Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 30 septembre 2014 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1405127 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2015, Mme C...E...représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans ce même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant, pour écarter son moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les ressources de son époux étaient insuffisantes ; le montant retenu pour le revenu fiscal de référence ne correspond pas aux salaires et assimilés, lesquels étaient plus importants en 2013 qu'en 2012 ; les ressources du couple supérieures à 1 190 euros par mois sont supérieures au SMIC ;
- il n'est pas établi que l'auteur de l'arrêté bénéficiait d'une délégation de signature régulière ni que le signataire initial de l'acte aurait été empêché ou absent ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son époux justifie de ressources stables et suffisantes pour la prendre en charge ;
- le préfet a commis une erreur de droit en fondant ce refus de séjour sur la circonstance que la communauté de vie avec son époux avait cessé et que M. D...avait engagé une procédure de divorce ;
- la même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France ; elle témoigne d'une forte volonté d'intégration ; elle a des chances de trouver un emploi en raison de ses compétences en pâtisserie ; elle exerçait cette profession au Brésil et l'enseignait également ; elle a d'ailleurs remporté plusieurs concours dans ce domaine ; elle a repris des formations pour exercer ce métier en France ; elle dispose d'une promesse d'embauche ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi sont dépourvues de base légale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
Il résulte des pièces du dossier que le préfet de la Dordogne a été destinataire de la procédure mais n'a pas produit d'observations en défense.
Par ordonnance du 18 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2015 à 12 heures.
Mme C...E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ladoire, premier conseiller,
- les conclusions de M. F...de la Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...E..., de nationalité brésilienne, née en 1969, est entrée sur le territoire national le 13 août 2011. A la suite de son mariage en France avec M.D..., ressortissant belge, elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " valable un an à compter du 15 mars 2013. Le 14 mars 2014, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Le préfet de la Dordogne lui a opposé, par un arrêté du 30 septembre 2014, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Mme C...E...relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Pour refuser de délivrer à Mme C...E...le titre de séjour qu'elle avait sollicité en qualité de conjoint d'un ressortissant communautaire, le préfet a relevé dans son arrêté que, d'une part, les époux D...étaient en instance de divorce et que, d'autre part, M. D...ne disposait pas de ressources suffisantes au sens de l'article L.121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Selon l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ".
4. Les dispositions combinées des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent la délivrance d'une carte de séjour à un ressortissant d'un Etat tiers en sa qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne à aucune condition de communauté de vie entre les époux. Par suite, le préfet de la Dordogne ne pouvait légalement, pour refuser à Mme C...E...la délivrance du titre de séjour qu'elle avait sollicité, se fonder sur le motif tiré de ce qu'elle était séparée de son mari et que les époux étaient en instance de divorce.
5. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Dordogne aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif erroné en droit.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C...E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2014.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au moyen d'annulation retenu, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme C...E...et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Mme C...E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision en date du 7 mai 2015. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1405127 du 3 mars 2015 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Dordogne du 30 septembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme C...E...et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à MeA..., en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...E...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...E..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Dordogne et à MeA....
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Bertrand Riou, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 novembre 2015
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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N°15BX01824