Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé, le 21 septembre 2012, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 23 juillet 2012 par laquelle le service départemental d'incendie et de secours de la Charente ne l'a pas autorisé à cumuler son activité de sapeur pompier avec une activité accessoire, de le condamner à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de cette interdiction de cumul d'activités pendant la période estivale, et de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Charente la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1202386 du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 23 juillet 2012 par laquelle le service départemental d'incendie et de secours de la Charente ne l'a pas autorisé à cumuler son activité de sapeur pompier avec une activité accessoire et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 juin 2014 et le 13 novembre 2014, le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 mai 2015 qui a annulé sa décision du 23 juillet 2012 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure de première instance, et la même somme sur le même fondement au titre de la procédure d'appel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Larroumec, président ;
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Charente.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., employé comme sapeur pompier professionnel par le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, a adressé, le 16 mars 2012, une demande de cumul d'activités sur le fondement de la loi du 13 juillet 1983 et du décret du 2 mai 2007. Une autorisation tacite d'exercer, sous le statut d'auto-entrepreneur, une activité accessoire de destruction de nids d'hyménoptères, est née le 16 avril 2012 du silence gardé par le service départemental d'incendie et de secours de la Charente. Toutefois, par une décision expresse du 23 juillet 2012, le service départemental d'incendie et de secours de la Charente ne l'a pas autorisé à cumuler son activité principale de sapeur pompier avec une activité accessoire. Par un jugement du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de M. A..., cette décision du 23 juillet 2012, et a rejeté les conclusions indemnitaires. Le service départemental d'incendie et de secours de la Charente fait appel de ce jugement et M. A...conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Charente à réparer les préjudices financier et moral résultant pour lui de l'illégalité de la décision du 23 juillet 2012.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le service départemental d'incendie et de secours de la Charente soutient que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour avoir annulé sa décision sur le fondement de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 et d'une erreur de qualification juridique pour avoir regardé la décision contestée comme une décision de retrait alors qu'il s'agit d'une décision d'abrogation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé de la décision juridictionnelle, n'affecte pas sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur l'appel principal du service départemental d'incendie et de secours de la Charente :
3. Aux termes d'une part, des dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. / (...) Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. ". Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. (...) ". L'article 6 de ce décret dispose que : " L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande./ Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois./ En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire./ L'activité accessoire ne peut être exercée qu'en dehors des heures de service de l'intéressé. ". Aux termes des dispositions de son article 8 : " L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire. ".
4. Aux termes, d'autre part, des dispositions de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. /A l'exception de celles de l'article 21, les dispositions des articles 19 à 24 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents. ". Les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 ne sont pas rendues applicables, par l'article 18 de cette même loi, aux relations entre l'administration et ses agents.
5. Pour annuler la décision contestée du 23 juillet 2012, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, pour procéder au retrait de l'autorisation tacite initiale de cumul d'activités du 16 avril 2012, n'avait pas respecté le délai de deux mois imparti par le 2° de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 qui organise le retrait des décisions implicites d'acceptation illégales, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre.
7. M. A...a présenté, le 16 mars 2012, une demande tendant à être autorisé à cumuler, à son activité principale de sapeur pompier, une activité accessoire, sous le statut d'auto-entrepreneur, consistant à détruire des nids d'hyménoptères, qui a été reçue le même jour par le service départemental d'incendie et de secours de la Charente. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le service départemental d'incendie et de secours ait invité son agent à fournir des informations complémentaires dans le cadre de l'instruction de sa demande. Aucune décision expresse de refus n'ayant été notifiée à M. A...avant l'expiration du délai d'un mois imparti par l'article 6 précité du décret du 2 mai 2007, ce dernier se trouvait titulaire d'une autorisation implicite dès le 16 avril 2012, et le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, en l'absence de toute autre disposition organisant le retrait de cette décision implicite créatrice de droits, se trouvait ainsi dessaisi de son pouvoir d'appréciation et il ne lui était plus possible de retirer cette décision, même si elle était illégale. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Charente est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision du 23 juillet 2012, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir considéré que la décision litigieuse devait s'analyser comme le retrait d'une décision implicite antérieure d'acceptation, s'est fondé sur le motif tiré du non respect du délai de deux mois imparti par le 2° de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000.
8. Toutefois, le tribunal administratif s'est également fondé sur le motif tiré de ce que le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, en l'absence d'une modification des circonstances sur le fondement desquelles l'autorisation tacite a été accordée, ne pouvait procéder à son abrogation sur le fondement de l'article 8 du décret du 2 mai 2007, qualifiant ainsi l'acte de 23 juillet 2012 décision de retrait et décision d'abrogation .
9. La décision litigieuse a mis fin à l'autorisation accordée tacitement à M. A...d'exercer une activité accessoire, sous le statut d'auto-entrepreneur, de destruction de nids d'hyménoptères, au motif que " le métier de sapeur-pompier professionnel requiert des temps de repos " au regard du régime de travail " qui nécessite de se consacrer pleinement à son activité principale ". Le service départemental d'incendie et de secours de la Charente, pour établir que la mesure d'abrogation était justifiée par la nécessité d'assurer la continuité du service, soutient que le cumul d'activités sollicité n'était pas conciliable avec les impératifs liés à la bonne santé physique des sapeurs pompiers en période estivale, où le rythme de travail augmente face au risque accru d'incendies alors que les effectifs sont réduits. Toutefois, le service départemental d'incendie et de secours, qui n'établit ni même n'allègue qu'une nouvelle organisation du travail ait été mise en place depuis l'autorisation initiale acquise le 16 avril 2012, ne saurait sérieusement soutenir, faute de toute précision étayée, que la décision litigieuse du 23 juillet 2012 y mettant fin, pour l'avenir, était justifiée par l'intérêt du service au sens des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 2 mai 2007.
10. Il résulte de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Charente n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision du 23 juillet 2012.
Sur l'appel incident de M. A...:
11. Il ressort des pièces du dossier et notamment des factures produites, que M. A...a réalisé des interventions en vue de la destruction de nids d'hyménoptères entre le 31 mai et le 12 novembre 2012 et a perçu, à ce titre, la somme totale de 1 460 euros. Ainsi, M. A...n'établit pas que la décision litigieuse mettant fin, le 23 juillet 2012, à l'autorisation tacite de cumul d'activités, l'aurait empêché d'exercer son activité accessoire d'auto-entrepreneur et qu'elle serait à l'origine d'un préjudice lié à une perte de chiffre d'affaires. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Charente à ce qu'il répare le préjudice financier invoqué ne peuvent qu'être rejetées.
12. Si M. A...demande en outre à être indemnisé du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive du refus d'autorisation de cumul d'activités, il n'étaye cette conclusion d'aucune précision et n'établit ainsi pas la réalité du préjudice invoqué.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Charente à lui verser la somme de 15 000 euros.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur ce fondement.
DECIDE
Article 1er : La requête du service départemental d'incendie et de secours de la Charente est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident et les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par M.A..., sont rejetées.
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No 14BX01755