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12/10/2015 | FRANCE | N°15BX01351

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 12 octobre 2015, 15BX01351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé le 3 novembre 2014 au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juin 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixé le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa

demande dans le délai d'un mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé le 3 novembre 2014 au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juin 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixé le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai d'un mois et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1404540 du 8 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2015 et des pièces complémentaires enregistrées le 21 mai et 5 juin 2015, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 janvier 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2014 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous huitaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1794 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour contesté est entaché d'une insuffisance de motivation, dès lors que le préfet n'a pas examiné son droit au séjour au titre du travail et au titre de la vie privée et familiale, alors qu'il en avait expressément fait la demande ; cette motivation révèle un défaut d'examen de sa situation au regard des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour contesté a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, souffrant d'une syndrome anxio-dépressif post-traumatique en lien avec des événements traumatisants vécus dans son pays, il fait l'objet d'un suivi médical et d'un traitement médicamenteux depuis 2012, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité du fait du risque de décompensation psychique ; il ressort d'un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé qu'il existe au Bangladesh une carence dans l'offre de soins psychiatriques et que le budget qui y est consacré est insuffisant ;

- le refus de titre de séjour contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside en France depuis quatre ans et qu'il est intégré professionnellement ; pour les mêmes raisons, le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- le refus de titre de séjour contesté méconnaît les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est présent sur le territoire depuis quatre ans et qu'il a travaillé sous couvert d'autorisations provisoires de séjour durant l'instruction de sa demande d'asile ; il justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 4 décembre 2012 avec une société de restauration en qualité de cuisinier et du dépôt par son employeur d'une demande d'autorisation de travail le 19 février 2013 ;

- l'obligation de quitter le territoire français contestée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît son droit d'être entendu préalablement à son édiction ;

- la mesure d'éloignement contestée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation liée à la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette décision porte atteinte à son droit d'être entendu préalablement à l'édiction de cette mesure ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il encoure des risques de persécutions et d'arrestation du fait des autorités en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son engagement politique pour le Parti Nationaliste du Bangladesh ;

- la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation en tenant compte des critères légaux car il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; la circonstance qu'il se soit soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ne justifie pas cette décision d'interdiction de retour.

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2015, présenté par le préfet de la Gironde qui conclut au rejet de la requête de M.B..., en déclarant confirmer les termes de son mémoire de première instance, auquel il se réfère expressément.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 40% par une décision du 31 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Larroumec a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité bangladaise, a déclaré être entré en France le 7 juillet 2010 et a sollicité le bénéfice de l'asile le 25 juillet suivant. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 mai 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 février 2013. Le préfet de police a alors pris à son encontre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 10 juin 2013. M. B...a déposé, le 4 novembre 2013, une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. A la suite de l'avis rendu le 22 avril 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé Aquitaine, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 12 juin 2014, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement du 8 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Si le requérant soutient que la motivation du refus de séjour contesté révèlerait que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois des mentions mêmes de cette décision que le préfet de la Gironde, après avoir statué sur cette demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que l'intéressé n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application de ce même code et doit être regardé comme s'étant ainsi prononcé sur le bien-fondé sur cette demande de titre de séjour au regard des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11, 7° et L. 313-14 précités. Par suite, le moyen tiré de ce que la motivation du refus de titre de séjour révèlerait un défaut d'examen de sa situation au regard desdites dispositions doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

4. M. B...soutient que son état de santé nécessite un suivi psychiatrique régulier et un traitement médicamenteux en raison d'un état de stress post-traumatique lié à des événements traumatisants subis dans son pays d'origine, que l'absence de soins entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ces soins sont inenvisageables dans son pays. S'il se prévaut, à cet effet, de deux certificats médicaux établis le 2 juillet 2014, postérieurement à la décision contestée, et qui ne font que relayer les déclarations de l'intéressé, la réalité des événements traumatisants qu'il aurait vécu au Bangladesh ne ressort nullement des pièces du dossier et n'a été reconnue ni par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la Cour nationale du droit d'asile lors de l'examen de sa demande d'asile. S'il fait état d'un risque de décompensation psychique, le certificat rédigé par un médecin généraliste, le 11 septembre 2013, indiquant que " Son état nécessite un traitement médicamenteux de longue durée et une prise en charge médicale dont il ne peut bénéficier dans son pays d'origine, le Bangladesh et dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité " et le certificat du DrC..., du 28 février 2014, selon lequel " l'état de santé de Mr B...Ahmed nécessite une prise en charge médicale et un suivi thérapeutique au long cours dont le défaut risque de lui entrainer des conséquences graves", qui est rédigé en termes identiques à celui du 18 octobre 2013, sont insuffisamment circonstanciés et ne permettent de caractériser ni les conséquences d'exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale de sa pathologie ni l'impossibilité de recevoir un traitement approprié dans son pays d'origine. Dès lors, le refus de séjour contesté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le préfet de la Gironde n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....

5. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le contrat de travail conclu le 4 décembre 2012 à durée indéterminée et le contrat de travail conclu le 17 juillet 2014 par le requérant avec la société Descade en qualité de cuisinier aient été visés conformément à l'article L. 5221-2 du code du travail. Dans ces conditions, à défaut de production par le requérant d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions du code du travail, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une astreinte disproportionnée au regard des motifs du refus, (...) ". En vertu de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

9. A l'appui de son moyen selon lequel le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 313-14, M.B..., qui s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis 2013, se prévaut de sa présence en France depuis quatre ans et de son intégration professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'à supposer même que le secteur de la restauration connaîtrait des difficultés de recrutement, M. B...n'a travaillé que sous le couvert d'autorisations provisoires de séjour durant l'instruction de sa demande d'asile. Si le requérant soutient que le refus de séjour l'empêche de mener une vie privée et familiale normale, il ressort des déclarations de l'intéressé qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Bangladesh, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente cinq ans et où résident son épouse, ses enfants, ses parents et ses frères et soeurs. En outre, il ne démontre pas que le suivi médical nécessité par son état de santé ne pourrait être dispensé dans son pays d'origine. Ces éléments d'ordre personnel, familial et professionnel ne sont pas de nature à faire regarder comme entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation le refus du préfet de la Gironde de régulariser sa situation pour motifs exceptionnels ou considérations humanitaires, que ce soit au titre de la vie privée et familiale ou en qualité de salarié. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaîtrait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. En l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour contesté, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Le requérant soutient que la décision prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français a méconnu son droit d'être entendu et qu'il n'a pas été en mesure de présenter ses observations avant que la décision contestée soit prise. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

14. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

15. M.B..., qui avait la possibilité, pendant l'instruction de sa demande, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant son admission au séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, il ne peut utilement soutenir qu'en prenant à son encontre une mesure d'éloignement sans le mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu ne peut dès lors qu'être écarté.

16. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français: (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...). ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant se serait prévalu devant le préfet de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de ces dispositions qui auraient dû être appréciées par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. Dans ces conditions, et pour les mêmes raisons que celles mentionnées précédemment, le préfet de la Gironde a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir sa décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français.

17. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment s'agissant du refus de séjour, en prenant la décision l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la vie privée et familiale de l'intéressé et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

18. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment exposés, le moyen soulevé par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

19. Il résulte des motifs précédemment exposés aux points 13 à 15, que le moyen tiré de ce qu'en fixant le pays de renvoi, sans mettre M. B...en mesure de présenter des observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit également être écarté.

20. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

21. Les allégations de M. B...relatives aux risques de persécutions auxquels il se trouverait personnellement exposé en cas de retour au Bangladesh du fait de son engagement politique ne sont accompagnées d'aucune justification probante propre à établir la réalité et l'actualité de ces risques, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile n'ont d'ailleurs pas reconnu l'existence. En particulier, les documents dont il se prévaut pour invoquer l'existence d'éléments nouveaux qui démontreraient qu'il serait exposé personnellement à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine, et consistant en la copie du jugement d'un tribunal correctionnel de distinct du 6 mars 2013 condamnant l'intéressé à une peine d'emprisonnement de dix ans pour détention d'armes ainsi que d'un mandat d'arrêt, se rapporte à des événements sur l'existence desquels l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile se sont déjà prononcés. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en fixant le Bangladesh comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il est l'objet, le préfet de la Gironde aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

22. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

23. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

24. Si M. B...fait valoir que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères énumérés par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifie légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour. En l'espèce, ainsi que le mentionne le préfet pour fonder sa décision, si l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ne sont pas établies dès lors qu'il ne se prévaut que de quatre années de présence en France, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Bangladesh où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident son épouse, ses deux enfants, ses parents et ses frères et soeurs, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et se maintient en situation irrégulière en France depuis près d'un an. Dans ces conditions, et alors même que la présence de l'intéressé ne constituerait pas une menace à l'ordre public, le préfet, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

25. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B...au profit de son conseil, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 octobre 2015.

Le président-assesseur,

Antoine BecLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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No 15BX01351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01351
Date de la décision : 12/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-12;15bx01351 ?
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