Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C...;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101735 du 21 février 2013 du tribunal administratif de Cayenne, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de l'irrégularité de la décision de refus de la réintégrer dans ses fonctions après suspension de celles-ci ;
2°) de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à lui verser une indemnité de 157 104 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de la date de sa réclamation préalable et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 15 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 30 mai 2014 à 12 heures ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 2015 :
- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., a été nommée, par arrêté du 19 octobre 2005, à titre permanent dans le corps de praticiens hospitaliers et affectée au service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à compter du 6 août 2005 ; que, par décision du 20 mars 2008, le directeur du centre hospitalier, faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, a suspendu Mme B...des gardes et des astreintes et ne l'a plus autorisée à pratiquer des interventions chirurgicales à compter de cette date ; qu'il a opposé un refus implicite à la demande du 8 juin 2009, présentée par l'intéressée et tendant à sa réintégration dans la plénitude de ses fonctions ; que, par arrêt du 11 janvier 2011, la cour a annulé le jugement du 15 avril 2010, par lequel le tribunal administratif de Cayenne avait rejeté les demandes de Mme B...tendant à l'annulation de ces décisions, uniquement en tant qu'il statuait sur la décision implicite susmentionnée, et a annulé cette décision implicite, sans faire droit à la demande d'injonction de réintégration de la requérante ; que, par arrêté du 1er septembre 2010, le directeur général du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a suspendu Mme B...de ses fonctions, à titre conservatoire et dans l'intérêt du service, sur le fondement de l'article R. 6152-81 du code de la santé publique, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la procédure pour insuffisance professionnelle diligentée à son encontre ; que par jugement du 1er décembre 2012, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté la demande de Mme B...dirigée contre cette décision et la cour a rejeté, par arrêt du 18 juin 2013, l'appel formé contre ce jugement ; que Mme B...relève appel du jugement du 21 février 2013 du tribunal administratif de Cayenne, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité d'un montant de 157 104 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'irrégularité de la décision opposée à sa demande de réintégration dans ses fonctions par le directeur du centre hospitalier ;
2. Considérant que, pour annuler la décision implicite du directeur de l'hôpital rejetant la demande de réintégration de Mme B...dans la plénitude de ses fonctions, la cour a jugé, par les motifs qui sont le support nécessaire du dispositif de son arrêt du 11 janvier 2011, que les circonstances exceptionnelles justifiant la mesure prise, le 20 mars 2008, par cette autorité, n'étaient plus de nature à justifier le maintien en vigueur de cette mesure, à la date du 8 juin 2009, à laquelle Mme B...avait demandé à être rétablie dans la plénitude de ses fonctions ; que si, par son arrêt susmentionné, la cour a rejeté les conclusions de Mme B...tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'hôpital de la rétablir dans ses fonctions, c'est pour tenir compte de la décision du 1er septembre 2010, du directeur général du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière suspendant Mme B...de ses fonctions ; que, dès lors et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les retards du déroulement de la procédure engagée en vue du licenciement pour insuffisance professionnelle de l'intéressée sont imputables à d'autres personnes que le centre hospitalier, l'illégalité de la décision du directeur doit être regardée comme ayant été de nature à causer à Mme B...un préjudice direct et certain au cours de la période s'étendant entre le 8 juin 2009 et le 1er septembre 2010 ;
3. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ;
4. Considérant qu'il est constant que, pendant la période mentionnée au point 2, Mme B...a bénéficié de ses traitements ; que si elle n'a pas figuré au tour des gardes et astreintes et a été, ainsi, privée d'une chance sérieuse de percevoir les rémunérations correspondantes, celles-ci sont au nombre des indemnités qui sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de réparation de son préjudice financier ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 2 novembre 2006, Mme B...a posé un diagnostic imprécis et erroné, ayant conduit à une mauvaise indication chirurgicale, suivie de mise en oeuvre le 7 décembre 2006 d'une technique opératoire inadaptée ; que le 3 mars 2007, Mme B...qui n'a pas voulu se déplacer immédiatement, a décidé tardivement de faire une échographie et a fait perdre une chance à l'enfant de naître par voie naturelle en rendant nécessaire la réalisation d'une césarienne ; que, le 14 décembre 2007, MmeB..., qui était alors de garde, n'est pas venue rapidement auprès d'une patiente qui avait des contractions utérines rapprochées et a renoncé à pratiquer une césarienne, dont l'indication avait été antérieurement posée, laissant se dérouler un accouchement par le siège, potentiellement à risques, faisant ainsi courir un risque inutile à la mère et à l'enfant ; que ces faits, dont la réalité n'est pas sérieusement contestée, étaient, par eux-mêmes, de nature à faire peser un doute sur les aptitudes professionnelles de MmeB... ;
6. Considérant que, compte tenu, d'une part, de ce que Mme B...n'a été, pendant la période litigieuse, suspendue que d'une partie de l'exercice de ses fonctions hospitalières et de la durée de cette période, d'autre part, des faits relevés à son encontre, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne pouvait pas demander réparation de préjudices résultant de retards dans sa carrière ou d'atteinte à sa réputation professionnelle ;
7. Considérant, en revanche, qu'alors même qu'il ne serait pas établi que les affections dont souffre Mme B...seraient directement liées à sa situation professionnelle pendant la période litigieuse, l'illégalité de son maintien dans cette situation pendant cette période doit être regardée, même compte tenu des faits qui lui sont reprochés, comme ayant été à l'origine d'un préjudice moral ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le centre hospitalier Andrée Rosemon à Cayenne à verser à Mme B...une indemnité de 2 500 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier Andrée Rosemon à Cayenne ; qu'elle est, par suite, fondée à demander l'annulation de ce jugement et la condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité de 2 500 euros ;
9. Considérant que Mme B...a droit que la somme de 2 500 euros porte intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2011, date de la réception de sa demande préalable par le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne ; que, pour l'application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit toutefois besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par un mémoire enregistré le 14 novembre 2011 ; que si, à cette date, il n'était pas dû une année entière d'intérêts, cette demande doit prendre effet à compter du 19 juillet 2012, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne tendant à leur application ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner, en application de ces dispositions, le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne à verser à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du 21 février 2013 du tribunal administratif de Cayenne est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne est condamné à verser une indemnité de 2 500 euros à MmeB....
La somme de 2 500 euros portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2011. Les intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts au 19 juillet 2012 et à chacune des échéances annuelles à compter de cette date.
Article 3 : Le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne versera à Mme B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B...et les conclusions du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne.
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No 13BX01121