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11/06/2015 | FRANCE | N°14BX02366

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 11 juin 2015, 14BX02366


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er août 2014, présentée pour Madame C...D...demeurant au..., par la SCP Deffieux-Garraud-Jules, avocats ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1104949 du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vernajoul à lui verser une indemnité de 20 488,41 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une chute sur la voie publique le 29 mars 2010 ;

2°) de condamner la commune de Vernajou

l à lui verser cette indemnité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ver...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er août 2014, présentée pour Madame C...D...demeurant au..., par la SCP Deffieux-Garraud-Jules, avocats ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1104949 du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vernajoul à lui verser une indemnité de 20 488,41 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'une chute sur la voie publique le 29 mars 2010 ;

2°) de condamner la commune de Vernajoul à lui verser cette indemnité ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vernajoul la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 ;

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour MmeE... ;

1. Considérant que le 29 mars 2010 vers 19h30, MmeD..., alors âgée de 64 ans, a fait une chute sur la route communale longeant la voie ferrée à Vernajoul (Ariège) ; que l'accident a entraîné pour la victime une fracture du bras gauche et une blessure plus légère au genou droit ; qu'imputant sa chute à un défaut d'entretien normal de la voie dont la commune de Vernajoul est propriétaire, Mme D...a adressé une réclamation indemnitaire au maire de Vernajoul, qui l'a implicitement rejetée ; que Mme D...relève appel du jugement n° 1104949 du 3 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vernajoul à lui verser une indemnité de 20 488, 41 euros en réparation des préjudices causés par cette chute ; que M.E..., mari de MmeD..., a repris l'instance engagée par son épouse à la suite de son décès survenu le 4 février 2015 ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

3. Considérant que M. E...fournit à l'appui de sa description des circonstances de fait de l'accident une attestation établie par M.A..., témoin direct de l'accident, dont la commune n'apporte aucun élément pour mettre la sincérité en doute ; qu'il résulte de cette attestation que le lundi 29 mars 2010, vers 19h30, après avoir quitté l'aire de stationnement du bassin du lac de Labarre avec son véhicule, et alors qu'il circulait lentement sur la route communale longeant la voie ferrée en direction de Foix, M. A...a vu Mme D...tomber lourdement, les deux bras en avant, après s'être entravée dans un trou présent sur la chaussée ; que, dès lors, M. E...a suffisamment établi que l'accident dont son épouse a été victime avait pour origine directe et certaine la présence d'une excavation sur la chaussée de la voie communale appartenant à la commune de Vernajoul ;

4. Considérant que la commune de Vernajoul fait valoir qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier réalisé à sa demande le 21 décembre 2011 que le trou en cause présente une profondeur de seulement 4,5 centimètres ; qu'il résulte cependant des photographies produites par Mme D...en première instance, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 28 novembre 2011, que ce trou a été comblé par du bitume avant que l'huissier ne procède à son constat ; que, par suite, la commune de Vernajoul ne peut utilement se prévaloir des constatations qu'elle a demandées à un huissier dix-huit mois après les faits ; que, par ailleurs, la commune soutient que le danger était suffisamment signalé en invoquant l'existence de deux panneaux portant l'inscription " chaussée déformée ", placés sous des panneaux de signalisation limitant la vitesse à 30 km/h, implantés à quelques dizaines de mètres de part et d'autre du lieu de l'accident ; que cependant, la commune n'établit pas que ces panneaux, d'un type qui convient pour mettre en garde les usagers contre les défauts répétés mais de faible importance du revêtement d'une voie, signalaient suffisamment l'existence du trou qui a causé la chute de Mme D... ; que dans ces conditions, la commune n'apporte pas la preuve que la voie publique ait été normalement entretenue ;

5. Considérant, toutefois, que la chute de Mme D...est survenue le 29 mars 2010 vers 19h30, sur une voie communale non éclairée, de sorte que la visibilité pour un piéton était nécessairement très faible ; que par suite, alors même qu'il résulte de l'instruction que cette voie était couramment utilisée par des promeneurs, Mme D...a commis une faute d'imprudence en s'y engageant à la tombée de la nuit sans prendre de précautions suffisantes ; qu'eu égard tant à la faute commise par la victime qu'au défaut d'entretien normal de la voie, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant la commune de Vernajoul à supporter les deux tiers de la réparation des conséquences dommageables de cet accident ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de son épouse, aux droits de laquelle il vient ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne les préjudices matériels subis par Mme D...:

S'agissant des dépenses de santé :

7. Considérant que M. E...justifie des dépenses de santé restées à la charge de son épouse concernant les séances de kinésithérapie, les consultations de médecins spécialistes, les soins infirmiers et les consultations de son médecin traitant ; que ces dépenses s'élèvent au montant non contesté de 64,50 euros ;

S'agissant des frais de déplacement :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D...a dû se rendre à quatre reprises au centre hospitalier du Val d'Ariège situé à Saint-Jean-de-Verges pour y recevoir des soins ; qu'elle a également dû se rendre à 85 séances de kinésithérapie dans un cabinet situé 3 bis rue de la résistance à Foix ; que la circonstance qu'aucun calcul précis des frais de déplacements engagés ne puisse être effectué ne saurait faire obstacle à l'indemnisation de ce préjudice, qui est certain ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation des frais de déplacements dont M. E...sollicite le remboursement en les évaluant à la somme de 200 euros ;

En ce qui concerne les préjudices personnels subis par MmeD... :

9. Considérant que les conclusions présentées par M. E...au titre des préjudices personnels de son épouse peuvent être regardées comme tendant à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances physiques et psychiques et du préjudice esthétique subis ;

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du certificat de constatations de blessure établi le 12 avril 2010 par le docteur Roques, chirurgien au centre hospitalier du Val d'Ariège, que Mme D...présentait une fracture à trois fragments de la diaphyse proximale de l'humérus gauche ; que cette blessure a nécessité une hospitalisation d'une durée de quatre jours et une intervention chirurgicale consistant en la pose de broches ; qu'au sein du certificat de constatations de blessures précité, le docteur Roques prévoyait, sous réserves de complications, " une incapacité temporaire totale personnelle de 5 jours " et " une incapacité temporaire de travail de 3 mois " ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 1 300 euros ;

S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :

11. Considérant que cette fracture a également contraint Mme D...à consulter des professionnels de santé à de nombreuses reprises et à réaliser plusieurs démarches administratives ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en accordant la somme de 40 euros sollicitée à ce titre;

S'agissant des souffrances endurées :

12. Considérant que le préjudice résultant des souffrances physiques et psychiques éprouvées par Mme D...à la suite de l'accident, compte tenu de la nature des lésions, des nécessités d'hospitalisation pendant quatre jours, avec intervention chirurgicale, puis de réalisation de 85 séances de kinésithérapie, doit être évalué à la somme de 1 500 euros ;

S'agissant du préjudice esthétique :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites, que les interventions chirurgicales ont laissé des cicatrices importantes sur l'épaule et le bras de MmeD... ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique qu'elle a subi en l'évaluant à la somme de 600 euros ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice de Mme D...doit être évalué à la somme globale de 3 704,5 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité opéré au point 5, il y a lieu de condamner la commune de Vernajoul à verser à M. E...la somme de 2 469,67 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la commune de Vernajoul demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Vernajoul le versement à M. E... d'une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104949 du tribunal administratif de Toulouse en date du 3 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Vernajoul est condamnée à verser à M. E...la somme de 2 469,67 euros.

Article 3 : La commune de Vernajoul versera à M. E...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 14BX02366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02366
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Usagers des ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP ASSUS-JUTTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-11;14bx02366 ?
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