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24/03/2015 | FRANCE | N°14BX00037

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 24 mars 2015, 14BX00037


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 8 janvier 2014, présentée pour la SA Bowling de la RN20 dont le siège social est situé 300 avenue de Paris à Montauban (82000), représentée par son représentant légal, par Me Sucau, avocat ;

La SA Bowling de la RN20 demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905736 du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y

afférentes ainsi que de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ...

Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 8 janvier 2014, présentée pour la SA Bowling de la RN20 dont le siège social est situé 300 avenue de Paris à Montauban (82000), représentée par son représentant légal, par Me Sucau, avocat ;

La SA Bowling de la RN20 demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905736 du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes ainsi que de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités relatives qui lui ont été assignés au titre de la même période ;

2°) de la décharger de l'ensemble de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2015 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA Bowling de la RN20, qui exploite un bowling, un bar et un restaurant, a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité, qui a porté sur les exercices 2004 et 2005 en matière d'impôt sur les sociétés ainsi que de contribution sur l'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2006 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et d'une seconde vérification de comptabilité concernant l'année 2006 pour ce qui est tant de l'impôt sur les sociétés que de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de chacun de ces contrôles, le vérificateur, qui a rejeté la comptabilité et a procédé à une reconstitution des recettes de l'entreprise, a notifié à cette dernière, par envois du 11 septembre 2007, dans le cadre de la procédure contradictoire, des propositions de rectification qui se sont traduites par des cotisations complémentaires d'impôt sur les sociétés pour les trois exercices vérifiés, assorties de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, un supplément d'imposition en matière de contribution sur l'impôt sur les sociétés au titre des années 2004 et 2005, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que la SA Bowling de la RN20 interjette appel du jugement du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces compléments d'imposition ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la SA Bowling de la RN20 soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les déclarations de la comptable salariée de l'entreprise, dans le cadre d'une procédure pénale, sur le mode de comptabilisation des recettes en espèces durant les années 2001 à 2004 ne dispensaient pas l'administration de rapporter la preuve du défaut de sincérité des écritures afférentes à cette catégorie de recettes au cours des exercices 2005 et 2006 ; que, toutefois, c'est seulement en ce qui concerne l'année 2004 que le tribunal administratif a indiqué que le vérificateur avait pris en considération la déposition pénale de la comptable salariée devant les services de police, pour rejeter la comptabilité ; que, par ailleurs, les premiers juges ont précisé que, pour écarter les comptes comme non probants, l'administration s'était fondée sur le caractère illisible des bandes de caisse des exercices 2004 et 2005, l'absence d'enregistrement des modes de paiement sur les bandes de caisse, empêchant le rapprochement entre les recettes enregistrées et la réalité des encaissements, l'existence d'achats revendus négatifs sur l'ensemble de la période, une confusion des caisses entre la société vérifiée et un établissement attenant, le Pub d'Aussonne pour ce qui est de l'exercice 2006, enfin, la pratique du dirigeant de compenser les éventuels déficits de caisse sur ses propres deniers ; qu'en énonçant que ces éléments justifiaient le rejet de la comptabilité, le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que les déclarations de la comptable salariée de l'entreprise ne rapportaient pas la preuve du défaut de caractère probant des comptes afférents aux années 2005 et 2006 ; que, par suite, le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ainsi que dans les cas prévus aux articles L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires... " ; que ces dispositions permettent à l'administration de comprendre dans une nouvelle vérification, même si cela déroge aux prescriptions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, une fraction de période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans les délais de reprise tels que définis par l'article L. 176 du même livre ; qu'ainsi qu'il a été dit, la SA Bowling de la RN20 a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2006 ; qu'en application des dispositions précitées, l'administration a pu régulièrement inclure la période du 1er janvier au 30 septembre 2006 dans la seconde vérification de comptabilité, qui a concerné la totalité de l'année 2006, dès lors qu'elle était comprise dans le délai de répétition applicable ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) " ; qu'en application de cet article, d'une part, le montant du chiffre d'affaires en-deçà duquel la vérification de comptabilité ne peut excéder trois mois est de 763 000 euros, d'autre part, cette limite doit être appréciée en tenant compte des rectifications apportées à bon droit par l'administration au chiffre d'affaires ;

5. Considérant que la SA Bowling de la RN20 soutient qu'à défaut de connaître la date à laquelle l'administration a pris connaissance des déclarations de la comptable salariée de l'entreprise, dans le cadre de son droit de communication, la date de début de la première vérification ne peut être déterminée ; qu'il résulte toutefois des propres écrits de la société que les opérations de contrôle ont débuté le 15 janvier 2007, pour s'achever le 21 juin 2007 ; que, si le service des impôts a été informé des déclarations de la comptable antérieurement, lesdites opérations ne peuvent être regardées comme ayant démarré à la date de cette information dès lors que le vérificateur n'a pas procédé alors à un examen critique de la comptabilité et n'a pas vérifié les déclarations de la requérante en les comparant aux écritures comptables ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la vérification aurait duré plus de trois mois au regard de la date de début des opérations de contrôle ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne les exercices 2004 et 2005, de nombreuses bandes de caisse n'étaient pas lisibles ou ne l'étaient que partiellement, comme l'a admis le dirigeant de l'entreprise dans le document de synthèse du 21 juin 2007 qu'il a signé ; qu'un certain nombre de ces bandes faisait défaut ; que, dans ces conditions, le suivi de la numérotation des tickets et des différents modes de paiement étaient impossible ; que les pièces produites ne permettaient pas de faire un rapprochement entre la réalité des encaissements et les espèces enregistrées, le montant des espèces ayant été d'ailleurs calculé quotidiennement sur le perpétuel de caisse au cours de l'exercice 2004, par la différence entre le total des recettes journalières résultant des bandes de caisse et les paiements par chèques ou cartes bancaires ; que le constat d'huissier dressé le 10 octobre 2007 à la demande de la SA Bowling de la RN20 atteste seulement que les bandes de caisse présentées à l'officier ministériel et choisies par cette dernière étaient très majoritairement lisibles et est impropre à justifier du caractère probant de la comptabilité dans son ensemble ; qu'en ce qui concerne l'exercice 2006, il résulte du " perpétuel de caisse " que les recettes en espèces étaient déterminées selon la méthode précitée ; qu'en outre, le dirigeant opérait des compensations entre les caisses de la SA Bowling de la RN20 et celle de l'établissement attenant, dénommé Pub d'Aussonne ; que les bandes de caisse de la société vérifiée révèlent d'ailleurs des ventes de produits non compris dans ses achats ; qu'enfin, l'analyse des documents comptables montrent, pour les trois exercices, des ventes supérieures aux achats ; que, si ces dernières anomalies, qui confirment le caractère approximatif de la comptabilité, représentent des montants modestes, la SA Bowling de la RN20 ne les justifient pas valablement en faisant valoir que les inventaires étaient effectués les 1er janvier ; que, dans ces conditions, l'administration a pu légalement écarter la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission " ; que les impositions en litige ayant été établies conformément à l'avis du 7 novembre 2008 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient à la SA Bowling de la RN20 de démontrer que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires suivie par l'administration était excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, ou de proposer une méthode de reconstitution plus précise ;

8. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires des exercices contrôlés, le vérificateur a déterminé une balance par article et contenant à partir des factures d'achat, puis le nombre des achats revenus pour chaque article en se fondant sur la différence entre les inventaires de début et de fin d'exercice, augmentée des achats dans la même période ; que la répartition des ventes, en pourcentage, pour chaque article selon la quantité ou le type de consommation a été faite sur la base d'une analyse d'un nombre significatif de bandes de caisse lisibles ; que le vérificateur a déduit des quantités ainsi calculées une perte de quatre centilitres par bière pression ainsi que, pour chaque exercice, un taux d'offerts aux clients, qui a été déterminé au vu des bandes de caisse ; qu'il a appliqué aux quantités vendues réparties par article ou type de consommation les prix unitaires de l'établissement ; que, si la SA Bowling de la RN20 soutient que la reconstitution ne tient pas suffisamment compte des pertes comme des offerts ou de la consommation du personnel, elle ne produit aucun élément de nature à établir le caractère erroné des estimations du vérificateur ; qu'elle ne peut sérieusement faire valoir que les taux d'offerts retenus par le vérificateur pour les trois exercices seraient incohérents au regard des modalités de fonctionnement de l'exploitation dès lors que ce dernier s'est fondé sur les enregistrements comptables disponibles ; que la circonstance que les chiffres d'affaires reconstitués pour les exercices 2004 et 2005 ne conduisent pas à un écart significatif avec les résultats que l'entreprise a déclarés ne démontre nullement que la méthode suivie par le vérificateur serait excessivement sommaire ; qu'en définitive, la SA Bowling de la RN20 ne rapporte pas la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition établies par le vérificateur ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires rectifié par l'administration pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 s'élève à la somme de 816 010 euros ; que, dès lors, la première vérification, qui a porté sur la période du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2006, n'était pas soumise à la limite de durée prévue par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette première vérification a duré plus de trois mois en violation de cet article ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant que la SA Bowling de la RN20 critique en outre la reconstitution de recettes en faisant valoir qu'elle ne repose que sur une seule méthode ; que, si elle se prévaut sur ce point de l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G-3343 n° 4, qui précise que, le cas échéant, les bases imposables du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, cette instruction ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont les contribuables puissent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ;

11. Considérant que, si la SA Bowling de la RN20 soutient qu'elle n'a pas été invitée à faire connaître à l'administration les bénéficiaires de l'excédent des revenus distribués résultant de la rectification des recettes, le vérificateur a rappelé tant dans la proposition de rectification se rapportant aux exercices 2004 et 2005 que dans celle concernant l'année 2006 que les rehaussements des chiffres d'affaires devaient être considérés comme des revenus distribués, en application de l'article 109-1 du code général des impôts et que la contribuable " dev[ait] fournir à l'administration dans un délai de 30 jours toutes les indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution en vertu de l'article 117 " de ce code ; que le vérificateur a complété cette demande en précisant qu'" en cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts " ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 117 de ce code manque en fait ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Bowling de la RN20 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la SA Bowling de la RN20 demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Bowling de la RN20 est rejetée.

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N° 14BX00037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00037
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS THIERRY SUCAU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-24;14bx00037 ?
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