Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, d'une part, l'arrêté du 31 janvier 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre provisoirement au séjour dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1400937-1405522 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, Mme C..., représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 avril 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne des 31 janvier et 21 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante congolaise née le 17 août 1981, déclare être entrée en France le 4 novembre 2012, accompagnée de son fils né en 2011. Elle a présenté une demande d'asile le 21 novembre 2012. Les autorités espagnoles ont accepté de la reprendre en charge le 29 janvier 2013. Le 25 juin 2013, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile au motif que l'Espagne était responsable de l'examen de cette demande. Par un arrêté du 18 juillet 2013, le préfet a ordonné sa réadmission en Espagne. Mme C...n'a pas exécuté cette décision et a de nouveau sollicité l'asile en France le 19 décembre 2013. Par un arrêté du 31 janvier 2014, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de l'admettre provisoirement au séjour dans l'attente de l'examen de cette demande d'asile. Par une décision du 30 avril 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), saisi dans le cadre de la procédure prioritaire, a rejeté sa demande. Par un arrêté du 21 octobre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement n° 1400937-1405522 du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés des 31 janvier et 21 octobre 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme C...reproche aux premiers juges de n'avoir pas statué sur le moyen tiré des erreurs de fait commises par le préfet.
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante avait effectivement soulevé l'erreur de fait à l'encontre de la décision du 21 octobre 2014 fixant le pays de renvoi, en reprochant au préfet d'avoir indiqué, dans l'arrêté, qu'elle n'établissait pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " vu, notamment le rejet de ses demandes d'admission au bénéfice de l'asile ", alors qu'elle n'avait présenté qu'une seule demande d'admission au titre de l'asile, laquelle était toujours en cours d'instruction devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le jugement attaqué n'ayant pas répondu à ce moyen, qui n'était pourtant pas inopérant, il est entaché d'une omission à statuer. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler le jugement sur ce point, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 2014 fixant le pays de renvoi et par la voie de l'effet dévolutif sur toutes les autres conclusions de la requérante.
Sur la légalité des arrêtés :
En ce qui concerne l'arrêté du 31 janvier 2014 :
4. Aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) "
5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient MmeC..., il ne ressort pas de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne ait estimé qu'une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ne puisse être accordée qu'à titre exceptionnel, méconnaissant ainsi le droit fondamental des ressortissants étrangers à solliciter l'asile.
6. En deuxième lieu, la requérante soutient que l'arrêté contesté ne pouvait légalement se fonder sur le fait qu'elle se serait soustraite à la mesure de réadmission prononcée le 18 juillet 2013 dès lors qu'il ne s'agit pas d'un motif énuméré par l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait en outre valoir qu'en estimant que sa demande d'asile relevait d'une fraude délibérée, les premiers juges ont retenu une autre qualification que celle sur laquelle s'était fondé le préfet pour refuser son admission au séjour.
7. La décision du 31 janvier 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé l'admission au séjour de Mme C...en qualité de demandeur d'asile est notamment fondée sur le fait que l'intéressée s'est soustraite à une mesure de réadmission. Les mesures de réadmissions prévues aux articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont insérées dans le livre V de ce code, au sein du titre III relatif aux " autres mesures administratives d'éloignement. ". Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté du 18 juillet 2013 ordonnant sa réadmission en Espagne pouvait être qualifié de " mesure d'éloignement prononcée " au sens des dispositions précitées du 4° de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que Mme C..., que les autorités espagnoles avaient accepté de reprendre en charge le 29 janvier 2013, ne s'est pas présentée au vol à destination de Madrid le 23 juillet 2013, sans en avoir informé l'administration et sans même invoquer un motif qui aurait été de nature à justifier son refus d'exécuter la mesure de réadmission prononcée le 18 juillet 2013. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté attaqué a pu légalement, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se fonder sur ce qu'elle s'était soustraite à une mesure de réadmission prononcée. Si le préfet a au surplus relevé dans son arrêté que la demande d'asile formulée par Mme C...le 19 décembre 2013 avait pour objet de faire échec à une mesure d'éloignement imminente, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur le motif sus-analysé tiré du refus d'exécuter une mesure d'éloignement prononcée.
En ce qui concerne l'arrêté du 21 octobre 2014 :
S'agissant de la mesure d'éloignement :
8. Aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) ". Selon l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions et de celles de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, que l'étranger dont la demande d'asile entre dans l'un des cas mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, d'autre part, qu'un recours formé par l'intéressé contre une éventuelle décision de rejet de l'OFPRA ne présente pas un caractère suspensif.
10. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code. Il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'OFPRA fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la demande d'asile de Mme C...relevait de l'un des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement avant que la CNDA ait statué sur son recours.
11. En deuxième lieu, si la requérante se prévaut des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'a pas été porté atteinte à son droit à un recours effectif garanti par ces stipulations dès lors d'une part, que le recours qu'elle a présenté devant l'OFPRA présentait un caractère suspensif et, d'autre part, que l'intéressée a pu contester la décision de rejet qui lui a été opposée par l'OFPRA devant la CNDA et qu'elle avait la faculté de se faire représenter, devant cette instance, par un conseil ou par toute autre personne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour apprécier la réalité des risques auxquels la requérante serait susceptible d'être exposée dans son pays d'origine, le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par la décision de l'OFPRA du 30 avril 2014.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
14. D'une part, l'arrêté attaqué indique que la requérante n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " vu, notamment le rejet de ses demandes d'admission au bénéfice de l'asile ". Il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme C...a réitéré sa demande d'asile le 19 décembre 2013. Le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision susvisée ne peut dès lors qu'être écarté.
15. D'autre part, Mme C...soutient qu'elle aurait subi des persécutions en République démocratique du Congo dans la mesure où son mari aurait été soupçonné d'avoir aidé des rebelles à entrer sur le territoire congolais afin d'organiser un coup d'Etat. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a au demeurant été rejetée par l'OFPRA, puis par la CNDA le 10 décembre 2014, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques allégués. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît ni les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2014 et des décisions du 21 octobre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, et d'autre part, qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2014 fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400937-1405522 du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 21 octobre 2014 fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les conclusions de Mme C...à fin d'annulation de la décision du 21 octobre 2014 fixant le pays de renvoi sont rejetées, de même que le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
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N° 15BX01628