Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Solar Inox Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1200730 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de la Martinique a prononcé un non-lieu partiel et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2014, la SARL Solar Inox Martinique, représentée par son gérant en exercice par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 13 mars 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et notamment au remboursement du timbre fiscal de 35 euros.
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Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Riou,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Solar Inox Martinique, qui a pour activité la vente et l'installation de chauffe-eau solaires auprès de particuliers et de sociétés HLM, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. La société fait appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a prononcé un non-lieu partiel et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties.
Sur la régularité du jugement et le crédit de taxe imputable sur les rappels litigieux :
2. Le vérificateur a remis en cause le crédit de taxe d'un montant de 9 718 euros que la SARL Solar Inox Martinique avait imputé en report sur sa déclaration CA3 du 1er trimestre 2006 et a en conséquence refusé d'imputer ce crédit sur les rappels de taxe opérés au titre de l'année 2006. Pour s'opposer à ce report et donc à cette imputation, le vérificateur s'est fondé, d'une part, sur l'absence de déclaration de ce crédit antérieure au 1er janvier 2006, d'autre part, sur ce que, " en tout état de cause " la taxe brute résultant de la taxation de la part du chiffre d'affaires que la société avait considéré " à tort " comme exonéré en 2005, " absorberait la totalité du crédit reportable s'il devait être maintenu en l'état ". Devant le tribunal administratif, la société a fait valoir que le crédit de taxe avait bien été mentionné sur la déclaration CA3 du quatrième trimestre 2005. Dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, l'administration a " pris acte que le crédit de TVA de 9 718 euros figure bien à la ligne 27 de la déclaration CA3 du quatrième trimestre 2005 " et a demandé au tribunal " de recevoir la demande du requérant sur l'existence au dernier trimestre 2005 d'un crédit de TVA de 9 718 euros imputable sur les rappels de l'année 2006 ". En prononçant un non-lieu à statuer sur " les conclusions de la requête tendant au report de crédit de taxe d'un montant imputable sur les rappels de l'année 2006 " alors que ces conclusions n'avaient pas perdu leur objet à défaut de tout dégrèvement prononcé par l'administration, le tribunal administratif a commis une irrégularité qui entraîne son annulation en tant qu'il prononce ce non-lieu. Il y a lieu, pour la cour, d'annuler sur ce point le jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la société requérante afférente à ce crédit de taxe.
3. En admettant l'existence d'une déclaration en temps utile du report de crédit de taxe dont il s'agit et en en déduisant que la société avait droit à ce report et à son imputation sur les rappels afférents à l'année 2006, l'administration a expressément renoncé au premier motif opposé à la société et doit être regardée comme ayant abandonné le second motif par lequel elle s'opposait à ce report. Dès lors, il y a lieu d'accorder à la SARL Solar Inox Martinique la décharge des rappels et pénalités de taxe en litige dans la mesure résultant de la prise en compte d'un report de crédit de taxe sur le 1er trimestre 2006 d'un montant de 9 718 euros.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la qualification des prestations réalisées par la société :
4. Aux termes du 1 de l'article 295 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ...5°) Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion : a) les importations de matières premières et produits dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé des départements d'outre-mer ; b) les ventes et les livraisons à soi-même des produits de fabrication locale analogues à ceux dont l'importation dans les départements susvisés est exemptée en vertu des dispositions qui précèdent ". L'article 268 bis dispose : " Lorsqu'une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d'affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d'opérations les règles fixées par ces articles ". Aux termes du 1 de l'article 266 : " La base d'imposition est constituée : ... f) pour les travaux immobiliers, par le montant des marchés, mémoires ou factures ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le producteur ou l'importateur de matières premières et de produits relevant des dispositions susmentionnées de l'article 295, 1-5° qui en assure accessoirement l'installation ou le montage chez des clients ne doit en principe être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée que pour la fraction de son chiffre d'affaires qui se rapporte à la partie de son activité qui consiste dans l'exécution des travaux d'installation, mais qu'il en va autrement si l'installation de ces matières premières ou produits est au nombre des opérations qui concourent à l'édification d'un immeuble dont le prix comprend à la fois celui des matières et produits fournis et celui de leur mise en oeuvre.
5. Pour l'application des dispositions précitées, doivent être regardées comme des travaux immobiliers toutes les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment. Ces opérations peuvent consister notamment à intégrer dans la construction d'un bâtiment des matériaux, éléments ou équipements préalablement fabriqués. Il en va de même lorsqu'il s'agit non d'édifier un bâtiment nouveau mais de rénover un bâtiment ancien ou encore de le doter d'équipements complémentaires de la nature de ceux qui sont normalement réalisés lors de l'édification d'un bâtiment similaire.
6. Il résulte de l'instruction que la SARL Solar Inox Martinique livre et installe dans des bâtiments des équipements comportant notamment la pose sur les toits de panneaux photovoltaïques permettant la production d'eau chaude. L'installation de ces équipements, qu'ils soient ou non démontables et susceptibles d'être enlevés sans graves détérioration pour l'immeuble, est au nombre des opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment et constitue donc un travail immobilier dont le prix comprend, ainsi que l'a estimé à juste titre l'administration, à la fois celui des matériaux fournis et celui des travaux de pose.
7. Sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société requérante invoque le paragraphe 10 de la documentation administrative de base 3 C-3431 à jour au 30 août 1994 reprise à l'annexe de la documentation de base 3 B-271 à jour au 18 septembre 2000. Toutefois, si cette doctrine administrative précise qu'il y a travail immobilier lorsque le matériel installé ne peut s'effectuer sans de graves détériorations subies par ce matériel ou par l'immeuble qui l'abrite, il ne résulte pas de cette précision que l'administration ait admis, a contrario, que seules les installations d'équipements répondant à cette condition pourraient constituer des travaux immobiliers. La société n'est donc pas fondée à opposer cette doctrine à l'administration.
En ce qui concerne les subventions :
8. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) " et aux termes de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ".
9. En application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, il appartient à la SARL Solar Inox Martinique, régulièrement taxée d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les subventions qui lui ont été versées par la caisse générale de sécurité sociale et EDF ne permettent pas à ses clients de payer un prix inférieur au prix du marché et ne présenteraient pas dès lors, comme le soutient le service, un lien direct avec les prestations assurées par elle constituant ainsi la contrepartie d'un service rendu. Ces subventions ont été, par suite, comprises à bon droit dans la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées des articles 256 et 266 du code général des impôts. La société n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine BOI 3-A-7-06, n° 5 ou de la réponse ministérielle à M.A..., en date du 6 janvier 2004, lesquelles ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application.
En ce qui concerne les règles d'exigibilité applicables :
10. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe est exigible : c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. En cas d'escompte d'un effet de commerce, la taxe est exigible à la date du paiement de l'effet par le client. Les entrepreneurs de travaux immobiliers peuvent, dans des conditions et pour les travaux qui sont fixés par décret, opter pour le paiement de la taxe sur les livraisons. (...) " .
11. Les travaux immobiliers constituent des prestations de services en vertu du IV de l'article 256 du code général des impôts. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article 269-2 c du code général des impôts, la taxe est exigible, pour ces prestations, lors de l'encaissement du prix. Il en résulte que, dès lors que les prestations réalisées par la société sont des travaux immobiliers, ainsi qu'il a été dit, c'est à juste titre que le service des impôts a pris en compte, pour reconstituer la base imposable, les règlements enregistrés au crédit des comptes clients, les encaissements tels qu'ils résultaient du compte caisse et les subventions versées par la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique et EDF. La société, régulièrement taxée d'office, ne soutient, ni même n'allègue, que les montants correspondants seraient erronés.
En ce qui concerne la taxe déductible :
12. En vertu du 2 de l'article 271-I du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée ne devient déductible chez le client qu'à partir du moment où elle devient exigible chez le fournisseur. Le service a constaté, au vu de la comptabilité de la société, qu'au 31 décembre 2008, la société restait devoir à ses propres prestataires le prix impayé de certains services. Le service a, dès lors, remis en cause les déductions y afférentes, ce qui a entraîné un rappel de taxe. Pour contester ce rappel, la société qui, ainsi qu'il a été déjà dit, a la charge de la preuve, se borne à affirmer, sans en justifier, que les paiements correspondants auraient été effectués. En se limitant à cette allégation dénuée de toute justification, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe.
En ce qui concerne le taux réduit :
13. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget. (...) 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité. Le preneur doit conserver copie de cette attestation, ainsi que les factures ou notes émises par les entreprises ayant réalisé des travaux jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant la réalisation de ces travaux. (...) " ;
14. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la double condition, d'une part, que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article, d'autre part, que la personne qui réalise ces travaux et qui établit la facturation conserve cette attestation à l'appui de ses écritures comptables. En se bornant à invoquer une attestation rédigée le 5 novembre 2009, soit pendant les opérations de contrôle, par le chef comptable d'une société d'HLM qui se limite à indiquer que chaque commande a fait l'objet de l'attestation simplifiée requise, la société requérante ne justifie pas remplir les conditions auxquelles la loi subordonne l'application du taux réduit. Si elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation administrative du 8 mai 2007 permettant, sous certaines conditions, de conserver une unique attestation annuelle en cas d'interventions multiples pour un même client, elle n'est de toute façon pas en mesure de produire une telle attestation, celle du 5 novembre 2009 susmentionnée ne pouvant en tenir lieu.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Solar Inox Martinique est seulement fondée à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ont été assignés au titre de l'année 2006 dans la mesure correspondant à la prise en compte d'un report de crédit de taxe d'un montant de 9 718 euros.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance :
16. En vertu des dispositions du second alinéa de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, sous réserve de dispositions ou de circonstances particulières justifiant qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.
17. L'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, et en l'absence de circonstances particulières, les conclusions de la SARL Solar Inox Martinique tendant à ce que l'Etat supporte, au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme qu'elle a exposée en première instance au titre de la contribution pour l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. L'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, les conclusions de la SARL Solar Inox Martinique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique n° 1200730 du 13 mars 2014 est annulé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de la SARL Solar Inox Martinique tendant à la prise en compte d'un report de crédit de taxe de 9 718 euros.
Article 2 : Il est accordé à la SARL Solar Inox Martinique la décharge des rappels et pénalités qui lui ont été assignés au titre de l'année 2006 dans la mesure résultant de la prise en compte d'un report de crédit de taxe d'un montant de 9 718 euros.
Article 3 : Le surplus de la demande de première instance et de la requête d'appel est rejeté.
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N° 14BX01810