La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2015 | FRANCE | N°14BX00256

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 16 mars 2015, 14BX00256


Vu la requête enregistrée par télécopie le 24 janvier 2014, et régularisée par courrier le 30 janvier suivant, présentée pour Mme C...demeurant..., par Me A...;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300222 du 14 novembre 2013 du tribunal administratif de Fort-de-France qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Colson à lui verser une indemnité d'un montant total de 20 000 euros avec intérêts à compter du 18 avril 2013 et capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait d'un harcèlement moral;

2

) de condamner le centre hospitalier de Colson à lui verser cette indemnité avec les in...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 24 janvier 2014, et régularisée par courrier le 30 janvier suivant, présentée pour Mme C...demeurant..., par Me A...;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300222 du 14 novembre 2013 du tribunal administratif de Fort-de-France qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Colson à lui verser une indemnité d'un montant total de 20 000 euros avec intérêts à compter du 18 avril 2013 et capitalisés, en réparation du préjudice subi du fait d'un harcèlement moral;

2°) de condamner le centre hospitalier de Colson à lui verser cette indemnité avec les intérêts et la capitalisation des intérêts, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Colson la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2015 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., infirmière psychiatrique de classe normale, a été mutée au centre hospitalier de Colson à compter du mois de janvier 2006 ; qu'elle a été placée sur un poste intrahospitalier au foyer d'accueil médico-social, antenne du centre hospitalier de Colson ; qu'elle se plaint de faits de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, notamment en ce que celle-ci a refusé de faire droit à ses demandes de changements d'affectation et serait responsable de la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé physique et mentale ; que Mme B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 14 novembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

4. Considérant, en premier lieu, que Mme B...estime avoir fait l'objet de faits de harcèlement moral au motif que ses huit demandes successives de mutation ont été refusées par le centre hospitalier ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, les huit demandes de changement d'affectation rédigées de sa main et qu'elle produit aux débats sont toutes exclusivement fondées sur des motifs d'ordre professionnel et d'ordre familial, et non sur des motifs de santé ; que si la requérante s'est vue refuser à huit reprises en cinq ans les mutations ou changements d'affectation qu'elle sollicitait, elle n'établit pas que sa candidature aurait été illégalement écartée par le centre hospitalier de Colson, alors, d'une part que ce dernier apporte des éléments de nature à établir que les refus de faire droit aux demandes de mutation ont été pris dans l'intérêt du service ou en raison de l'absence de postes vacants ; que si Mme B...produit en outre deux avis du médecin du travail, datés des 6 août et du 3 septembre 2010 rappelant qu'un changement de poste vers une structure extra-hospitalière est préconisé pour elle depuis 2007 sans succès, ces deux seuls avis ne suffisent pas à établir que l'absence de mutation vers ce type de poste serait constitutive de harcèlement moral, alors au demeurant que l'intéressée produit un courrier du centre hospitalier du 5 novembre 2010 l'informant de son affectation à la direction des soins à compter du 8 novembre 2010 ; qu'ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les refus qui ont été opposés à Mme B...résulteraient d'une intention du centre hospitalier de nuire à l'intéressée ; que, dans ces conditions, les refus successifs d'accéder aux demandes de la requérante ne sauraient être regardés comme des faits constitutifs de harcèlement moral ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient qu'elle a fait l'objet de plannings mal équilibrés et sujets à modifications de dernière heure sans avertissement ; que cependant, la seule production de quatre plannings correspondant aux mois de mai, août, septembre et octobre 2010 n'établit pas, comme il lui incombe de le faire, la réalité de ces allégations et n'apporte aucun élément permettant de considérer que les changements allégués la visaient personnellement ; qu'ainsi, l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral ne peut davantage être regardée comme établie ;

6. Considérant enfin, que si la requérante soutient que ses conditions de travail se sont dégradées au point de l'affecter d'une dépression, la seule constatation d'une dégradation de ces conditions ne saurait suffire à révéler l'existence de faits de harcèlement ; que si elle allègue de problèmes de santé en relation avec ses conditions de travail depuis 2007, le centre hospitalier affirme sans être démenti que l'arrêt maladie qu'elle a eu en 2007 est consécutif à une opération de la mâchoire ; que si les deux avis rendus par la médecine du travail en 2010 font état, pour l'un, d'une " grande difficulté psychologique par rapport à son poste de travail " et pour l'autre, d'" une situation de burn-out depuis quelques mois ", ces avis, qui traduisent le ressenti de l'intéressée, quand bien même pourraient-ils refléter une certaine dégradation de ses conditions de travail ou une charge de travail trop lourde, ne suffisent pas établir, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'existence d'un lien entre le harcèlement moral allégué et l'état de santé de la requérante ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...ne peut être regardée, en raison des faits qu'elle invoque, comme ayant été victime, de la part de son autorité hiérarchique, d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Colson, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Colson présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

No 14BX00256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00256
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SENART

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-16;14bx00256 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award