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08/09/2015 | FRANCE | N°15BX00303

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 septembre 2015, 15BX00303


Vu la requête enregistrée le 26 janvier 2015 présentée pour M. A...B...demeurant..., par Me Huc, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401936 du 23 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2014 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2014 ;

Il soutien

t que :

- la décision de refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de ...

Vu la requête enregistrée le 26 janvier 2015 présentée pour M. A...B...demeurant..., par Me Huc, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401936 du 23 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2014 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2014 ;

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; ses enfants sont scolarisés en France et n'ont aucune attache en Albanie ; il est persécuté dans ce pays et la sécurité de ses enfants y est menacée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale au regard de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée de défaut de motivation ; le préfet se borne à évoquer le renvoi vers le pays d'origine ou tout autre pays sans préciser ledit pays ;

- cette décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a fait l'objet de nombreuses discriminations du fait de son statut de rom ainsi que de violences le 14 février 2013 et sa maison a été brûlée par un groupe d'individus non identifiés ; des réseaux locaux ont cherché à enlever sa fille à plusieurs reprises, ce qui les a poussés, avec sa famille à quitter l'Albanie ; il encourt un danger non pris en considération par le préfet, qui s'est borné à justifier sa décision par le rejet de ses recours auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le choix d'éloigner la famille B...vers l'Albanie aura de graves répercussions sur la situation des enfants et contrevient à leur intérêt supérieur ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire enregistré le 28 mai 2015, présenté par le préfet du Gers, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 19 mars 2015 accordant à M. B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de M. Didier Péano, président ;

1. Considérant que M.B..., né le 6 février 1973, de nationalité albanaise, est entré en France, selon ses déclarations, le 31 mars 2013 ; qu'il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée le 28 janvier 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 25 juillet 2014 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, le 27 août 2014, le préfet du Gers a pris à son encontre un arrêté refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement du 23 décembre 2014, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Sur la décision portant refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui." ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

3. Considérant que M. B...fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et n'ont aucune attache en Albanie, qu'il est avec sa famille persécuté dans ce pays et que la sécurité de ses enfants y est menacée ; que, toutefois, il est entré en France récemment, en mars 2013 ; qu'il ne dispose pas en France d'autres attaches familiales ou personnelles que ses enfants mineurs, son épouse et sa fille majeure qui font toutes les deux également l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du même jour ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, qu'il a quitté récemment à l'âge de quarante et un ans ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...et son épouse se trouveraient dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux en cas d'éloignement ; qu'il n'est pas allégué que leurs deux fils mineurs, scolarisés en France respectivement dans un lycée professionnel et une école primaire, ne pourraient poursuivre leurs études dans leur pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision refusant de délivrer un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de cette décision doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

7. Considérant qu'au soutien du moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de renvoi, M. B...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et que, pour critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif, il se borne à soutenir que le tribunal administratif n'aurait pas répondu à son argument tiré de l'absence de précision du pays de renvoi ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges, qui ont indiqué à juste titre, s'agissant de la précision du pays de renvoi, que la " décision, après avoir rappelé la nationalité albanaise de M.B..., énonce dans l'article 4 de son dispositif, qu'il sera reconduit dans le pays dont il a la nationalité ou dans tout autre pays dans lequel il établira être légalement admissible " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que selon l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ;

9. Considérant que la demande d'asile présentée par M. B...a été rejetée par l'OFPRA le 28 janvier 2014 et par la CNDA le 25 juillet 2014, au motif que ses déclarations ne sont étayées d'aucun élément permettant de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées ; qu'en faisant valoir devant la cour qu'il a fait l'objet de nombreuses discriminations du fait de son statut de rom, de violences le 14 février 2013 et que sa maison a été brûlée par un groupe d'individus non identifiés, que des réseaux locaux ont cherché à enlever sa fille à plusieurs reprises, ce qui les a poussés, avec sa famille à quitter l'Albanie, M. B...n'établit pas qu'il serait actuellement et personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à des risques dont l'OFPRA et la CNDA n'ont pas reconnu l'existence ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que pour fixer le pays de renvoi, le préfet se serait cru lié par l'appréciation portée par l'OFPRA et la CNDA et n'aurait pas vérifié si sa décision ne méconnaît pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se plaçant à la date de son intervention ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

10. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, en fixant le pays de renvoi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Gers.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 septembre 2015.

Le président assesseur,

Jean-Pierre VALEINSLe président,

Didier PEANO

Le greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00303
Date de la décision : 08/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HUC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-09-08;15bx00303 ?
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