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08/09/2015 | FRANCE | N°13BX02233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 septembre 2015, 13BX02233


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 2 août 2013 et régularisée le 6 août 2013, présentée pour M. F...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000199 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR) à lui verser la somme de 94 513,85 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement sur son genou gauche ;

2°) de condamner le GHSR à lui ver

ser la somme de 332 713,85 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du dépô...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 2 août 2013 et régularisée le 6 août 2013, présentée pour M. F...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000199 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Saint-Denis, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR) à lui verser la somme de 94 513,85 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement sur son genou gauche ;

2°) de condamner le GHSR à lui verser la somme de 332 713,85 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de sa demande et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du GHSR la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la complication d'algodystrophie dont il a été victime n'était pas imputable à une faute médicale commise à l'occasion ou à la suite de l'intervention du 11 octobre 2006 ou à un accident médical, indemnisable au titre de la solidarité nationale ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a refusé de l'indemniser du fait du défaut d'information, alors qu'il aurait pu refuser l'intervention, qui n'était pas vitale et que cette violation d'un droit ouvre droit, par elle-même, à indemnisation ;

- ses préjudices de toute nature sont établis et doivent être réparés par les indemnités demandées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, présenté pour la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR), représentée par son directeur en exercice, par Me E..., qui conclut à la condamnation du GHSR à lui verser la somme de 151 554,75 euros au titre de ses débours définitifs, majorés des intérêts de droit et la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Elle fait valoir que, si la responsabilité du centre hospitalier était retenue, elle serait fondée à obtenir les sommes demandées, dont elle justifie ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2014, présenté pour le groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR), représenté par son directeur général en exercice, et pour la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentée par son président en exercice, par MeD..., qui concluent au rejet de la requête et des conclusions de la CGSSR;

Ils font valoir que :

- la seule apparition d'une algoneurodystrophie ne saurait impliquer une faute médicale, que le requérant n'établit pas ;

- eu égard au délai de réflexion qui lui a été donné, M. B...a été suffisamment informé, alors qu'il n'avait pas indiqué les spécificités de son état de santé l'exposant au risque d'algoneurodystrophie ;

- en tout état de cause, un défaut d'information ne lui aurait fait perdre aucune chance d'éviter le dommage qui s'est réalisé ;

- le requérant ne saurait demander, ni des sommes supérieures à celles réclamées en première instance, ni réparation de préjudices sans aucun lien avec l'intervention litigieuse ou non établis ou invoqués pour la première fois en appel, ou encore excessivement évalués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2014, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son président en exercice, par MeA..., qui conclut au rejet des conclusions de la requête tendant à sa condamnation ou, subsidiairement, à ce qu'il soit procédé à une expertise et à ce que M. B...soit condamné aux entiers dépens ;

Il fait valoir que :

- ni les conditions tenant à la gravité du dommage, ni celles tenant à son caractère anormal ne sont réunies et il ne saurait donc pas être condamné à indemniser M. B...de l'accident médical allégué ;

- dès lors qu'il n'a pas été appelé en cause en première instance et qu'il n'a pas pu disposer de l'ensemble des éléments notamment médicaux, la première expertise n'est pas suffisante et une nouvelle expertise doit être organisée ;

Vu l'ordonnance du 26 mars 2014 fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 30 mai 2014 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 mai 2014, présenté pour M. B...et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Parcheminey, avocat de M.B...;

- les observations de Me Rothé, avocat de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

- les observations de Me Cherrier, avocat de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion ;

1. Considérant que M.B..., qui souffrait de douleurs au genou de sa jambe gauche en raison d'une déformation de ce membre, a subi, le 11 octobre 2006 au groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR), une première intervention chirurgicale, puis en l'absence d'amélioration de la flexion de son genou, trois autres interventions le 29 novembre 2006, le 12 juin 2007 et le 27 juillet 2007 ; que si un gain de mobilité a été obtenu, des douleurs ont persisté et ont résisté aux thérapeutiques habituelles ; qu'une algodystrophie a été diagnostiquée ; qu'imputant celle-ci à une faute médicale, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis d'une demande d'expertise, puis après qu'un expert ait été désigné par ordonnance du 4 juin 2007 du juge des référés, il a demandé à ce tribunal la condamnation du GHSR à lui verser une indemnité de 94 513,85 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'intervention chirurgicale pratiquée dans cet établissement ; que par jugement du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) tendant au remboursement de ses débours ; que M. B...et la CGSSR relèvent appel de ce jugement ;

Sur les conclusions de M. B...et de la CGSSR dirigées contre le GHSR :

En ce qui concerne l'erreur médicale invoquée :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'ordonnance du 4 juin 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, que si la complication du syndrome algodystrophique a une genèse multifactorielle qui demeure encore peu connue, l'apparition de celle dont souffre M. B... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'intervention qu'il a subie le 11 octobre 2006 ; que les traces laissées par cette intervention sur l'articulation de M. B..., relevées dans le rapport de l'expertise, permettent seulement d'établir un lien entre l'intervention et l'algodystrophie et non l'existence d'une faute médicale ; qu'au contraire, il résulte de ce rapport que la décision de pratiquer l'intervention ainsi que les conditions dans lesquelles il y a été procédé sont conformes aux données acquises de la science médicale ; que si l'expert a indiqué que la réalisation, le 29 novembre 2006, d'une deuxième intervention était discutable en vue de l'atténuation des douleurs de l'algodystrophie, qui n'a été obtenue que par des séances de kinésithérapie et par d'autres traitements d'accompagnement, il résulte de son rapport que cette deuxième intervention, utile, ainsi que celles qui ont suivi, à l'amélioration de la flexion du genou de l'intéressé, n'est pas à l'origine de l'algodystrophie ou de son aggravation ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'aucune faute médicale imputable au GHSR n'était établie ;

En ce qui concerne le manquement au devoir d'information du patient :

3. Considérant que la chirurgie du genou présente des risques connus d'algodystrophie qui doivent être portés à la connaissance du patient ; qu'en invoquant la circonstance, qu'un délai de réflexion lui permettant de se concerter avec son médecin traitant avait été laissé à M. B...avant la réalisation de l'intervention, le GHSR n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce qu'une information, notamment sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l'intervention, lui avait été donnée conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

4. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise qu'eu égard à la gravité de l'état initial du genou gauche de M.B..., à la probabilité de l'évolution de cet état, aussi invalidante que l'algodystrophie, à défaut d'intervention chirurgicale à laquelle n'existe aucune alternative moins risquée, ainsi qu'aux bénéfices de l'opération, le défaut d'information n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce et ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, de perte de chance pour M. B...de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

6. Considérant qu'indépendamment de cette perte d'une chance, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ; que, toutefois, M.B..., qui se borne à soutenir que tout manquement à cette obligation d'information ouvre droit à l'indemnisation d'un préjudice moral, n'invoque ni un tel préjudice, ni aucun autre préjudice résultant directement de ce manquement, dont il lui aurait appartenu d'établir la réalité et l'ampleur ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité du GHSR n'était pas engagée du fait de l'algodystrophie dont il est affecté ; que, par voie de conséquence les conclusions de caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) tendant à la condamnation du GHSR à lui rembourser les dépenses exposées pour son assuré et à lui verser une somme correspondant à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ont été rejetées à bon droit par les premiers juges ;

Sur les conclusions de M. B...dirigées contre l'ONIAM :

8. Considérant que M. B...invoque, comme il peut le faire pour la première fois en appel pour demander, en l'absence même de toute faute du GHSR, la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser au titre de la solidarité nationale du préjudice subi du fait de l'algodystrophie dont il est atteint, les dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

9. Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;

10. Considérant que, d'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, eu égard à l'état initial du genou gauche de M. B...et à la probabilité de l'évolution de cet état, aussi invalidante que l'algodystrophie, à défaut d'intervention chirurgicale, l'intervention qu'il a subie n'a pas entraîné de conséquences plus graves que celles auxquelles il était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement ; que, d'autre part, il est constant qu'une algodystrophie constitue un syndrome douloureux régional complexe pouvant survenir après toute intervention chirurgicale sur les articulations, notamment celle du genou ; qu'ainsi, la survenance de ce dommage, qui constitue une complication classique des traumatismes du membre inférieur traités chirurgicalement, ne peut pas être regardée comme présentant une probabilité faible ; que, dans ces conditions, les conséquences dommageables qui résultent de l'algodystrophie dont souffre de M. B...ne peuvent pas être regardées comme anormales au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; que, par suite, cette circonstance fait à elle seule obstacle à la prise en charge de l'indemnisation des préjudices subis par l'intéressé au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'expertise complémentaire, M. B...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis du fait de son algodystrophie ;

Sur l'application de l'article L. 761- du code de justice administrative et sur les dépens :

12. Considérant dans les dispositions de cet article font obstacle à ce que le GHSR, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soient condamné à verser à M. B...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, la présente instance ne comportant pas de dépens supportés par lui, les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...et les conclusions de la CGSSR sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM relatives à la charge des dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B..., au groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR) et à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR).

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller,

Lu en audience publique le 8 septembre 2015.

Le rapporteur,

Bernard LEPLATLe président,

Didier PEANO

Le greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 13BX02233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02233
Date de la décision : 08/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET PREZIOSI CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-09-08;13bx02233 ?
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