Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 18 novembre 2010 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne autorisant son licenciement pour inaptitude médicale et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1100129 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision contestée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2014, la société ITM LAI, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 avril 2014 ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., né le 3 juillet 1950, a été embauché en 1982 en qualité de préparateur de commandes puis de cariste d'entrepôt au sein du site de Bressols (Tarn-et-Garonne) de la société Scaex Inter Midi-Pyrénées, laquelle a ensuite été reprise par la société ITM LAI (Logistique alimentaire international). Il était délégué syndical jusqu'au 6 juillet 2010 et détenait un mandat de membre élu suppléant du comité d'établissement de la base de Bressols. Le 15 octobre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de Tarn-et-Garonne a qualifié l'affection dont était atteint M. B... de maladie professionnelle. A la suite de deux visites médicales les 30 août 2010 et 21 septembre 2010, le médecin du travail a reconnu l'intéressé inapte " à tout poste comportant des manutentions lourdes et/ou fréquentes ", mais apte à " un poste sans manutentions ni élévations fréquentes des épaules ". Par une décision du 18 novembre 2010, l'inspectrice du travail de la première section de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne a autorisé son licenciement pour inaptitude médicale. La société ITM LAI a alors notifié son licenciement pour inaptitude professionnelle à M. B...par courrier du 30 novembre 2010. La société ITM LAI fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 avril 2014 qui a, à la demande de M.B..., annulé la décision d'autorisation de licenciement du 18 novembre 2010.
Sur la régularité du jugement :
2. Par le point 5 de leur jugement, les premiers juges ont relevé que la société ITM LAI était, avec la société ITM LEMI, une des deux filiales de la société ITM Entreprises SA, approvisionnant les enseignes du groupement " Les Mousquetaires " et que la société ITM LAI devait ainsi être regardée comme faisant partie d'un groupe dont l'organisation permettait la permutation de tout ou partie du personnel. Ils en ont déduit qu'eu égard à l'existence dans ce groupe dirigé par la société ITM Entreprises SA d'une société oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société ITM LAI, en ne portant pas un examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans la société ITM LEMI, l'employeur de M. B...ne pouvait être regardé comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement. Dans ces conditions, les premiers juges ont suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles, selon eux, la société ITM LAI devait être regardée comme faisant partie d'un groupe et n'avait ainsi pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier en raison de son insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ". Aux termes de l'article L. 1226-12 du même code : " Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. / S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. ".
4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, au sein du groupe auquel appartient cette dernière.
5. La décision litigieuse du 18 novembre 2010 précise que " l'employeur a cherché à reclasser le salarié dans un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise et des autres établissements du groupement ". L'administration et l'employeur précisent, dans leurs écritures, que les recherches de reclassement ont uniquement porté sur les établissements de la seule société ITM LAI. Cette société fait valoir que " Les Mousquetaires " ne constitue pas un groupe, mais seulement un groupement désignant " l'ensemble des enseignes (...) qui fonctionnent sur la base d'un socle de valeurs communes et met en commun des moyens et mécanismes coopératifs déployés au niveau national ", et que d'ailleurs, les entreprises dudit groupement n'ont pas d'activité identique ou similaire, ne sont pas soumises à une gestion ou direction commune, ont des lieux d'exploitation éloignés et qu'il en va également ainsi des sociétés ITM LAI et ITM LEMI, ce qui empêche la permutabilité de leurs personnels. Il ressort cependant des pièces du dossier que la société ITM Entreprises a été créée en 1972 en tant que filiale logistique de la société civile des Mousquetaires (SCM) afin de pourvoir à l'approvisionnement des enseignes de grande distribution détenues par cette dernière, notamment des grandes surfaces alimentaires et des enseignes de bricolage, le capital d'ITM Entreprises étant détenu par la SCM. La filiale française d'ITM Entreprises, ITM France SA, a été scindée en 2010 entre une filiale spécialisée dans la logistique des produits alimentaires, ITM LAI (logistique alimentaire international) et une filiale spécialisée dans les produits non alimentaires, ITM LEMI (logistique équipement maison international), la société ITM LAI étant implantée sur 35 bases en France et la société ITM LEMI sur 3 bases, ces deux sociétés possédant également des établissements de transport. Ainsi, la société ITM LAI doit être regardée comme faisant partie du même groupe que la société ITM LEMI. Si, comme le fait valoir la société requérante, la première est chargée d'assurer exclusivement l'approvisionnement de denrées alimentaires et la seconde exclusivement de produits non alimentaires et, de ce fait, ne fournissent pas les mêmes enseignes et appliquent des conventions collectives différentes, leur activité, qui leur est commune, est fondamentalement une activité similaire de transport et de logistique en vue de l'approvisionnement de points de vente de la grande distribution. Les activités de ces sociétés offraient ainsi à l'intéressé la possibilité d'exercer des fonctions comparables, d'autant plus que le médecin du travail a, le 30 septembre 2010, estimé que son état de santé était compatible avec les postes de dispatcheur ou d'agent administratif transport. Si les trois bases d'activité de la société ITM LEMI sont situées dans la Drôme, la Charente et l'Eure-et-Loir, la circonstance que le salarié aurait affirmé qu'il n'était pas géographiquement mobile n'exonérait pas l'employeur de son obligation de recherche de reclassement dans toutes les entreprises et établissements du groupe auquel appartient sa société, susceptibles de lui permettre d'exercer des fonctions comparables, un salarié investi de fonctions représentatives ne pouvant renoncer par avance aux dispositions protectrices d'ordre public instituées en sa faveur. Au surplus, M. B...soutient sans être contredit que, alors que la société ITM LAI compte 35 établissements en France et 6 dans d'autres pays européens, seuls 24 d'entre eux ont été destinataires de demandes de reclassement, comme le montrent les 24 courriels produits par l'administration en première instance et alors en outre que la société ITM LAI affirme, dans ses écritures de première instance n'avoir effectué ses recherches de reclassement que dans un périmètre géographique limité, dès lors " que la mobilité de M. B...était réduite au Tarn-et-Garonne ". Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société ITM LAI ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement et que l'administration avait, dès lors, méconnu les dispositions précitées du code du travail en autorisant le licenciement de M.B....
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société ITM LAI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision d'autorisation de licenciement du 18 novembre 2010.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société ITM LAI sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros que demande M. B...sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société ITM LAI est rejetée.
Article 2 : La société ITM LAI versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 14BX01748