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30/06/2015 | FRANCE | N°13BX02000

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 30 juin 2015, 13BX02000


Vu I°) la requête sommaire, enregistrée par télécopie le 17 juillet 2013 et régularisée le 19 juillet 2013 et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 août 2013, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre Les Abymes, dont le siège est à Pointe-à-Pitre (97159 Cedex), représenté par son directeur en exercice, et par la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), dont le siège est 18 rue Edouard Rochet à Lyon (69372), représentée par son président en exercice, par Me C...;

Le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM d

emandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000740 du 30 mai 2013 du trib...

Vu I°) la requête sommaire, enregistrée par télécopie le 17 juillet 2013 et régularisée le 19 juillet 2013 et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 août 2013, présentés pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre Les Abymes, dont le siège est à Pointe-à-Pitre (97159 Cedex), représenté par son directeur en exercice, et par la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), dont le siège est 18 rue Edouard Rochet à Lyon (69372), représentée par son président en exercice, par Me C...;

Le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000740 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Basse-Terre, qui les a condamnés à verser une indemnité de 16 400 euros à M. B...A...et une somme de 20 968,27 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne ;

2°) de rejeter la demande de première instance et les conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne ;

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Vu II°) la requête, enregistrée par télécopie le 30 juillet 2013 et régularisée le 1er août 2013, présentée pour M. B...A...demeurant..., par Me Renaux, avocat ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000740 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Basse-Terre, en tant qu'il a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM à lui verser une indemnité d'un montant qu'il estime insuffisant ;

2°) de condamner cet établissement et son assureur à lui verser une indemnité de 149 303 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et de la SHAM la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code monétaire et financier

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015 :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que la requête du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre Les Abymes et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et celle de M. A... sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;

2. Considérant que M. A...a été victime, le 6 août 2008 d'un accident domestique ayant entrainé une fracture du cinquième orteil de son pied gauche, diagnostiquée grâce à la radiographie pratiquée le 21 août 2008 au service des urgences du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes où il s'était présenté une première fois le 16 août 2008 ; qu'il a alors été décidé, compte tenu de son infection et de son évolution vers la nécrose, de pratiquer une amputation de cet orteil ; que cette intervention, prévue pour le 27 août 2008, n'a pas été pratiquée au CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes mais, le 30 août 2008 à l'hôpital Henri Mondor à Créteil où M. A...avait souhaité être transporté ; qu'en raison de l'apparition d'une nécrose, une amputation du quatrième orteil a été réalisée le 8 septembre 2008, suivie, le 19 septembre 2008 d'une amputation trans-métatarsienne ; que M. A... a ensuite suivi des soins de rééducation et a subi deux nouvelles interventions de détersion-grattage en 2009 ; que, par jugement du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Basse-Terre a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM à indemniser M. A... des préjudices subis du fait des conditions dans lesquelles il a été traité dans ce centre hospitalier et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne les débours engagés pour son assuré ; que le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM, d'une part et M.A..., d'autre part, relèvent appel de ce jugement, dont la CPAM de Seine-et-Marne demande la réformation ;

Sur la responsabilité et sur la perte de chance :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : "Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute." ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Guadeloupe-Martinique, sur lequel se sont fondés les premiers juges et dont les conclusions ne sont pas remises en cause par l'avis médical produit par le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM et établi à leur demande, que le diagnostic de la fracture du cinquième orteil du pied gauche de M. A...et de son infection, qui s'était déjà propagée lors de sa première visite au service des urgences, a été établi tardivement ; que l'amputation de cet orteil a été repoussée, pour des raisons non entièrement élucidées mais exclusivement imputables à l'établissement ; qu'en outre, eu égard à l'état de santé de M.A..., atteint de diabète insulinodépendant, souffrant de problèmes vasculaires au niveau des membres inférieurs et qui avait bénéficié d'une transplantation d'un rein et du pancréas en raison de laquelle il doit suivre un traitement immunodépresseur, dont le service était informé, ce patient aurait dû faire l'objet d'une attention particulière dès son admission au service des urgences ; que le retard avec lequel il a été procédé aux examens nécessaires, puis à l'intervention chirurgicale qui s'imposait constituent, contrairement à ce que soutiennent le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM des fautes médicales de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés le 1er juillet 2009 par la commission interrégionale de conciliation et d'indemnisation que le retard mis à pratiquer l'amputation a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage consistant à devoir subir également une amputation du 4ème orteil et une amputation trans-métatarsienne, ainsi que les complications qui s'en sont suivies ; que le CHU et la SHAM n'apportent aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle ce sont les problèmes vasculaires dont souffrait déjà M. A...et non les retards constatés dans sa prise en charge au centre hospitalier de Pointe à Pitre qui ont conduit au final à l'amputation du 4ème rayon ;

6. Considérant d'autre part, que si M. A...affirme qu'il a également été privé d'une perte de chance d'éviter l'amputation de son cinquième orteil, il n'apporte aucun élément d'ordre médical de nature à contredire les conclusions des experts d'où il ressort que les retards dans sa prise en charge au centre hospitalier de Pointe à Pitre sont sans incidence sur l'amputation du 5ème orteil, qui était déjà en voie de nécrose irrémédiable le 16 août 2008, lors de la première visite aux urgences de M.A..., plusieurs jours après le début de l'infection ;

7. Considérant qu'il suit de là que les premiers juges ont, à juste titre, estimé que la réparation devant être mise à la charge de l'établissement hospitalier ne devait correspondre qu'à la fraction du préjudice résultant d'une perte de chance d'éviter le dommage qui est advenu, à savoir les amputations supplémentaires et les complications qui s'en sont suivies ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif n'aurait pas tenu compte des incidences de la négligence manifestée par M. A...en ne se rendant pas plus tôt à l'hôpital et de la circonstance qu'il ne s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier que 10 jours après l'accident domestique qui a été à l'origine de la plaie à l'orteil alors que son état nécessitait une consultation immédiate ; qu'ainsi, la fixation à 50 % de la part de la réparation devant être mise à la charge de l'établissement hospitalier et correspondant au préjudice résultant d'une perte de chance d'éviter le dommage qui est advenu, n'est ni excessive, contrairement à ce que soutient M.A..., ni insuffisante, contrairement à ce que soutiennent le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux

S'agissant des dépenses de santé :

8. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des motifs du jugement attaqué que la limitation à 50 % de la charge de la réparation par le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM des préjudices résultant de la faute médicale ne résulte pas la faute de la victime mais, ainsi qu'il vient d'être dit, de l'évaluation de la perte de chance pour celle-ci d'éviter le dommage qui est advenu ; qu'ainsi, l'unique moyen présenté par la CPAM de Seine-et-Marne à l'appui de ses conclusions tendant à ce que lui soit alloué le remboursement de la totalité de ses débours, tiré de ce que ce serait à tort que les premiers juges ont retenu une telle faute, manque en fait ;

S'agissant des pertes de revenus

9. Considérant que s'il résulte de l'instruction que M. A...n'a pu reprendre le travail qu'un mois après la consolidation de son état, le 1er juin 2009, il se borne à demander une indemnisation forfaitaire de ses pertes de gains professionnels, sans apporter davantage devant la cour que devant le tribunal administratif de justifications des ces pertes ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué ne lui a accordé aucune indemnité en réparation de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices personnels

10. Considérant que le jugement attaqué a accordé à M.A..., en réparation du préjudice résultant de son déficit fonctionnel temporaire total puis partiel, une somme dont le montant ne diffère guère de celle qu'il demande à ce titre qu'en raison de l'application du taux susmentionné de 50 %, dont il vient d'être dit qu'il n'avait pas été fixé inexactement ;

11. Considérant que M. A...n'apporte aucun élément de nature à justifier que le taux d'invalidité sur la base duquel doit être évalué son déficit fonctionnel permanent soit fixé à 35 % et non à 15 % ainsi que l'ont fait les premiers juges ; qu'il est, en revanche, fondé à soutenir qu'en lui accordant, compte tenu du taux de 50 % susmentionné, une indemnité de 8 500 euros pour l'indemnisation du préjudice en résultant, ils en ont fait une appréciation insuffisante ; qu'il sera fait une exacte évaluation du montant de cette indemnité en le fixant à la somme de 13 800 euros ;

12. Considérant que M. A...n'apporte aucun élément de nature à établir que les premiers juges auraient fait, en fixant l'indemnité destinée à les réparer à la somme de 2 000 euros compte tenu du taux de 50 %, une évaluation insuffisante de ses préjudices esthétique, qualifié de léger et d'agrément, tenant notamment à ce qu'il ne peut plus pratiquer le football ; qu'il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à justifier que les souffrances endurées soient évaluées à 6 sur une échelle de 7 et non à 4,5 ainsi que l'a fait le tribunal administratif ; que toutefois, il est fondé à soutenir que le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant de ces souffrances ne pouvait pas être limité à la somme de 4 000 euros ; qu'il sera fait une exacte évaluation du montant de cette indemnité en le fixant à la somme de 7 500 euros ;

13. Considérant, qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnité accordée à M. A...doit être porté de la somme de 16 400 euros à celle 25 200 euros, cette dernière portant intérêts, devant eux-mêmes être capitalisés, dans les conditions fixées à l'article 1er du jugement attaqué ; que, par suite, le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM ne sont fondés à demander ni l'annulation, ni la réformation de ce jugement ; que la CPAM de Seine-et-Marne n'est pas, non plus, fondée à demander cette réformation ;

Sur les conclusions à fin d'intérêts de la CPAM de Seine-et-Marne :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) " ; que le point de départ du délai de deux mois prévu par ces dispositions est la date à laquelle la décision prononçant la condamnation est notifiée à la partie condamnée ;

15. Considérant que le jugement attaqué a accordé à la CPAM de Seine-et-Marne le bénéfice des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2011 sur la somme qu'il a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM à lui verser ; qu'elle présente des conclusions tendant, non à la capitalisation de ces intérêts mais à ce que les indemnités mises à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et de la SHAM portent intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que ces intérêts soient capitalisés ; qu'il résulte des dispositions précitées du code monétaire et financier que ces conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne sont dépourvues d'objet et doivent être rejetées ;

Sur les frais de gestion de la CPAM de Seine-et-Marne :

16. Considérant les conclusions tendant à l'allocation de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, présentées par la CPAM de Seine-et-Marne, qui n'obtient le remboursement d'aucun frais dans la présente instance, doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de cet article de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM à verser à M. A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne et de l'ONIAM tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE

Article 1er : Le montant de l'indemnité que le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM sont condamnés à verser à M. A...est porté de la somme de16 400 euros à celle 25 200 euros.

Article 2 : Le jugement du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Basse-Terre est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes et la SHAM verseront à M. A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M.A..., ainsi que les conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne et les conclusions de l'ONIAM tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre Les Abymes, à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à M. B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

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No 13BX02000, 13BX02180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02000
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-30;13bx02000 ?
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