Vu la requête enregistrée le 14 juin 2013 présentée pour Mme A...C...et M. B... C...demeurant ... par la Selarl Egea ;
M. et Mme C...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000260 du 11 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis en raison des fautes commises dans la prise en charge de leur enfant à l'occasion de sa naissance le 9 juillet 1992 à hauteur d'un montant de 30 000 euros;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à leur verser la somme de 30 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2015 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Delbes, avocat du CHU de Toulouse
1. Considérant que MmeC..., après avoir été hospitalisée à huit reprises dans l'unité de grossesse pathologique du centre hospitalier universitaire de Toulouse, hôpital de La Grave, durant les mois de mars à juillet 1992, a accouché par césarienne dans cet établissement le 9 juillet 1992 ; que l'enfant née avant terme a été transférée le jour même dans un service spécialisé de l'hôpital Purpan du même centre hospitalier universitaire où elle est décédée le 12 juillet suivant ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 11 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire à les indemniser des préjudices subis en raison des fautes commises par l'hôpital dans la prise en charge de leur enfant à l'occasion de sa naissance ;
Sur l'exception de prescription opposée par le centre hospitalier :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, " les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage " ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 101 de la même loi, ces dispositions sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en matière de responsabilité médicale qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait déjà été engagée, à une décision irrévocable ; que ces dernières prescriptions n'ont toutefois pas pour effet de relever de la prescription celles des créances qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 ; que, toutefois, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances sur les collectivités publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale et que le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ;
4. Considérant que le centre hospitalier soutient que le décès de l'enfant étant survenu en 1992 à la suite de l'accouchement de MmeC..., la prescription quadriennale était acquise lorsque cette dernière a intenté en 2006 une première action contre lui ; que toutefois il n'est ni établi ni même allégué que durant les années 1992 à 2006 les époux C...auraient disposé d'indications suffisantes leur permettant d'imputer le décès de leur enfant à une faute du centre hospitalier ; que dans ces conditions l'action qu'ils auraient intentée contre le centre hospitalier en 2006 n'était pas prescrite ; que de plus l'allégation selon laquelle une action aurait été intentée contre le centre hospitalier en 2006 n'est assortie d'aucune précision et n'est appuyée sur aucun document alors que les requérants relèvent que cette année là, Mme C...a seulement pris connaissance, lors d'un nouvel accouchement, de la possibilité d'accéder au dossier médical; que cette dernière circonstance n'établit donc pas que les requérants auraient été en mesure de connaître les causes du décès de leur enfant ou de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce décès pourrait être imputable au fait du centre hospitalier ; qu'il résulte de l'instruction qu'ils ne peuvent être regardés comme ayant eu connaissance de leur créance, au plus tôt, qu'à la date du 30 mars 2009 à laquelle ils ont adressé une réclamation préalable au centre hospitalier invoquant sa responsabilité pour faute, celle-ci résultant selon eux d'un surdosage de transfusion ; que les requérants ont présenté au tribunal administratif leur demande de condamnation du centre hospitalier le 20 janvier 2010 ; qu'à cette dernière date le nouveau délai de prescription décennale n'ayant commencé à courir que le 1er janvier 2010, la créance des requérants n'était pas prescrite ; que, par suite, l'exception de prescription opposée par le centre hospitalier doit être écartée ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
5. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif que l'enfant des épouxC..., malgré un traitement de réanimation, a été victime, le 12 juillet 1992, d'un arrêt cardiorespiratoire sur bradycardie profonde ; que selon les experts, les soins donnés dans le service de pathologie néonatale ou dans l'unité de réanimation infantile après l'accouchement ont été conformes aux bonnes pratiques pour ce qui concerne l'examen d'entrée, la surveillance infirmière, la surveillance biologique, les exsanguino-transfusions, les perfusions et les autres traitements administrés, les soins après la survenue de l'arrêt cardio-respiratoire ; que, toutefois, les experts relèvent quatre défaillances du service survenues les 10 et 11 juillet 1992 : absence de données d'examen, notamment neurologiques, par un médecin ; absence de monitorage continu de la saturation en oxygène ; absence de mention de l'aggravation de l'hypo-plaquettose chez un nouveau né recevant de l'héparine et absence d'échographie transfontanellaire d'autant plus nécessaire dans un contexte de prématurité modérée et d'allo-immunisation que le taux de plaquettes de l'enfant avait baissé les 10 et 11 juillet ; que selon les experts, ces défaillances ont fait perdre à l'enfant une chance de survivre puisque, en 1992, dans les cas comme en l'espèce d'allo-immunisation Rhésus avec prématurité modérée et naissance sans détresse vitale, le taux de mortalité était très faible;
7. Considérant que les défaillances relevées ci-dessus ont constitué une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager la responsabilité de l'établissement; que toutefois elles n'on fait perdre au nouveau né qu'une chance de survivre ; qu'eu égard à l'importante probabilité que l'enfant avait de survivre si les mesures absentes avaient été prises, il y a lieu d'évaluer cette perte de chance à 90 % et de mettre à la charge du centre hospitalier la réparation de cette fraction du dommage corporel ;
Sur le préjudice des parents :
8. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par M. et Mme C...du fait du décès de leur nouveau né en les évaluant à 30 000 euros; qu'il y a ainsi lieu, compte tenu de la fraction de 90 % définie plus haut, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à leur verser la somme de 27 000 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande au motif qu'ils n'établissaient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire à leur encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante que le paiement des frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ;
11. Considérant, d'une part, que les requérants n'allèguent pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui a été allouée à Mme C...par une décision du 26 août 2013 ; que, d'autre part, l'avocat de M. et Mme C...n'a pas demandé de mettre à la charge de l'Etat le versement, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à ses clients si Mme C...n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, à charge pour lui de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; que dans ces conditions, les conclusions de M. et Mme C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeC..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse est condamné à verser à M. et Mme C... la somme de 27 000 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2013 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
''
''
''
''
5
No 13BX01620