Vu la requête enregistrée le 25 août 2014, présentée pour M. D...B..., demeurant..., par Me Larifou, avocat ;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400026 du 4 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2013 du préfet de La Réunion lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :
- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;
1. Considérant que, par arrêté du 16 décembre 2013, le préfet de La Réunion a rejeté la demande de M.B..., ressortissant comorien, tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; que le préfet a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. B...interjette appel du jugement du 4 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal a statué, dans les points 1, 2 et 3 de son jugement, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11, 6° du CESEDA ; qu'il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier du fait d'une omission de réponse à ce moyen ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du CESEDA : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ; qu'aux termes de l'article 321 du code civil : " Sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité " ; qu'aux termes de l'article 335 du même code en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " La filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte " ;
4. Considérant que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que, par suite, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 dudit code, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
5. Considérant qu'à la suite de la naissance de l'enfant Kayla RiamaB..., née le 21 septembre 2013 à Saint-Pierre, française par sa mère, Mme C...A..., M. B...a sollicité du préfet de La Réunion, le 15 novembre 2013, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du CESEDA, en se prévalant d'une reconnaissance de paternité anticipée, datée du 6 juin 2013 ; que le préfet de la Réunion a rejeté cette demande aux motifs, d'une part, que M. B...était entré sur le territoire de La Réunion, le 2 septembre 2012, muni d'une carte nationale d'identité usurpée au nom de Aboubacar Hamidou Omar, d'autre part, qu'il s'était maintenu irrégulièrement sur ce territoire, enfin, qu'il ressortait des circonstances propres au cas d'espèce que la reconnaissance de l'enfant Kayla Riama avait été établie dans le but de permettre la régularisation de la situation administrative de l'intéressé au plan du séjour ; que, toutefois, il est constant que M. B...et Mme A...se sont mariés religieusement en décembre 2012 et poursuivaient à la date de l'arrêté attaqué une vie commune depuis plus d'un an ; que l'acte de naissance de l'enfant Kayla Riama, établi par l'officier d'état-civil de la ville de Saint-Pierre et dont l'authenticité n'est pas contestée, mentionne M. B...comme père de l'enfant ; que Mme A...atteste de la réalité de leurs relations ; que, dans ces conditions, en l'absence d'enquête par les services de police ou de saisine du procureur de la République dans le but d'engager une action aux fins de contestation de paternité et compte tenu de ce que le préfet, qui n'a pas produit de mémoire en défense en cause d'appel, ne contredit pas utilement que M. B...et Mme A...entretenaient des relations maritales durant la période de conception présumée de l'enfant et qu'ils se fréquentaient depuis plusieurs années, les conditions d'entrée et de maintien sur le territoire français de M. B...sont insuffisantes pour faire suspecter de fraude la reconnaissance parentale du 6 juin 2013 ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B...justifiait de l'existence d'une communauté de vie avec MmeA... ; que cette dernière a attesté que M. B...était impliqué dans l'éducation de Kayla Riama et que, quand elle exerçait son activité professionnelle d'infirmière, il assumait seul la charge de cette enfant ; qu'il ressort également d'attestations circonstanciées que le requérant s'occupait habituellement de sa fille dans les évènements de la vie courante ; qu'eu égard à l'âge de l'enfant à la date de la décision attaquée, à savoir trois mois, ces éléments suffisaient à établir que le requérant contribuait à l'entretien et l'éducation de sa fille ; que, dans ces conditions, en opposant alors un refus de séjour à M.B..., le préfet de la Réunion a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du CESEDA ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, la mesure d'éloignement en litige doivent être annulés ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ;
8. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le préfet de la Réunion procède au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B...dans le délai de deux mois ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400026 du 4 juillet 2014 du tribunal administratif de Saint-Denis est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Réunion du 16 décembre 2013 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Réunion de réexaminer la demande de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
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No 14BX02529