Vu la requête, enregistrée le 21 août 2013, présentée pour la SCP d'architecture Atelier Andron, dont le siège est 11 place Louis Magne à Périgueux (24000), représentée par son gérant en exercice, par Me Czamanski ;
La SCP d'architecture Atelier Andron demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1102682 du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Bordeaux, qui l'a condamnée à verser à la commune de Chancelade la somme de 51 640,20 euros HT en réparation des désordres affectant les abris pour élèves des cours de récréation de l'école primaire communale ;
2°) à titre subsidiaire de réduire sa condamnation à la réparation de 70 % des désordres et de condamner la SARL InGéBat à la garantir des deux tiers de sa condamnation ;
3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la garantie des constructeurs était engagée, dès lors que les désordres étaient apparents dès la réception de l'ouvrage ;
- sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception ne saurait être non plus engagée, pour les mêmes raisons
- en tout état de cause, la responsabilité du maître de l'ouvrage, qui a imposé une importante réduction de la superficie de la toiture des abris, et du bureau d'études techniques, qui n'a pas alerté le maître de l'ouvrage, devraient venir en atténuation, à hauteur respectivement de 70 % et de 10 % de la sienne ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2014, présenté pour la commune de Chancelade, représentée par son maire en exercice, par le cabinet Noyer-Cazcarra, qui conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la mise à la charge de la SCP d'architecture Atelier Andron de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- les modifications apportées au projet initial sont, en réalité, le fait de la maîtrise d'oeuvre, qui avait mal évalué les coûts et a proposé des modifications inadéquates ;
- les abris litigieux ne remplissent pas leur fonction de protection des élèves contre les intempéries ;
- les désordres n'étaient pas apparents et ce n'est qu'à l'usage qu'ils sont apparus;
- le cabinet d'architecture a, de toute évidence, manqué à son devoir de conseil en ne recommandant pas de refuser la réception ou de l'assortir de réserves ;
Vu l'ordonnance du 4 novembre 2014 fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 9 décembre 2014 ;
Connaissance prise du mémoire, enregistré le 26 juin 2015, présenté pour la SARL InGéBat, par Me A... :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :
- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Czamanski, avocat de la SCP d'architecture Atelier Andron, les observations de Me Cazcarra, avocat de la commune de Chancelade, et les observations de Me de Lacoste Lareymondie, avocat de la SARL InGéBat ;
1. Considérant que la commune de Chancelade a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de restructuration de son école primaire à un groupement composé de la SCP d'architecture Atelier Andron et de la SARL InGéBat ; que, pour pallier l'insuffisance du préau existant, des abris, dénommés " fleurs géantes ", ont été implantés dans les cours de récréation de l'école ; que ces abris se présentent sous la forme d'auvents dont la toiture est constituée d'éléments circulaires et incurvés vers le centre, supportés par des poteaux entourant le centre, dépourvu de couverture, de ces abris ; qu'après la réception, sans réserves sur ce point, des travaux, il est apparu que, même par temps de pluie et de vent faibles, les élèves cherchant refuge sous ces abris n'étaient pas protégés de la pluie provenant tant du périmètre des abris que de leur centre ; qu'estimant la responsabilité des constructeurs engagée du fait de ces désordres, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise, puis après qu'un expert ait été désigné par ordonnance du 12 février 2010 et ait remis son rapport, elle a demandé à ce tribunal la condamnation de la SCP d'architecture Atelier Andron et de la SARL InGéBat à lui verser une indemnité correspondant au coût de la réparation de ce désordre ; que, par jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le désordre avait pour cause exclusive un défaut de conception, que ni, eu égard à sa mission, la SARL InGéBat, ni le maître de l'ouvrage, qui avait accepté la réduction de 1 600 m2 à 1 189 m2 de la superficie couverte des abris, n'avait commis de faute et que la responsabilité du seul architecte était donc engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs ; que la SCP d'architecture Atelier Andron relève appel de ce jugement, qui l'a condamnée à verser à la commune de Chancelade la somme de 51 640,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés et a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs :
2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, engagent leur responsabilité, sauf s'ils étaient apparents à la date des opérations de la réception de l'ouvrage et n'ont fait l'objet d'aucune réserve au procès-verbal de ces opérations ; que présentent un caractère apparent, même s'ils n'étaient pas visibles ou ne s'étaient pas effectivement manifestés lors des opérations de la réception, des désordres qui étaient aisément décelables ou dont l'apparition constituait une probabilité qui ne pouvait être ignorée à la date de la réception ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'ordonnance du 12 février 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, que l'inefficacité des abris dénommés " fleurs géantes " à protéger de la pluie les enfants de l'école primaire de la commune de Chancelade dans les cours de récréation de cette école et, par suite, à permettre une utilisation conforme à la destination de ces ouvrages, résulte exclusivement du vice dont était entaché leur conception, eu égard notamment au sens de la pente de leur toiture et à l'existence d'un vide en leur centre ; que le risque de réalisation des désordres résultant de l'impropriété des ouvrages à protéger leurs usagers de la pluie en raison de leurs caractéristiques particulières, découlant de leur aspect général et de leur implantation, choisis pour des raisons esthétiques par la commune, maître de l'ouvrage, ne pouvait pas être ignoré par ce dernier lors de la réception des travaux ; qu'il est constant que le procès verbal des opérations de réception de ces travaux ne comporte aucune réserve sur ce point ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à supposer même que les désordres ne devraient pas être regardés comme également imputables à l'acceptation par ce maître de l'ouvrage d'une importante réduction de la superficie de la toiture des abris par mesure d'économie, les inconvénients graves que comportaient ces ouvrages ne pouvaient être ignorés lors de leur réception ; qu'ainsi, la SCP d'architecture Atelier Andron est fondée à soutenir qu'en raison du caractère apparent des désordres, la réception sans réserve des travaux fait obstacle à ce que la condamnation des constructeurs soit prononcée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs ;
Sur la responsabilité des architectes en cas de manquement à leur devoir de conseil lors des opérations de réception :
5. Considérant que la commune de Chancelade a invoqué devant le tribunal administratif et invoque devant la cour, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil lors des opérations de réception ; qu'il y a lieu, pour la cour de statuer sur ce moyen dont elle est saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;
6. Considérant que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il appartient à la cour d'apprécier si les manquements du maître d'oeuvre à son devoir de conseil sont à l'origine des dommages dont se plaint le maître d'ouvrage ; que, dans l'hypothèse où ces manquements ne sont pas la cause des dommages ainsi allégués, la responsabilité du maître d'oeuvre au titre de son devoir de conseil ne peut être engagée ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 4, le risque de réalisation des désordres résultant de l'impropriété des ouvrages à protéger leurs usagers de la pluie, en raison des choix esthétiques ayant conduit à la détermination de leurs caractéristiques particulières, ne pouvait pas être ignoré par le maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux, même en l'absence de toute intervention de la SCP d'architecture Atelier Andron pour attirer son attention sur ce risque ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, que les seules réparations envisageables sans dénaturer l'esthétique des ouvrages et qui consisteraient à couvrir la partie centrale des abris, dénommés " fleurs géantes ", ne permettrait pas de remédier complètement aux désordres ; que, dans ces conditions, compte tenu de leur origine et de leurs effets, la circonstance que cet architecte n'a pas attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves n'est pas la cause des dommages dont la commune demande la réparation ; que cette abstention ne révèle, dès lors, aucun manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager la responsabilité de cet homme de l'art ; que, par suite, la commune de Chancelade n'est pas fondée à demander la condamnation de la SCP d'architecture Atelier Andron à lui verser une indemnité en réparation des désordres affectant ces ouvrages ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCP d'architecture Atelier Andron, dont les conclusions d'appel en garantie de la SARL InGéBat sont ainsi sans objet, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à la commune de Chancelade la somme de 51 640,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés et a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la SCP d'architecture Atelier Andron, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soit condamnée à verser à la commune de Chancelade la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner la commune de Chancelade à verser à la SCP d'architecture Atelier Andron la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La commune de Chancelade est condamné à verser la SCP d'architecture Atelier Andron la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761- du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Chancelade tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP d'architecture Atelier Andron, à la commune de Chancelade et à la SARL InGéBat.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,
M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller,
Lu en audience publique, le.8 septembre 2015.
Le rapporteur ,
Bernard LEPLATLe président,
Didier PEANO
Le greffier,
Martine GERARDS
La République mande et ordonne à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13BX02432