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26/10/2015 | FRANCE | N°15BX01585

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 26 octobre 2015, 15BX01585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé le 19 novembre 2014 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge

de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des disp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé le 19 novembre 2014 au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1405551 du 10 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2015, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2014 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., né le 26 décembre 1984 et de nationalité arménienne, a déclaré être entré en France le 21 septembre 2007 et a sollicité l'asile. Il a vu sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile rejetée par une décision du 20 mai 2009 du préfet de la Haute-Garonne, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement du 6 octobre 2009. M. C...a alors demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'est vu délivrer des autorisations provisoire de séjour, puis des titres de séjour en qualité d'étranger malade jusqu'au 8 mars 2014. Le préfet de la Haute-Garonne a cependant refusé de lui renouveler son titre de séjour en prenant, le 31 octobre 2014, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, et fixation du pays de renvoi. M. C...fait appel du jugement du 10 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). ". L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. ".

3. M. C...soutient que le préfet de la Haute-Garonne ne cite pas les sources sur lesquelles lui-même et le médecin de l'agence régionale de santé se sont fondés pour estimer que les soins appropriés à son état de santé sont disponibles dans son pays d'origine. Toutefois, ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code n'exigent du préfet de préciser sur quelles sources il s'est fondé pour déterminer la disponibilité ou l'indisponibilité du traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger sollicitant la délivrance d'un titre de séjour. L'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, qui indique qu'" il existe, dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ", répond ainsi aux prescriptions fixées par l'arrêté du 9 novembre 2011 et n'est pas incomplet. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne correspondrait pas à la situation réelle de la disponibilité des soins en Arménie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre d'une pathologie psychiatrique sévère. Le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées, consulté par le préfet de la Haute-Garonne sur la demande de renouvellement de titre de séjour de M. C..., a précisé, dans son avis du 2 avril 2014, que l'état de santé de celui-ci nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe une offre de soins dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale en précisant que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant une période indéterminée. Pour contester cet avis, M. C... soutient que le traitement nécessaire à son état de santé n'est pas disponible dans son pays d'origine. Si le requérant fait valoir que l'Organisation mondiale de la santé a souligné l'insuffisance de l'offre de soins psychiatriques en Arménie, ces éléments n'apparaissent pas suffisants pour contredire l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur la possibilité pour le requérant de bénéficier de soins dans son pays d'origine. Le certificat médical établi le 19 février 2014 par un médecin spécialisé du pôle psychiatrie du centre hospitalier Gérard Marchant, qui fait état de troubles dépressifs récurrents sur état de stress post traumatique, de ce que son état nécessite la poursuite de la prise en charge médicale et psychologique, et qu' " un éventuel retour en Arménie risquerait d'entraîner une décompensation psychiatrique ", n'apporte aucune précision sur l'indisponibilité de traitement requis en Arménie. Ainsi, ni cet avis médical, ni les autres certificats médicaux produits par l'intéressé, au demeurant postérieurs à la décision contestée, ne sont de nature à démontrer que M. C...ne pourrait pas se faire soigner, ni disposer du suivi médical nécessaire en Arménie. De surcroît, la circonstance que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé serait contraire aux précédents avis émis n'est pas de nature, à elle seule, à infirmer l'avis du 2 avril 2014. Enfin, les éléments particuliers relatifs à la situation personnelle de M. C...ne peuvent être qualifiés de circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, en refusant à M. C...de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade au motif que ce dernier peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu ces dispositions ni commis d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Pour écarter les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont rappelé que s'il ressort du dossier que M. C...souffre d'une pathologie psychiatrique grave dont le défaut de traitement est susceptible d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'autorité médicale compétente a estimé néanmoins que les soins appropriés peuvent lui être dispensés en Arménie. Les premiers juges ont également relevé que si le requérant soutient que le nombre de lits en psychiatrie dans les hôpitaux arméniens est notoirement insuffisant selon les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé, ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour établir qu'il ne pourra recevoir en Arménie les soins justifiés par son état de santé ni la circonstance qu'il est dépourvu de toute attache dans son pays. En l'absence de tout élément nouveau présenté en appel à l'appui de ces moyens, auxquels les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...). ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant se serait prévalu devant le préfet de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de ces dispositions qui auraient dû être appréciées par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. Dans ces conditions, et pour les mêmes raisons que celles mentionnées plus haut au point 4, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour et la mesure d'éloignement ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

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N°15BX01585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01585
Date de la décision : 26/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-26;15bx01585 ?
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