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10/11/2015 | FRANCE | N°13BX00341

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 10 novembre 2015, 13BX00341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique de constater que l'occupation sans titre du domaine public par la maison construite par Mme E...sur la parcelle cadastrée K n° 480, au lieu-dit Petite Poterie (Morne Aca), sur le territoire de la commune du Marin (97290), établie par procès-verbal du 30 juin 2011, constituait une contravention de grande voirie sur le domaine public maritime sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des per

sonnes publiques, de condamner Mme A...E...à l'amende maximale prévue à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique de constater que l'occupation sans titre du domaine public par la maison construite par Mme E...sur la parcelle cadastrée K n° 480, au lieu-dit Petite Poterie (Morne Aca), sur le territoire de la commune du Marin (97290), établie par procès-verbal du 30 juin 2011, constituait une contravention de grande voirie sur le domaine public maritime sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de condamner Mme A...E...à l'amende maximale prévue à l'article L. 2132-27 du même code, ainsi qu'à la remise en état des lieux concernés dans un délai approprié, sous peine d'astreinte et, à défaut d'exécution par la contrevenante, de l'autoriser à procéder d'office à cette remise en état.

Par un jugement n° 1100964 du 12 octobre 2012, ce tribunal a condamné Mme E... au paiement d'une amende de 500 euros, lui a enjoint de diligenter les travaux de remise en état du site, mettant à sa charge une astreinte de 500 euros par jour de retard à défaut de réalisation desdits travaux dans le délai de douze mois suivant la notification du jugement et, enfin, a autorisé l'administration, à l'expiration d'un délai de dix-huit mois suivant la notification du jugement et à défaut d'exécution par la contrevenante, à procéder d'office aux travaux nécessaires au frais et risques de cette dernière.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 4 février 2013, et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 2 juillet 2013 et 9 octobre 2013 et 21 septembre 2015, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 octobre 2012 ;

2°) de rejeter la demande du préfet de la région Martinique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'environnement ;

- le code de procédure pénale ;

- le code civil ;

- le code de l'expropriation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC...,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 30 juin 2011, sur la base de constatations effectuées le 17 juin 2011, à l'encontre de Mme E...au titre de la présence d'une maison, sans autorisation, sur une parcelle appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, cadastrée K n° 480, située au lieu-dit la " Petite Poterie ", à Morne Aca, sur le territoire de la commune du Marin. Saisi sur le fondement des articles L. 2132-2 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques par le préfet de la région Martinique, le tribunal administratif de la Martinique a, par jugement n° 1100964 du 12 octobre 2012, condamné Mme E..., d'une part, à payer une amende de 500 euros, d'autre part, à diligenter les travaux de remise en état des lieux dès la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de douze mois, l'administration étant autorisée, passé un délai de dix-huit mois, à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls de la contrevenante. Mme E...relève appel de ce jugement.

Sur la régularité des poursuites :

2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ". Mme E... soutient que le procès-verbal de contravention de grande voirie ne lui a été notifié que le 9 septembre 2011, soit plus de deux mois après la constatation des faits, le 17 juin 2011. Néanmoins, et outre que le délai de dix jours prévu par les dispositions précitées n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure, le délai écoulé en l'espèce entre la rédaction du procès-verbal et sa notification n'a pas mis la contrevenante dans l'ignorance durable des faits qui lui étaient reprochés, ni dans l'impossibilité de réunir les éléments utiles à sa défense. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les poursuites engagées auraient été tardives, et auraient de ce fait nuit aux droits de la défense, ne peut être accueilli.

3. Mme E...fait par ailleurs valoir que le procès-verbal la concernant ne lui a pas été notifié et que le document qui lui a été adressé est le procès-verbal qui a été établi à l'encontre de son frère, M. G.... Une telle allégation ne peut toutefois être regardée comme établie dès lors que l'intéressée s'est contentée de produire, à son soutien, le procès-verbal reçu par son frère et n'a pas répliqué aux conclusions en défense développées sur ce point par le ministre de l'écologie, lequel a expressément contesté le bien-fondé d'une telle allégation et produit le courrier de notification en date du 9 septembre 2011, adressée à Mme A...E..., ainsi que le procès-verbal, dressé à l'encontre de celle-ci, qui lui était joint.

Sur le bien-fondé de la contravention :

4. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". L'article L. 322-9 du code de l'environnement dispose que : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public. (...) ". L'article L. 322-1 du même code précise que : " I. - Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est un établissement public de l'Etat à caractère administratif qui a pour mission de mener, après avis des conseils municipaux et en partenariat avec les collectivités territoriales intéressés, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral et de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique : (...) 2° Dans les communes riveraines des mers, des océans, des étangs salés ou des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; (...) ". L'article L. 322-10-4 du même code dispose enfin que : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. Elles supportent les frais des mesures provisoires et urgentes que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a pu être amené à prendre pour faire cesser le trouble apporté au domaine public par les infractions constatées. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 18 octobre 1993, le préfet de la région Martinique a déclaré d'utilité publique l'acquisition, par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, d'un ensemble de parcelles, dont la parcelle cadastrée K n° 480, composant le site du Morne Aca, situé sur le territoire des communes du Marin et de Rivière pilote. La durée de validité de cet arrêté a été prolongée de cinq ans par un nouvel arrêté du 12 octobre 1998. Par une ordonnance du 28 mars 2000, le juge chargé de l'expropriation auprès du tribunal de grande instance de Fort-de-France a déclaré immédiatement expropriée pour cause d'utilité publique la totalité des parcelles susmentionnées, dont la propriété a donc été transférée au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Une grande partie de ces terrains, dont notamment la parcelle cadastrée K n° 480, appartenait antérieurement à la société Usine du Marin.

6. Mme E... soutient qu'à la date de l'ordonnance d'expropriation du 28 mars 2000, ses parents, M. H... et Mme F...B..., étaient propriétaires de la parcelle cadastrée K n° 480 et que, dans la mesure où ils n'ont pas été mis en cause dans la procédure d'expropriation s'y rapportant, le transfert de propriété de la parcelle au profit du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ne peut leur être opposé. Il est néanmoins constant que M. H... et Mme F...B...n'ont jamais disposé du moindre titre de propriété attaché à cette parcelle. La requérante fait toutefois valoir qu'ils en seraient devenus propriétaires par prescription acquisitive trentenaire, l'article 2261 du code civil prévoyant à cet égard que : " Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ". Dans cette perspective, elle invoque une prescription acquise au cours de l'année 1997. Toutefois, il résulte des dispositions des articles L. 12-1 et L. 12-2 du code de l'expropriation, en vigueur le 28 mars 2000, qu'une ordonnance d'expropriation a pour effet immédiat, dès la date à laquelle elle est rendue, de transférer la propriété du bien exproprié à l'autorité expropriante, et d'éteindre tout droit tant réel que personnel existant sur ce bien, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que les propriétaires intéressés n'auraient pas tous été mis en cause au cours de la procédure d'expropriation. En l'espèce, l'ordonnance du 28 mars 2000 du juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Fort-de-France a transféré la propriété de la parcelle cadastrée K n° 480 au Conservatoire du littoral. Par suite, et quand bien même les parents de Mme E... auraient été titulaires de droits réels sur cette parcelle, l'intervention de cette ordonnance les a éteints. Le moyen ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

7. Il ressort par ailleurs des dispositions précitées de l'article L. 322-9 du code de l'environnement que le domaine propre du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1, relève du domaine public. Comme il a été dit, l'expropriation, au profit du conservatoire, de la parcelle cadastrée K n° 480 s'inscrivait dans le cadre d'un vaste projet de protection d'espaces naturels, déclaré d'utilité publique par un arrêté du préfet du 18 octobre 1993, portant sur l'acquisition, par cet établissement, du site de Morne Aca. Dans la mesure où un tel projet relève de la mission confiée par la loi au Conservatoire, les terrains acquis pour sa réalisation, et notamment la parcelle cadastrée K n° 480, ont vocation à s'intégrer dans le domaine propre de celui-ci et sont, par voie de conséquence, inclus dans le domaine public. Or, il est constant que Mme E...n'est titulaire d'aucune autorisation délivrée au titre de la législation relative au domaine public, seule de nature à lui permettre d'occuper la parcelle cadastrée K n° 480. La circonstance qu'elle a construit sa maison avant l'acquisition de cette parcelle par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et donc à une date où celle-ci n'était pas encore incorporée dans le domaine public, n'est pas de nature à l'exonérer de l'obligation de détenir une telle autorisation depuis cette incorporation. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les faits constatés par le procès-verbal en date du 30 juin 2011, qualifiés dans celui-ci d'" occupation sans titre du domaine public du conservatoire du littoral (CELRL) " et d'" atteinte à l'intégrité du DP du CELRL ", seraient entachés d'inexactitude matérielle. Ces faits constituent la contravention de grande voirie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement et justifient donc la poursuite engagée à l'encontre de l'intéressée, sans qu'il en résulte une quelconque méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. A cet égard, et alors même que ce texte n'est pas expressément mentionné dans le procès-verbal du 30 juin 2011, qui ne cite que les articles L. 2132-2, L. 2132-3 et L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi que les articles L. 774-1 à L. 774-8 du code de justice administrative, il appartient aux juges du fond de rechercher, même d'office, si les faits qu'il expose constituent une contravention à d'autres dispositions que celles qui y étaient expressément mentionnées. Enfin, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que sa maison aurait été légalement édifiée sur la parcelle cadastrée K n° 480 dès lors que, comme cela ressort de l'arrêt rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Fort-de-France en date du 2 octobre 2003, elle est située dans un zone naturelle classée inconstructible par le plan d'occupation des sols de la commune, et a été réalisée sans l'autorisation de la société Usine du Marin, alors propriétaire du terrain, et sans permis de construire, en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables.

Sur l'action publique :

8. Aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; (...) ". L'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques dispose par ailleurs que : " Les contraventions définies par les textes mentionnés à l'article L. 2132-2, qui sanctionnent les occupants sans titre d'une dépendance du domaine public, se commettent chaque journée et peuvent donner lieu au prononcé d'une amende pour chaque jour où l'occupation est constatée, lorsque cette occupation sans titre compromet l'accès à cette dépendance, son exploitation ou sa sécurité ". Ces dernières dispositions font obstacle, tant que se poursuit l'occupation sans titre de la dépendance du domaine public, à la prescription de l'action publique. En conséquence, et alors même que Mme E... a édifié la construction en litige avant l'incorporation de la parcelle K n° 480 dans le domaine public, le maintien sans autorisation d'une telle construction sur cette parcelle, et donc la persistance de l'occupation du domaine public en résultant à la date de la constatation des faits ayant fondé la contravention de grande voirie prise à son encontre, permettaient au préfet de faire constater à tout moment une telle contravention.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique l'a condamnée pour contravention de grande voirie.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mme E... demande au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 13BX00341 est rejetée.

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N° 13BX00341 - 2 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00341
Date de la décision : 10/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MANVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-11-10;13bx00341 ?
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