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21/07/2015 | FRANCE | N°13BX02284

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 21 juillet 2015, 13BX02284


Vu le recours, enregistré le 6 août 2013 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 9 août suivant, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001527 du 20 juin 2013 en ce que le tribunal administratif de Poitiers a, sur demande de l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre, annulé l'article 5 de l'arrêté n° 10-934 du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 portant délimitation des zones d'alerte et définition de

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Vu le recours, enregistré le 6 août 2013 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 9 août suivant, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001527 du 20 juin 2013 en ce que le tribunal administratif de Poitiers a, sur demande de l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre, annulé l'article 5 de l'arrêté n° 10-934 du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 portant délimitation des zones d'alerte et définition des mesures de limitation ou de suspension provisoires des usages de l'eau dans le département de la Charente-Maritime entre le 15 avril et le 30 octobre 2010 en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre devant le tribunal administratif de Poitiers ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bousquet, avocat de l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre ;

1. Considérant que, par un arrêté du 15 avril 2010, le préfet de la Charente-Maritime a, pour le département, défini les zones d'alerte et les mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau, entre le 15 avril 2010 et le 3 octobre 2010 ; que saisi par l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre, le tribunal administratif de Poitiers a, par jugement du 20 juin 2013, annulé l'article 5 de cet arrêté en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'association ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie interjette appel de ce jugement en tant qu'il a annulé, pour ce qui concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde, l'article 5 de l'arrêté du 15 avril 2010 ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (...) II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-3 du même code : " I.-En complément des règles générales mentionnées à l'article L. 211-2, des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1. / II.-Ces décrets déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : / 1° Prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de l'eau, pour faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents, de sécheresse, d'inondations ou à un risque de pénurie (...). " : qu'aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " (...) / XI.-Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. / (...) " ;

3. Considérant que le schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau (SDAGE) Adour-Garonne, approuvé par arrêté du 1er décembre 2009, dispose que " les plans de crise limitant les usages de l'eau sont arrêtés et révisés par l'Etat. Leur mise en oeuvre vise à maintenir des débits les plus proches possibles des débits objectif d'étiage (DOE) et à éviter le franchissement des débits de crise (DCR) " ; que le SDAGE a défini le DOE, lequel traduit les exigences de la gestion équilibrée de l'eau visée à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, comme " le débit de référence permettant l'atteinte du bon état des eaux et au dessus duquel est satisfait l'ensemble des usages en moyenne 8 années sur 10 " et indique que, " pour tenir compte des situations d'étiage difficile et des aléas de gestion, le DOE est considéré a posteriori comme : " satisfait une année donnée " lorsque le plus faible débit moyen de 10 jours consécutifs a été maintenu au-dessus de 80 % de la valeur du DOE " ; que le SDAGE définit le débit de crise comme " le débit de référence en dessous duquel seules les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable et les besoins des milieux naturels peuvent être satisfaits. " ;

4. Considérant que le SDAGE a, pour les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de Gironde, fixé le DOE respectivement à 1 000 litres par seconde, 100 litres par seconde et - 16 mètres ; que l'article 5 de cet arrêté, qui est relatif aux seuils d'alerte et mesures de restriction en période de vigilance, précise que " sur les bassins hydrologiques définis à l'article 3, sont établies des règles de limitation provisoire des prélèvements d'eau. Celles-ci ont un caractère temporaire, limité à la période du 15 avril au 3 octobre 2010 " ; que l'article 5.1, qui définit les seuils de restriction, comporte, pour chaque bassin, plusieurs valeurs indicatives dont une valeur de " débit seuil d'alerte " (DSA) ; que, pour les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de Gironde, ce DSA a été fixé à 1 500 litres par seconde, 170 litres par seconde et -15,5 mètres ; qu'en vertu de l'article 5.2, le franchissement du DSA entraîne une réduction de 16 % de l'usage de l'eau sur le volume de référence autorisé, tandis que le franchissement du DOE, entraîne une interdiction totale de prélèvement ;

5. Considérant que les dispositions précitées du SDAGE Adour-Garonne permettent de définir le débit seuil d'alerte (DSA) comme la valeur seuil de débit, déclenchant, à l'initiative du préfet, les premières mesures de restriction pour certaines activités ; qu'ainsi, le DSA, qui est exprimé en débit moyen journalier, permet, en prémices de la gestion d'un état de crise, de définir des mesures graduées de restriction de l'usage de l'eau afin d'assurer le maintien de l'objectif fixé par le débit objectif d'étiage (DOE) ; qu'à ce titre, le préfet de la Charente-Maritime pouvait légalement fixer des débits d'alerte à des niveaux supérieurs à ceux des débits d'objectif d'étiage ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a retenu ce motif tiré de l'erreur de droit pour annuler l'article 5 de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre à l'encontre de l'article 5 de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde ;

Sur la légalité de l'article 5 de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde :

7. Considérant que si l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre soutient que l'article 5 de l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

8. Considérant que dans son mémoire enregistré le 20 avril 2015, l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre reprend les moyens déjà soulevés en première instance et tirés de l'illégalité des articles 3 et 4 de l'arrêté du 15 avril 2010 ; qu'elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'article 5 de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 15 avril 2010 en tant qu'il concerne les bassins de La Seugne, de la Seudre et des fleuves côtiers de la Gironde ; que, par voie de conséquence, les conclusions de l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1001527 du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association syndicale autorisée des irrigants de Saintonge centre devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13BX02284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02284
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-05 Eaux. Gestion de la ressource en eau.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ROCHE ET BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-07-21;13bx02284 ?
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