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08/09/2015 | FRANCE | N°15BX01153

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 septembre 2015, 15BX01153


Vu la requête enregistrée le 27 mars 2015 présentée pour le département de Mayotte dont le siège est situé rue de l'Hôpital à Mamoudzou (97600) par Me Jorion ;

Le département de Mayotte demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Mayotte, à la demande de la Société coopérative des artisans taxis verts et de la société Kamardine Transport Taxi Location, a résilié le lot n° 1 du marché public à bons de commande des transports scolaires 2013-2018, conclu entre le départe

ment de Mayotte et le groupement momentané d'entreprises Matis, à l'échéance de la pér...

Vu la requête enregistrée le 27 mars 2015 présentée pour le département de Mayotte dont le siège est situé rue de l'Hôpital à Mamoudzou (97600) par Me Jorion ;

Le département de Mayotte demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Mayotte, à la demande de la Société coopérative des artisans taxis verts et de la société Kamardine Transport Taxi Location, a résilié le lot n° 1 du marché public à bons de commande des transports scolaires 2013-2018, conclu entre le département de Mayotte et le groupement momentané d'entreprises Matis, à l'échéance de la période scolaire des élèves pour l'année 2014-2015 ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la société Coopérative des artisans taxis verts et de la société Kamardine Transport Taxi Location la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que:

- la demande de sursis à exécution est recevable sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;

- la demande présentée par la société Coopérative des artisans taxis verts et la société Kamardine Transport Taxi Location était irrecevable, car elles n'avaient pas la qualité de concurrents évincés n'ayant pas déposé d'offres pour conclure le marché ; par ailleurs la SA coopérative des artisans taxis verts de Mayotte n'est pas inscrite au registre des transporteurs publics routiers de voyageurs de Mayotte et la société Kamardine Transport Taxi Location ne dispose que d'un seul véhicule, elles ne pouvaient donc pas sérieusement concourir au marché de transports publics du département ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif les dispositions de l'article 10 du code des marchés publics relatif à l'obligation d'allotissement n'ont pas été méconnues, car la décision de diviser le marché des transports publics en deux lots n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le moyen tiré de ce que les candidats ne disposaient pas des informations nécessaires à l'établissement de leur offre, contrairement à l'ancien titulaire du marché, dès lors que les documents soumis à la consultation ne contenaient pas les données kilométriques réelles à parcourir est inopérant, mal fondé en ce qu'il croit discerner une inégalité entre candidats potentiels, parce qu'il n'existe aucun écart substantiel entre kilomètres réels et kilomètres parcourus ;

- n'est pas non plus fondé le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les candidats qui tiendrait à l'absence d'information sur la valeur effective des biens à racheter ;

- ainsi, ne sont pas fondées les deux branches du moyen tenant à l'existence d'une carence et à une violation des principes fondamentaux de la commande publique ;

- en première instance, les demandeurs ont soutenu à tort qu'il existerait une méconnaissance de la liberté d'accès à la commande publique du fait de l'obligation de reprise des véhicules de service ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 11 juin 2015, le mémoire présenté pour la société Matis par Me Guérin-Garnier, avocat qui conclut au sursis à exécution du jugement et à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Coopérative des artisans taxis verts et de la société Kamardine Transport Taxi Location la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la demande de sursis à exécution est recevable ;

- la demande des sociétés KTTL et CATVM est irrecevable ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'article 10 du code des marchés publics n'a pas été méconnu ;

- le moyen tiré de ce que les candidats ne disposaient pas des informations nécessaires à l'établissement de leur offre, contrairement à l'ancien titulaire du marché, en méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats, n'est pas fondé ;

- l'obligation de rachat des véhicules, loin de porter atteinte au principe d'égalité d'accès à la commande publique, a au contraire favorisé cet accès ;

Vu le mémoire enregistré le 19 juin 2015 présenté pour la société Coopérative des artisans taxis verts de Mayotte et la société Kamardine Transports Taxi Location, par Me Hourcabie, avocat, qui concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du département de Mayotte la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elles font valoir que :

- par avis d'appel public à la concurrence publié au BOAMP du 1er juin 2015, le département de Mayotte a initié une procédure de passation d'un nouveau marché ayant pour objet l'exécution de prestations de service de transports scolaires sur l'ensemble du territoire de Mayotte composé de quatre lots, ce qui établit le caractère fallacieux de l'argumentation du département selon laquelle le marché ne pourrait faire l'objet d'un autre allotissement que celui consistant à distinguer les îles de Grande-Terre et de Petite-Terre; en effet, en divisant le nouveau marché en quatre lots, le département reconnaît nécessairement, d'une part, que le lot n° 1 du précédent marché, correspondant au territoire de Grande-Terre, comportait des prestations de nature différent devant faire l'objet de lots différents, d'autre part, qu'aucun des motifs énoncés à l'article 10 alinéa 2 du code des marchés publics ne justifiait le regroupement de ces prestations dans un marché global ;

- leur demande était recevable car elles ont la qualité de " concurrents évincés " au sens de la jurisprudence Tropic Travaux Signalisation ;

- à titre principal la requête tendant au sursis à exécution devra être rejetée car c'est à bon droit que le tribunal administratif a prononcé la résiliation du lot n° 1 au motif qu'il avait été passé en violation de l'article 10 du code des marchés publics en ce que, d'une part, le département a regroupé des prestations distinctes devant faire l'objet de lots séparés au sein de ce lot et d'autre part, un tel regroupement n'était pas justifié au regard des exceptions à l'allotissement ;

- à titre subsidiaire, les autres moyens invoqués en première instance justifient l'annulation du marché et le nécessaire rejet de la demande de sursis à exécution :

- en premier lieu, les sociétés exposantes, qui sont soit des artisans soit société coopérative d'artisans, démontrent que le marché attaqué a été passé en méconnaissance des dispositions des 1° et 2° de l'article 53 IV du code des marchés publics relatives au droit de préférence à l'offre présentée par un artisan ou une coopérative d'artisans, car il n'a pas défini préalablement au lancement de la procédure des prestations susceptibles d'être exécutées par des artisans ou des coopératives et le quart préférentiel dont devaient bénéficier les exposantes a été méconnu;

- en deuxième lieu, les documents de la consultation étaient insuffisamment précis car ils ne contenaient pas toutes les informations kilométriques et relatives à l'état réel et à la valeur effective des biens que les candidats devaient racheter au département, nécessaires à l'établissement et au chiffrage optimal de leur offre ;

- en troisième lieu, le marché a été passé en méconnaissance du principe de la liberté d'accès à la commande publique rappelé à l'article 1er du code des marchés publics, car le département a imposé au futur titulaire du marché une obligation de rachat des véhicules ayant appartenu au précédent attributaire pour un montant s'élevant, tous matériels confondus à 3 382 759,40 euros;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Jorion, avocat du département de Mayotte, de Me Goldfarb, avocat de la société coopérative des artisans taxis verts de Mayotte et de la société Kamardine, et les observations de Me Le Bihan, avocat de la société Matis ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 30 juin 2015, présentée pour le département de Mayotte ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 7 juillet 2015, présentée pour la société Matis ;

1. Considérant que par un jugement du 19 février 2015 le tribunal administratif de Mayotte a décidé de résilier le lot n°1 du marché public à bons de commande des transports scolaires conclu entre le département de Mayotte et le groupement momentané d'entreprises solidaires Matis-SPTS à l'échéance de l'année scolaire 2014-2015 ; que le département de Mayotte demande que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ;

3. Considérant qu'aucun des moyens invoqués par le département de Mayotte, tirés de ce que la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Coopérative des artisans taxis verts et la société Kamardine Transport Taxi Location était irrecevable et de ce que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif les dispositions de l'article 10 du code des marchés publics relatif à l'obligation d'allotissement n'ont pas été méconnues, n'est de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Coopérative des artisans taxis verts et de la société Kamardine Transport Taxi Location, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par le département de Mayotte et la société Matis et non compris dans les dépens ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du département de Mayotte la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Coopérative des artisans taxis verts de Mayotte et la société Kamardine Transport Taxi Location et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête du département de Mayotte et les conclusions de la société Matis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le département de Mayotte versera à la société Coopérative des artisans taxis verts de Mayotte et à la société Kamardine Transport Taxi Location la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de Mayotte, à la société Matis, à la société Coopérative des artisans taxis verts de Mayotte et à la société Kamardine Transport Taxi Location.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur,

M.B... A...faisant fonction de premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 septembre 2015.

Le rapporteur,

Jean-Pierre VALEINSLe président,

Didier PEANO

Le greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX01153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01153
Date de la décision : 08/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-01-02-05 Procédure. Voies de recours. Appel. Conclusions recevables en appel. Conclusions à fin de sursis.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-09-08;15bx01153 ?
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