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16/03/2015 | FRANCE | N°13BX03237

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 16 mars 2015, 13BX03237


Vu la requête enregistrée le 3 décembre 2013, présentée pour Mme C...A...demeurant..., par Me Ruffié ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201865, 1203562 du 22 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté ses demandes, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 mars 2012 par laquelle le président du conseil général de la Gironde a retiré son agrément d'assistante familiale et à ce qu'il soit enjoint au département de la Gironde de reconstituer sa carrière sous astreinte et, d'autre part, à la condamnati

on du département à lui verser la somme de 300 000 euros assortie des intérêts d...

Vu la requête enregistrée le 3 décembre 2013, présentée pour Mme C...A...demeurant..., par Me Ruffié ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201865, 1203562 du 22 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté ses demandes, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 mars 2012 par laquelle le président du conseil général de la Gironde a retiré son agrément d'assistante familiale et à ce qu'il soit enjoint au département de la Gironde de reconstituer sa carrière sous astreinte et, d'autre part, à la condamnation du département à lui verser la somme de 300 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable du 4 juillet 2012, avec capitalisation des intérêts ;

2°) d'annuler la décision précitée du 28 mars 2012 ;

3°) d'enjoindre au département de la Gironde reconstituer sa carrière sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le département à lui verser la somme de 300 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation préalable du 4 juillet 2012, avec capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens outre le droit de timbre et de plaidoirie ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2015 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Ruffié, avocat de MmeA..., de Me D..., de la Selarl Lex Urba, avocat du département de la Gironde, et de Mme E..., représentant le président du conseil général de la Gironde ;

1. Considérant que Mme A...a été employée en qualité d'assistante familiale par le département de la Gironde en contrat à durée indéterminée depuis le 22 janvier 1999 ; que son dernier agrément du 27 mai 2007, sans limitation de durée, lui permettait d'accueillir trois enfants mineurs ou trois jeunes majeurs en accueil permanent ; qu'elle a fait l'objet le 1er décembre 2011 d'un signalement de maltraitance sur deux jeunes enfants dont elle avait la garde, et qui a donné lieu, après transmission au parquet de Bordeaux, à une information judiciaire devant le juge d'instruction ; que le 6 décembre 2011, le président du conseil général a suspendu l'agrément de MmeA..., puis a procédé à son licenciement pour faute grave le 23 décembre 2011 ; que le 28 mars 2012, le président du conseil général a pris une décision de retrait d'agrément ; que Mme A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2013 qui a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision de retrait d'agrément du 28 mars 2012 et à ce qu'il soit enjoint au département de la Gironde de reconstituer sa carrière et, d'autre part, à la condamnation du département à lui verser la somme de 300 000 euros avec les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 mars 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. " ; que selon l'article L. 421-3 du même code : " (...) L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " ; qu'enfin, l'article L. 421-6 de ce même code dispose que : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) " ;

3. Considérant que la décision de retrait d'agrément du président du conseil général mentionne les éléments de droit sur lesquels elle se fonde et indique que l'agrément est retiré aux motifs que " la direction enfance et famille et le service de PMI ont porté à ma connaissance des faits graves de nature à compromettre la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants qui vous étaient confiés " ; que, compte tenu de ce que cette décision faisait suite d'une part, au licenciement pour faute grave de MmeA..., intervenu en décembre 2011 en raison des faits de maltraitance d'enfants portés à la connaissance du département par le procureur de la République, d'autre part, à la communication à l'intéressée le 28 février 2012 de l'ensemble des pièces de son dossier administratif comportant des notes des responsables du bureau d'accueil familial retraçant les faits de maltraitance qui lui étaient reprochés et enfin, à la réunion de la commission consultative paritaire départementale le 19 mars 2012 à laquelle elle s'est faite représenter par son époux, les mentions de la décision contestée étaient, dans les circonstances de l'espèce, bien que succinctes, dépourvues de toute ambiguïté sur la nature des faits ayant fondé le retrait d'agrément et n'ont dès lors pas privé Mme A...des garanties que l'exigence de motivation visait à lui apporter ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme A...n'était pas fondée à soutenir que la décision de retrait du 28 mars 2012 avait méconnu la règle de motivation posée par la loi du 11 juillet 1979 et l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ;

4. Considérant pour prendre sa décision, le président du conseil général s'est fondé sur les informations que lui avait transmises l'autorité judiciaire ; que contrairement à ce que soutient la requérante, le procureur de la République pouvait transmettre au président du conseil général des informations puisées dans une information judiciaire sans méconnaître le secret de l'instruction et sans que cela ait d'incidence sur la légalité de la décision contestée ; que la circonstance que l'intéressée bénéficiait de la présomption d'innocence n'était pas de nature à faire obstacle à ce que le président du conseil général se fonde sur les éléments dont il avait été informé pour faire usage des pouvoirs qu'il détient en application de dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'aide sociale et des familles ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 26 septembre 2014, une ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d'instruction, s'agissant des faits de violences habituelles sur mineurs de moins de quinze ans au titre desquels Mme et M. A...avaient été mis en examen ; que la légalité d'une décision doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, en tenant compte, le cas échéant, d'éléments objectifs postérieurs ; que, cependant, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique et non aux ordonnances de non-lieu que rendent les juges d'instruction, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; que, par suite, il appartient à la cour de rechercher, compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier soumis aux juges du fond, si le président du conseil général de la Gironde a entaché sa décision de retrait d'une erreur d'appréciation en estimant que les conditions de l'agrément avaient cessé d'être remplies ;

6. Considérant que si, comme le fait valoir la requérante, le signalement, concernant des faits de maltraitance qui auraient eu lieu dans la nuit du 30 novembre 2011, est fondé sur le seul témoignage de l'auxiliaire de vie employée au service de son beau-père, qui serait sujet à caution dans la mesure où celle-ci avait déjà fait l'objet de plusieurs remontrances sur ses qualité professionnelles de la part des époux A...qui en avaient informé l'association qui l'emploie, il ressort en revanche du procès-verbal de gendarmerie établi à la suite d'une enquête effectuée le 5 décembre au domicile du couple que M. A...a reconnu lui-même avoir déjà giflé durant la nuit le jeuneB..., enfant autiste, s'agissant selon lui du seul recours pour calmer ses crises et que, s'agissant de la petite Amina, âgée de 5 ans et que Mme A...accueille depuis l'âge de 2 ans et demi, le couple confirme le fait d'attacher la nuit l'enfant aux pieds et aux mains à l'aide de ruban adhésif afin de l'empêcher de déambuler dans la maison ; que si, aux termes de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction le 26 septembre 2014, ces façons d'agir, qui ont été reconnues par M. et MmeA..., ne peuvent recevoir la qualification pénale de violences habituelles sur mineurs, elles s'avèrent néanmoins inappropriées et traumatisantes et révèlent une incapacité de l'assistante familiale à maîtriser une situation difficile ; qu'alors qu'il appartenait à celle-ci de faire part de son désarroi auprès de ses référents du service de la protection maternelle et infantile, elle s'est, au contraire, abstenue de faire connaître à son service gestionnaire les difficultés qu'elle rencontrait dans l'accueil de ces deux enfants ; que dans ces conditions, alors même que les personnels soignants qui suivaient les deux enfants n'avaient jamais noté de signes de maltraitance et que Mme A...n'avait jusqu'alors fait l'objet d'aucune critique quant à l'accueil des enfants qui lui étaient confiés, en estimant que les conditions d'accueil prévues par l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles n'étaient plus remplies, et en décidant de lui retirer son agrément, le président du conseil général n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que Mme A...soutient qu'en procédant illégalement à son licenciement par la décision du 23 décembre 2011, le président du conseil général a commis une faute de nature à engager la responsabilité du département à son égard ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que, compte tenu des éléments objectifs portés à sa connaissance début décembre 2011, le président du conseil général de la Gironde a pu estimer que les conditions d'accueil des enfants confiés à Mme A...ne répondaient plus aux conditions prévues dispositions du code de l'action sociale et des familles, et prononcer sans commettre d'erreur d'appréciation le licenciement pour faute de la requérante ; que la mesure de licenciement ainsi prononcée n'étant pas entachée d'illégalité, Mme A...n'est pas fondée à demander la réparation du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subi du fait de cette décision ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique mentionnée à l'article R. 761-1 du code de justice administrative à la charge de MmeA... ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Gironde, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, y compris les droits de plaidoirie ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

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No 13BX03237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03237
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-03-02-01-01 Collectivités territoriales. Département. Attributions. Compétences transférées. Action sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-16;13bx03237 ?
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