Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2013, présentée pour M. A...E..., demeurant..., par Me Clerc, avocat ;
M. E... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1100881 du tribunal administratif de Limoges en date du 16 mai 2013 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à Electricité de France d'enlever la ligne et le poteau situés sur sa propriété, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
2°) à titre principal, de prononcer cette injonction ;
3°) à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise aux frais avancés par Electricité réseau distribution France ;
4°) de mettre à la charge d'Electricité de France et Electricité réseau distribution France la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'énergie ;
Vu la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, notamment son article 12 ;
Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2015 ;
- le rapport de M. Paul-André Braud, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me C...pour M. E...et celles de Me B...pour Electricité Réseau Distribution France ;
1. Considérant que M. E...est propriétaire, depuis le 2 juin 1995, d'une parcelle cadastrée section AY n° 84 située sur le territoire de la commune de Bonnac-la-Côte ; que cette parcelle est surplombée par une ligne électrique ; qu'à la suite de la tempête survenue en décembre 1999, la société Electricité de France (EDF) a été contrainte de remplacer les poteaux et pylônes servant de support à cette ligne ; que M. E...a, par un courrier en date du 26 août 2002, sollicité le déplacement d'un poteau qu'il estimait situé sur sa propriété ; que la société EDF a, par un courrier en date du 8 avril 2003, indiqué que le poteau en cause était situé à environ 2,5 mètres du bord du chemin rural et proposé une indemnité de 760 euros ; que M. E... a saisi le tribunal de grande instance de Limoges afin d'obtenir le retrait de la ligne et du poteau de sa propriété ainsi que le versement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que, par un jugement du 23 mars 2006, le tribunal de grande instance a déclaré prescrite l'action tendant au retrait de la ligne électrique surplombant sa propriété et a condamné la société EDF à procéder au retrait du poteau électrique ; que par un arrêt en date du 8 décembre 2009, la cour d'appel de Limoges s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ; que M.E..., qui s'est vu demander la restitution de l'astreinte à laquelle Electricité réseau distribution France (ERDF) avait été condamnée, a alors réitéré sa demande devant le tribunal administratif de Limoges afin que soit constatée l'emprise irrégulière de cette ligne et du poteau et que soient ordonnés le déplacement de la ligne et le retrait du poteau de sa propriété ; que M. E...relève appel du jugement n° 1100881 du tribunal administratif de Limoges du 16 mai 2013 en tant que, après avoir reconnu l'emprise irrégulière de la ligne électrique, il a rejeté le surplus de ses demandes ; qu'en soutenant que l'emprise de la ligne électrique est régulière, la société EDF et la société ERDF, qui vient aux droits d'EDF en sa qualité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité en application de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, doivent être regardées comme demandant, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il déclare irrégulière l'emprise de la ligne électrique ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. E...soutient que le tribunal n'a pas indiqué les motifs pour lesquels il estimait que le déplacement du poteau entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il ressort cependant du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'atteinte à l'intérêt général que représenterait la démolition du poteau dans la mesure où ils ont estimé qu'il était situé en dehors de la propriété de M. E...et qu'ainsi son emprise n'était pas irrégulière ; que dès lors, le défaut de motivation allégué manque en fait;
Sur l'emprise du poteau électrique n° 32 :
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3. Considérant que les premiers juges ont relevé " qu'à la demande d'EDF, M. D..., géomètre-expert, s'est rendu sur les lieux ; que M.E..., qui ne conteste pas avoir été convié à participer à cette expertise, n'était pas présent ; que dans son rapport du 25 janvier 2007, M. D...indique avoir procédé à l'analyse combinée et à la superposition d'un plan " état des lieux " de la zone en litige, d'un plan cadastral napoléonien et du plan cadastral actuel " numérisé aux normes de la Direction Générale des Impôts " ; que ce rapport conclut " que le poteau électrique objet du litige ne se situe pas dans la propriété de M. E... " ; qu'ils ont ajouté que : " que, la lettre d'EDF du 8 avril 2003 indiquant que le poteau est situé à 2,5 mètres du bord du chemin rural, dont se prévaut M. E..., est antérieure à cette expertise et ne peut suffire, à elle-seule, à établir l'emplacement réel du poteau ; " ; que les premiers juges en ont conclu " qu'à défaut pour M. E...de produire d'autres éléments de nature à constituer une contestation sérieuse des conclusions du géomètre-expert, et compte tenu des plans dressés par celui-ci et produits au débat, il y a lieu d'estimer que le poteau n'est pas implanté sur la parcelle AY n° 84 et, par suite, qu'il n'est pas constitutif d'une emprise irrégulière " ; qu'en appel M.E..., qui n'a engagé aucune démarche pour déterminer le bornage de sa propriété, se borne à se prévaloir de la lettre d'EDF du 8 avril 2003 alors que cette lettre n'établit ni même n'indique que le poteau électrique n° 32 serait situé dans sa propriété ; qu'il y a lieu, en l'absence de tout nouvel élément produit en appel, de considérer, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, que l'emprise du poteau n° 32 n'est pas irrégulière ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant au déplacement du poteau ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'emprise de la ligne électrique située en surplomb de la propriété de M. E... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, aujourd'hui codifié à l'article L. 323-4 du code de l'énergie : " La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11 (...) 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus (...) " ;
5. Considérant qu'il est constant que la ligne électrique en cause surplombe la propriété de M.E... ; que les sociétés EDF et ERDF ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que les précédents propriétaires de la parcelle ne se sont pas opposés au surplomb de leur propriété ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune convention de servitude autorisant le surplomb de la propriété de M. E...par la ligne électrique n'a été conclue avec les propriétaires successifs de la parcelle et que la société ERDF ne justifie d'aucun titre qui, en l'absence d'accord avec ces derniers, aurait été délivré à cette fin par l'autorité administrative ; qu'en vertu de l'article 650 du code civil, tout ce qui concerne les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale est déterminé par des lois ou des règlements particuliers ; que si les servitudes privées continues et apparentes instituées pour l'utilité des particuliers s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans, les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale résultant de l'article L. 323-4 du code de l'énergie excluent, pour leur acquisition, le recours aux règles régissant les servitudes instituées pour l'utilité des particuliers ; qu'il s'ensuit que les sociétés EDF et ERDF ne sont pas fondées à soutenir que le passage en surplomb de la ligne électrique constituerait une servitude visible et acceptée par M. E...lors de l'acquisition de la parcelle en 2005, ni qu'il s'agirait d'une servitude acquise par la possession de trente ans ; que ces sociétés ne justifient ainsi d'aucun titre les autorisant à instaurer une servitude portant atteinte au droit de propriété de M.E... ; que, par suite, les sociétés EDF et ERDF ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a estimé que le passage de la ligne électrique en surplomb de la parcelle appartenant à M. E...revêt le caractère d'une emprise irrégulière ;
Sur la suppression de la ligne électrique :
6. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher d'abord si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;
7. Considérant que si le passage de la ligne électrique au surplomb de la parcelle appartenant à M. E...constitue une emprise irrégulière, le maintien du tracé de la ligne est envisageable par le recours à la procédure de déclaration d'utilité publique mentionnée à l'article L. 323-4 du code de l'énergie ; que dans ces conditions les conclusions tendant à la suppression de la ligne électrique doivent être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à constater l'emprise irrégulière du poteau électrique n° 32 sur sa parcelle et à ordonner la démolition de ce poteau ainsi que la suppression de la ligne électrique surplombant cette parcelle ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mis à la charge de la société EDF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M.E..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...la somme demandée par les sociétés EDF et ERDF au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés EDF et ERDF présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 13BX01926