève appel du jugement du 4 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'elle-même et ses deux filles ont subis en raison de cet accident.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient MmeA..., les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments qu'elle a invoqués devant eux, ont écarté par une motivation suffisante le moyen tiré de la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés par le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, sans qu'il puisse notamment leur être reproché à cet égard de ne pas avoir spécifiquement répondu à l'argument selon lequel l'abonnement " Prévi-expert " souscrit par la commune de Bagnères-de-Luchon auprès de Météo-France n'aurait pas été adapté aux spécificités climatiques locales.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public :

3. Il résulte de l'instruction que le cèdre de l'Atlas dont une branche a causé l'accident survenu le 27 février 2010, est âgé de 107 ans, et présente une hauteur de 35 mètres pour une circonférence de 793 centimètres. Implanté dans le parc des Quinconces, ouvert au public et dépourvu de clôture, il a fait l'objet d'une analyse spécifique dans le cadre du diagnostic phytosanitaire et de l'expertise mécanique des arbres menés au cours du mois de mai 2007, sur l'ensemble du patrimoine arboré de la commune, par un bureau d'études spécialisé en arboriculture urbaine. Aux termes de cette analyse, les principaux défauts relevés sur cet arbre étaient la présence de deux cavités en hauteur formées à la suite d'anciens accidents de casse, un nombre important de fourches à conformation critique en hauteur et l'existence d'une plaie de taille de ravalement de charpentière sur le tronc. Différents examens ont été menés à cette occasion, lesquels ont consisté en la visite du houppier par un grimpeur professionnel, la réalisation de deux tests sur deux fourches critiques à l'aide d'un résistographe, appareil destiné à mesurer la densité du bois, et un examen du collet à l'aide d'un marteau à ondes sonores, qui sert à détecter et à quantifier les pourritures internes d'un arbre. A l'issue de ces investigations, le bureau d'étude a conclu à une bonne santé physiologique et mécanique du cèdre et préconisé un suivi d'évolution dans un délai de 5 à 10 ans. Alors même qu'il a recommandé pour d'autres spécimens du parc des mesures d'intervention urgentes de mise en sécurité, telles que la suppression d'un axe critique, voir leur abattage, ainsi que des interventions régulières de taille, aucune mesure de ce type n'a été préconisée concernant le cèdre en litige, hormis le suivi à moyen terme de son évolution. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier qu'à la date de l'accident ayant occasionné la mort de M. D..., cet arbre présentait des défauts plus récents, de nature à constituer un risque pour les passants, les photos produites montrant d'ailleurs, ainsi que l'a relevé l'expert mandaté par la commune au mois de mars 2010, que la rupture de la branche est franche et le bois sain, sans aucune trace d'attaque parasitaire de l'arbre. Il n'est pas davantage établi que, du fait de sa situation et de sa taille, cet arbre aurait dû faire l'objet de mesures de surveillance et d'intervention particulières, en sus de la visite annuelle effectuée par le service des espaces verts de la commune. Dans ces conditions, la commune de Bagnères-de-Luchon doit être regardée comme apportant la preuve de l'entretien normal du cèdre en litige. Dès lors, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, sa responsabilité ne peut être engagée au titre des dommages de travaux publics.

En ce qui concerne la responsabilité pour carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police :

4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les autres accidents naturels, (...) ". L'article L. 2212-4 du même code dispose par ailleurs que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites ".

5. La responsabilité d'une autorité détenant des pouvoirs de police, en particulier sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ne peut être engagée pour faute que dans le cas où, à raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, elle n'a pas ordonné les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave et a ainsi méconnu ses obligations légales. A cet égard, il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par leur prudence, se prémunir.

6. Il résulte de l'instruction que la commune de Bagnères-de-Luchon avait souscrit, pour l'année 2010, un abonnement auprès de Météo France comprenant notamment un service dit " Prévi-Expert ", lequel avait pour objet de mettre à sa disposition, sur un site internet, les prévisions de température, force du vent, rafale, temps sensible et pluie par intervalles de trois heures, jusqu'à trois jours d'échéance. Dans ce cadre, un bulletin a été mis en ligne par Météo France le 27 février 2010 à 19h30 prévoyant un début de suivi pour quatre départements, dont la Haute-Garonne, lesquels ont alors été placés en état de " vigilance orange - vent violent ". Cet état de vigilance orange a par ailleurs également été transmis à la commune de Bagnères-de-Luchon par le service de la préfecture à 21h41, au moyen d'un message téléphonique transmis par automate d'appel. La commune n'a donc disposé des informations lui permettant d'évaluer et de mettre en oeuvre les mesures de prévention et de sécurité adaptées aux circonstances qu'après l'heure à laquelle M. D... a été accidentellement tué dans le parc des Quinconces. Par ailleurs, et quelle qu'ait pu être la puissance du vent dans la station de ski de Luchon-Superbagnères située à 1 775 mètres d'altitude, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions météorologiques constatées dans la vallée, et plus particulièrement dans la commune, au cours de l'après-midi nécessitaient, avant même la diffusion du bulletin de Météo France, la mise en oeuvre de mesures de prévention particulières. Si Mme A...soutient également que, compte tenu des spécificités météorologiques locales, le maire aurait dû souscrire un abonnement plus adapté auprès de Météo France, il ne résulte cependant pas de l'instruction que la commune de Bagnères-de-Luchon, qui est située au coeur des Pyrénées dans le département de la Haute-Garonne, serait soumise à des conditions météorologiques particulières nécessitant la mise en place de mesures de suivi climatique renforcées par rapport à celles alors proposées dans le cadre du service " Prévi-Expert ", la requérante n'établissant par ailleurs pas, ni même n'alléguant, que Météo France était alors en mesure de fournir un tel service. Enfin, la présence en centre ville d'arbres centenaires ne constitue pas, par elle-même, un danger excédant ceux contres lesquels toute personne doit normalement se prémunir, par un comportement de prudence, en cas de conditions météorologiques dégradées.

7. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il n'incombait pas au maire de la commune de Bagnères-de-Luchon de prendre, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, des mesures particulières pour attirer l'attention des passants et des promeneurs sur les risques encourus en cas de pérégrination à proximité du cèdre de l'Atlas du parc des Quinconces par temps de grand vent. Il ne lui incombait pas davantage d'adopter, avant même l'intervention du bulletin diffusé par Météo France le 27 février 2010 à 19h30, une mesure interdisant la circulation à l'intérieur de ce parc. Par suite, en s'abstenant de prendre de telles mesures, le maire de la commune de Bagnères-de-Luchon n'a pas commis de faute dans l'exercice des pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Ce faisant, il n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article L. 2212-4 du même code, les mesures d'information et d'interdiction de circulation susmentionnées ne s'analysant en tout état de cause pas comme des mesures de sureté au sens de ces dispositions. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que la commune n'aurait pas été dotée, à la date des faits en litige, d'un document d'information communale sur les risques majeurs n'a en l'espèce pas eu d'incidence sur le dommage subi par M. D... et Mme A...dès lors qu'un tel document, qui a pour objet d'identifier les risques majeurs auxquels une commune est susceptible d'être confrontée, et les mesures de sécurité qui doivent alors être appliquées, n'était pas de nature à permettre d'éviter la survenance d'un tel drame. Enfin, si Mme A...fait également valoir que le risque de tempête n'a pas été pris en compte dans le plan de prévention des risques naturels prévisibles de Bagnères-de-Luchon, en méconnaissance des dispositions de l'article 40 de la loi du 30 juillet 2003, codifié à l'article L. 125-2 du code de l'environnement, ce moyen est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre la commune dès lors que la rédaction d'un tel document relève de la seule compétence de l'Etat.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val de Marne ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bagnères-de-Luchon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que Mme A...et la CPAM du Val-de-Marne demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme A...à verser à la commune de Bagnères-de-Luchon et la société d'assurances Mutuelles à Cotisations Fixes (SMACL) les sommes qu'elles demandent au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bagnères-de-Luchon et de la société d'assurances Mutuelles à Cotisations Fixes (SMACL) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX00336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00336
Date de la décision : 19/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET LABRY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-01-19;14bx00336 ?
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