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16/07/2015 | FRANCE | N°15BX00834

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 16 juillet 2015, 15BX00834


Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2015, présentée pour M. E...A..., demeurant au..., par Me D...;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405945 du 12 décembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 9 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et d'autre part, de la d

écision du même jour par laquelle le préfet l'a placé en rétention administrative...

Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2015, présentée pour M. E...A..., demeurant au..., par Me D...;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405945 du 12 décembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 9 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et d'autre part, de la décision du même jour par laquelle le préfet l'a placé en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2015 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien, et non marocain comme l'indique son conseil, a déclaré être entré en France le 15 novembre 2014, en provenance d'Italie, afin de rendre visite à des proches ; qu'il a été interpellé par les services de police le 9 décembre 2014 et a été placé en centre de rétention administrative ; qu'il relève appel du jugement n° 1405945 du 12 décembre 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté du 9 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé la Tunisie comme pays de renvoi et d'autre part, de la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M.A..., en reprochant au tribunal de n'avoir pas suffisamment examiné les moyens qu'il avait invoqués et qui selon lui, démontraient l'erreur manifeste d'appréciation dont étaient entachées les décisions attaquées, critique le bien fondé du jugement et non sa régularité ; que le jugement n'étant entaché d'aucune omission à statuer ni d'une insuffisance de motivation, le moyen tiré de son irrégularité ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité des décisions :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

3. Considérant que les décisions attaquées ont été signées par Mme C...B..., chef du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne ; que cette dernière a reçu délégation de signature, par arrêté du 29 octobre 2014 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs n° 319 alors consultable sur le site internet de la préfecture, à l'effet de signer, au nom du préfet, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur de la réglementation et des libertés publiques, notamment les décisions en matière de police des étrangers ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que directeur de la réglementation et des libertés publiques n'aurait pas été absent ou empêché ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque en fait ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter sans délai le territoire :

4. Considérant en premier lieu que la mesure d'éloignement vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention d'application de l'accord de Schengen et notamment son article 22, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et en particulier son article 11, et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle rappelle la date d'entrée en France de M.A..., le fait qu'il s'y est maintenu irrégulièrement, et précise qu'il existe un risque qu'il se soustraie à son éloignement dans la mesure où l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes, alors qu'il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement qui ont dû être exécutées de manière forcée les 24 octobre 2012 et 13 mars 2013 ; qu'elle indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale dès lors que son arrivée sur le territoire national est récente, qu'il n'a pas d'attaches personnelles et familiales en France et que ses parents résident toujours dans son pays d'origine; que, dans ces conditions, cette décision qui comporte notamment, contrairement à ce que soutient le requérant, des éléments concernant sa vie privée et familiale, a suffisamment été motivée en fait et en droit ;

5. Considérant en second lieu, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une "carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;

6. Considérant que M. A...fait valoir que le préfet de la Haute-Garonne aurait dû vérifier s'il était possible de prononcer sa réadmission en Italie avant de décider son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ; qu'il ressort du procès-verbal de l'audition de M. A... par les services de police le 9 décembre 2014 que ce dernier a demandé à être éloigné vers l'Italie, pays dans lequel il a déclaré résider depuis 2011 ; que cependant, il est constant que le titre de séjour dont bénéficiait le requérant en Italie a expiré en octobre 2012 et que ce dernier ne disposait donc plus du droit de se maintenir dans ce pays ; qu'en outre, il ressort des visas de la décision attaquée que le préfet a examiné la situation du requérant au regard de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 et a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision susvisée n'aurait pas été précédée d'un examen circonstancié de la situation de M. A...doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

8. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que pour refuser d'octroyer à M. A...un délai de départ volontaire, le préfet se serait cru lié par les critères énoncés par les dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

9. Considérant qu'il est constant que M. A...ne dispose d'aucun document de voyage en cours de validité, ni d'un lieu de résidence permanente en France, l'intéressé ayant déclaré résider à Bologne (Italie) ; que de plus, il ressort des pièces du dossier que deux mesures d'éloignement ont déjà été prises à son encontre les 24 octobre 2012 et 13 mars 2013, lesquelles ont fait l'objet d'une exécution forcée ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il existait un risque que M. A...se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre et en refusant, pour ce motif, de lui accorder un délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant que l'arrêté attaqué vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays, compte tenu notamment de l'absence de demande d'asile ; que, par suite, cette décision est suffisamment motivée en fait et en droit ;

En ce qui concerne le placement en rétention administrative :

11. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant son placement en rétention administrative ;

12. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement (...) est écrite et motivée (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

13. Considérant que l'arrêté vise les articles L. 551-1 à L. 562-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en particulier l'article L. 551-1 6° sur lequel il se fonde ; qu'il rappelle que M. A...a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée le même jour, indique que l'intéressé a déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine, qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qui ont été exécutées de manière forcée et qu'il ne dispose pas de ressources licites ; que la décision mentionne également que compte tenu de ces éléments, du fait que M.A... ne dispose pas de document de voyage en cours de validité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, il n'offre pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite et lui permettant ainsi d'être assigné à résidence ; qu'elle souligne enfin que l'intéressé n'a pas allégué être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, et que compte tenu des éléments précédemment indiqués, il n'existait aucune mesure moins coercitive que le placement en rétention administrative afin de s'assurer de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cet arrêté et de l'absence d'un examen circonstancié de sa situation doivent être écartés ;

14. Considérant en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... ne dispose pas de document de voyage en cours de validité, ni d'une adresse fixe sur le territoire français ; que s'il soutient qu'il réside à Bologne, il ne l'établit pas, alors qu'il est constant que son titre lui permettant de séjourner régulièrement en Italie est expiré depuis le mois d'octobre 2012 ; que, dans ces conditions, compte des mesures d'éloignement prises à son encontre en 2012 et 2013, et alors même que M. A...a déclaré ne pas souhaiter se maintenir en France, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision prononçant son placement en rétention administrative au regard des dispositions précitées ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à l'administration de produire l'intégralité du dossier comportant les pièces sur la base desquelles ont été édictées les décisions attaquées, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 9 décembre 2014 ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

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No 15BX00834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00834
Date de la décision : 16/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-07-16;15bx00834 ?
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